Les nouvelles orientations en matière de rites funéraires entraient en vigueur le 1er septembre pour le diocèse de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Fruit d’un travail de réflexion qui a duré un an, elles marquent la volonté du personnel pastoral de mettre l’accent sur une approche plus «missionnaire» lorsque vient le temps de souligner la mort.
En mai 2018, l’évêque Pierre Goudreault a lancé un nouveau chantier pour revoir ces orientations et les mettre à jour. Le document final, intitulé Célébrer la mort dans l’espérance chrétienne, est le produit du travail collaboratif d’une cinquantaine de personnes des milieux ecclésiaux et funéraires.
«Pour moi c’est clair que nous sommes plusieurs partenaires: les familles, le personnel des paroisses, le personnel des entreprises funéraires. De janvier à mars 2019, nous avons d’ailleurs approché les neuf entreprises funéraires présentes sur notre territoire diocésain avec notre document de travail pour solliciter leur avis», explique Mgr Goudreault.
Surtout, le diocèse voulait que les nouvelles orientations ne soient pas que le reflet de préoccupations techniques se rapportant au déroulement des célébrations ou à leur coût. En sollicitant largement l’avis des acteurs du milieu, il a constaté que la trame de fond n’a d’autre choix que de se vivre dans le contexte social actuel, «qui est un contexte missionnaire», précise l’évêque.
«On ne peut plus tenir pour acquis que tous ont rencontré et connaissent Jésus-Christ», convient Pierre Goudreault. «Nous devons être capables de nommer, même lors des célébrations, les doutes et les préoccupations de gens endeuillés qui cherchent dans leur conscience des pistes d’espérance et de réconfort. Nous ne devons pas juste être là pour apporter un message, mais aussi pour se laisser évangéliser par ce que les familles portent comme questions.»
Autrement dit, l’approche missionnaire préconisée n’est pas une question de prosélytisme: il s’agit au contraire d’accueillir les familles endeuillées et d’accepter, qu’à leur contact, l’Église locale soit «évangélisée».
«Comment apprivoiser, rencontrer la mort? J’ai accompagné beaucoup de personnes mourantes, mais jamais dans leurs derniers instants, explique l’évêque. J’ai pu être avec ma mère pour ce moment: je l’ai alors vécu pour la première fois. Elle m’a enseigné jusque dans ses derniers instants», confie-t-il avec émotion.
Il encourage le personnel pastoral à faire preuve d’une grande écoute et à accueillir les familles telles quelles sont. En consultant les entreprises funéraires situées sur le territoire diocésain, il a été frappé de voir à quel point elles ont aussi ce souci d’écoute et d’accueil.
Tourner le dos aux rites funéraires
Par ailleurs, tant l’Église que ces entreprises partagent une même inquiétude devant la croissance des gens qui ne souhaitent avoir aucun rite lors de leur décès.
Il y a quelques décennies à peine, la majorité des gens se tournaient vers des rites funéraires catholiques au Québec. Selon les plus récentes statistiques de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec, pour l’année 2017, un total de 22 958 funérailles ont eu lieu dans les différents diocèses de la province. Or, selon l’Institut de la statistique du Québec, environ 66 300 personnes seraient mortes cette année-là, ce qui signifie que des funérailles catholiques ne sont aujourd’hui célébrées que pour un décès sur trois au Québec. En 2018, 699 funérailles ont été célébrées dans le diocèse de Sainte-Anne-de-la-Pocatière.
«Ce qui me préoccupe comme jeune évêque, c’est la montée dans la société de ceux qui demandent de ne rien faire: aucune exposition, crémation rapide, aucun rassemblement de famille parfois. Souvent, sous prétexte de ne pas vouloir déranger. Mais inévitablement, 90% des gens ne vivent pas bien leur deuil. Et ça fait partie du deuil de se donner des rites et célébrer la mort», observe-t-il.
Dans un contexte d’ultramodernité où tout va vite et où les gens cherchent de plus en plus à personnaliser les grands rites de passage de leur vie, il souligne le fait que personne ne contrôle réellement sa mort. «Ça peut faire en sorte qu’on veuille s’esquiver rapidement. Il y a une peine et une souffrance qu’on a de la difficulté à apprivoiser. On ne peut pas retourner à ce que c’était autrefois, mais il y a peut-être un minimum qu’on peut se donner», croit-il.
Selon lui, il faut rappeler l’importance de pouvoir parler de la mort, de la prévoir, de l’anticiper, d’écrire ce qu’on souhaite pour nos proches après notre décès. «C’est devenu un sujet tabou. La mort et la foi, voilà bien deux sujets tabous dans notre société! Je n’ai pas ici qu’un souci spirituel. Je porte un souci humain, car l’humain a besoin de nommer ses peines, ses joies, de sentir la solidarité et le soutien.»
Il croit que même si les défunts ou les familles sont éloignées de l’Église depuis longtemps, les rites proposés dans les diverses paroisses peuvent aider.
«Je dirais simplement: faites-vous confiance, et faites-nous confiance, dit Mgr Goudreault. On peut cheminer ensemble pour donner un sens à l’événement de la perte de l’être cher que vous vivez. On croit qu’avec une célébration, on peut se permettre d’amorcer un deuil, de trouver plus de force pour avancer. On est là pour guider. Quand c’est fait avec respect, les gens trouvent leur place.»
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