Un projet de recherche permettra d’en savoir davantage sur les jeunes «sans religion», un groupe démographique en croissance mais dont on ne connait pas beaucoup la composition.
Élaborée par le professeur Jean-Philippe Perreault de la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval, cette étude durera trois ans et s’appuiera surtout sur des entrevues semi-dirigées avec des jeunes qui affirment n’appartenir à aucun groupe religieux.
«C’est le groupe ‘religieux’ qui est en plus forte progression», constate le titulaire de la Chaire de leadership en enseignement Jeunes et religions, au sujet des jeunes sans religion de moins de 30 ans.
Selon Statistique Canada, ils représentaient 5,8% de cette tranche d’âge en 2001. Ils seraient aujourd’hui à 18%, d’après un sondage CROP datant de 2014. Mais d’après les prévisions de Statistique Canada, ils se situeront entre 28,2% et 34,6% d’ici 2036. Autrement dit, dans un avenir proche, le tiers des jeunes Québécois se dira «sans religion».
Un groupe méconnu
Mais on connait peu les contours de cette cohorte croissante, que l’on devine disparate et bigarrée. Les données existantes à son sujet sont surtout quantitatives. Voilà pourquoi le professeur Perreault espère décrire «la configuration et la dynamique de l’imaginaire de jeunes Québécois sans religion», un thème qui lui permettra de renouer avec le style de travail effectué sur des jeunes catholiques pour sa thèse de doctorat. Ultimement, il souhaite parvenir à «dégager des axes de la recomposition religieuse en cours» et «élaborer un modèle théorique explicatif». Il bénéficie pour cela d’une subvention du Fonds de recherche québécois – société et culture du gouvernement du Québec.
«Tout ce qu’on sait, c’est que c’est ce qu’ils affirment», explique-t-il. «Mais ça ne veut pas dire qu’ils sont nécessairement athées, qu’ils n’ont ni croyance, ni rituel. Se disent-ils sans religion parce qu’ils n’ont pas reçu d’héritage religieux? Ou ont-ils choisi de se désaffilier d’un héritage religieux qu’ils auraient reçu?»
Pour y voir clair, il s’attèlera à produire des récits de vie. Il commencera dès septembre à réaliser des entrevues. À ce stade-ci, il redoute de réussir à trouver suffisamment de jeunes sans religion qui accepteront de venir parler de leur expérience, de leurs conceptions du monde et de leur rapport au sens.
«C’est déjà difficile de faire des entrevues, mais là il faut recruter des jeunes qui vont accepter de venir parler de religion alors qu’ils se disent sans religion!», lance-t-il.
Plusieurs questions sans réponse
«Si l’on arrive à tracer certains traits généraux, qu’en est-il de l’univers de représentations qui est le leur? À quelles valeurs et croyances adhèrent-ils et lesquelles refusent-ils? Quelles visions de l’humain, de la vie, de la mort portent-ils? Quels sont leurs rapports au temps et à l’espace? Quelles sont leurs «pratiques de sens»?» énumère le projet de recherche comme tant de questions à soulever lors des entrevues.
Le professeur Perreault observe le phénomène religieux chez les jeunes depuis plusieurs années, dans un contexte d’ultramodernité. Il ne serait pas étonné de trouver beaucoup de ressemblances entre les cohortes de jeunes catholiques déjà analysés et les jeunes sans religion.
«Nous assistons à une recomposition du religieux à l’œuvre chez les jeunes qui appartiennent à un héritage religieux : les jeunes qui sont catholiques sont dans une quête de bonheur, d’épanouissement personnel. Ils veulent bien vivre. Or, cela n’appartient pas à la religion, mais à la culture ambiante. Mon hypothèse, c’est qu’on va retrouver les mêmes axes de recomposition chez les jeunes sans religion que chez les catholiques!», croit-il.
Il s’attend essentiellement à trouver chez eux des préoccupations semblables.
«Certains – ça peut être des jeunes catholiques, ou musulmans, etc. – vont les actualiser dans un héritage religieux, et d’autres vont les actualiser en se réclamant d’autre chose. C’est cette ‘autre chose’ que je veux élucider», poursuit-il. «Si on finit par réaliser qu’il y a une fonction religieuse à l’extérieur des religions, on vient remettre en cause le grand récit de la sécularisation d’une société comme la nôtre qui se viderait du religieux.»
Mais avant d’affirmer ou d’infirmer quoi que ce soit, le professeur Perreault doit d’abord trouver des candidats de 18 ans ou plus qui se disent sans religion et qui accepteront de se prêter à une entrevue. Toute personne intéressée peut entrer directement en contact avec lui à cette adresse : .