Le mot «mission» était sur toutes les langues lundi midi lors de la présentation du nouvel évêque auxiliaire de Québec. Martin Laliberté en était à un deuxième mandat comme supérieur général de la Société des Missions Étrangères au moment de sa nomination à Québec par le pape François le 25 novembre. L’homme de 54 ans originaire de Charlesbourg – la plus grande paroisse de l’archidiocèse de Québec – a auparavant été missionnaire en Haïti et en Amazonie.
Le cardinal Gérald Lacroix et l’évêque auxiliaire Marc Pelchat ne cachaient pas leur soulagement de voir le pape nommer un nouvel évêque auxiliaire à Québec. Depuis le départ de Louis Corriveau, nommé à Joliette plus tôt cette année, ils espéraient que le pape nomme rapidement une autre personne en mesure de les soutenir dans leur tâche.
Devant ses collègues des services diocésains, Mgr Pelchat a parlé d’un «jour heureux» qui constitue «l’ouverture d’une nouvelle page dans l’histoire de notre Église diocésaine, je dirais de notre Église missionnaire».
Le cardinal Lacroix a indiqué qu’il connait «un peu» Martin Laliberté. Il n’a pas manqué de souligner que son père Claude, diacre permanent, a longtemps travaillé comme économe diocésain et que son frère Daniel, aujourd’hui professeur de théologie au Luxembourg, a lui aussi travaillé pour le diocèse.
Badin, le cardinal a demandé à son nouvel auxiliaire s’il trouvait ça curieux de se faire appeler «monseigneur». «Un peu, oui!», a convenu Mgr Laliberté du tac au tac. Le cardinal a ajouté en riant qu’en à peine «quatre ou cinq ans», il sera habitué.
Mgr Laliberté a confié qu’il a reçu l’appel du nonce apostolique le 18 novembre à son bureau de Laval, où se trouvent les prêtres des Missions Étrangères. Il a indiqué ne pas se sentir nerveux, mais plutôt fébrile.
«On voit sa vie être bousculée», a reconnu celui qui a été ordonné prêtre en 1995. «On voit ce que ça implique, pour soi, mais aussi pour ma société missionnaire.»
Il a surtout compris qu’alors qu’il avait jusqu’ici été missionnaire à l’extérieur du Québec, on l’appelait cette fois à être missionnaire au Québec.
Il a expliqué avoir accepté cette nomination «comme un appel de l’Esprit» pour se «mettre au service», et y voir une «opportunité pour une annonce de l’Évangile».
«Pour un missionnaire, c’est passionnant», a-t-il ajouté.
Malgré ses obligations de supérieur général, il venait à Québec régulièrement pour vivre des célébrations avec les communautés lusophone et hispanophone.
«La mission, c’est une question de rencontres», a-t-il dit. «Marchons, et allons-y.»
Mgr Pelchat lui a passé sa nouvelle croix pectorale autour du cou. Le cardinal Lacroix lui a placé son zucchetto sur la tête. «Tu as remarqué que ta croix est devenue plus grosse, a fait remarquer le cardinal. J’espère qu’elle ne sera pas plus pesante.»
Pour sa devise épiscopale, Martin Laliberté a choisi «Si tu savais le don de Dieu», qui évoque la rencontre de Jésus avec la Samaritaine. «Dans un monde en recherche de sens, si les gens savaient la grandeur et la beauté de Dieu, tout ce que ça peut transformer dans une vie», a-t-il expliqué.
Il affirme par ailleurs se nourrir beaucoup de la spiritualité franciscaine. Pas tant de la nature – bien qu’il se dise sensible à cette réalité – mais surtout en ce qui a trait «au Christ présent dans le monde».
Une Église en mutation
Son frère Daniel, professeur de théologie pratique et directeur du département Religion, communication, éducation au Centre Jean XXIII au Luxembourg, a confié à Présence que Martin et lui parlaient souvent des enjeux ecclésiaux et que leur «angle d’attaque commun était évidemment les déplacements que devait vivre une Église qui accepte sa nouvelle situation dans le monde d’aujourd’hui et qui en assume la mission, avec ce que cela implique comme transformations des fonctionnements traditionnels».
«Quel courage pastoral, quel leadership cela prend-il pour que l’Église catholique, celle du Québec, celle de Québec, s’engage résolument sur cette voie? Et je ne peux que me demander: comment mon frère évêque missionnaire pourra infléchir un tant soit peu la direction des options pastorales et, surtout, les décisions concrètes qui doivent en découler?», a demandé le professeur.
«Or voilà que maintenant il se retrouve du côté des « décideurs », de sorte qu’il va devoir naviguer entre ses convictions, héritées autant de ses études de missiologie que de son expérience haïtienne et amazonienne, et les « possibles » d’une Église qui a du mal à changer de posture, malgré tous ses discours officiels», a précisé le professeur Laliberté, qui n’avait pas encore eu l’occasion de parler à son frère dans les heures suivant sa nomination.
«C’est ça!», a lancé Mgr Laliberté en prenant connaissance de ces propos. «On arrive dans une Église qui a toute une histoire, toute une tradition, qui essaye de prendre un virage pour être une Église en sortie. Comment faire ça? Il va falloir naviguer, voir les portes ouvertes», a-t-il ajouté.
Selon lui, l’une de ces portes est de miser sur la collaboration entre les clercs et les laïcs, une expérience qu’il a lui-même pu vivre lors de ses huit années passées en Amazonie.
«Je crois à des communautés qui soient ‘levain dans la pâte’, pas la pâte au complet! Des communautés qui agissent comme des témoins dans leurs milieux», a dit Mgr Laliberté.
Martin Laliberté a assuré souhaiter devenir non pas un évêque qui entre à tout prix «dans un moule» mais un pasteur qui continuera à «être ouvert sur le monde et sur les nouvelles façons d’être et ‘d’être Église’».
Au moment de publier ces lignes, la date de son ordination épiscopale n’était pas encore arrêtée. Elle devrait avoir lieu à la fin de 2019 ou au début de 2020.
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