En août 2013, le père Bernard Ménard envoie une lettre au pape François, élu cinq mois plus tôt. Il lui demande « d’apporter à nos frères et sœurs homosexuels une parole et un geste concret d’espérance que vous seul pouvez leur communiquer de façon crédible ».
Il explique que depuis quarante ans, il a accompagné des « dizaines de personnes de grande foi qui me racontent à la fois la beauté et la souffrance de leurs amitiés homophiles ».
Dans sa lettre, qu’il rend publique ces jours-ci, il lance deux questions au pape. « Comment croire et enseigner que toutes ces personnes sont appelées par Dieu à vivre dans un désert affectif et une abstinence sexuelle totale ? Comment les condamner au célibat perpétuel, alors que nous, qui y avons été préparés et l’avons choisi librement, le vivons avec difficulté ? »
« Le pape n’a pas répondu à ma lettre », dit le père Ménard, membre de la congrégation des Missionnaires oblats de Marie-Immaculée.
Il note toutefois que depuis l’envoi de la lettre, le pape François a posé plusieurs gestes d’accueil envers les personnes homosexuelles. « Je pense à ce qu’il a fait au Paraguay quand il a reçu, parmi les gens de la société civile, le porte-parole des LGBT [personnes lesbiennes, gays, bisexuels, et transgenres]. Le pape François, c’est sa manière de faire. Avant les grandes déclarations, il pose des gestes. »
Huit recommandations en ligne
Arrive la première session du synode des évêques sur la famille en octobre 2014. La question de l’accueil des personnes homosexuelles dans l’Église y est discutée et fortement débattue.
Cela convainc Bernard Ménard de lancer une consultation populaire à ce sujet, avant la tenue de la deuxième session du synode.
Durant le mois d’août, l’ex-vice-recteur du sanctuaire Notre-Dame-du-Cap a préparé un site Web, accessible en français, en anglais et en espagnol, afin que le plus grand nombre d’internautes puissent s’exprimer en ligne sur la relation entre l’Église et les couples homosexuels, « une question vitale pour une part importante de nos frères et de nos sœurs ».
« Des milliers d’entre eux subissent le mépris public, la torture et la mort. Sans parler des milliers d’autres qui se suicident de désespoir. Avons-nous une Bonne Nouvelle à leur annoncer de la part de Jésus et de l’Évangile ? », demande-t-il.
À l’adresse www.synode2015homos.org, il dépose huit recommandations que les visiteurs sont invités à cocher, s’ils sont en accord avec leurs formulations.
« Je souhaite que soit reconnue la valeur humaine et spirituelle des unions de couples de même sexe dont l’amour s’exprime en sincère amitié, en fidélité mutuelle, en fécondité par l’ouverture aux autres et à la Source de la vie », dit la troisième recommandation.
À la recommandation 5, on lit : « Je souhaite que soit offert aux couples homophiles désireux de s’engager dans une relation stable, un accompagnement humain et spirituel; et que ceux qui professent la foi au Dieu de Jésus Christ puissent recevoir sa bénédiction au sein de la communauté chrétienne ».
Pas de mariage
L’expression mariage homosexuel n’apparaît pas dans le sondage. « J’ai évité ce mot », reconnaît Bernard Ménard. Pour ne pas qu’on s’attarde au vocabulaire choisi. « Je n’ai pas de difficulté quand on dit qu’on veut garder le mot mariage pour l’union de l’homme et de la femme. Mais je veux qu’on reconnaisse formellement que l’union amoureuse de deux personnes du même sexe est aussi une expression de l’amour de Dieu. »
Plus de 350 personnes avaient déjà enregistré leur choix, dit-t-il lors de l’entrevue. Il souhaite que des milliers de personnes remplissent ce sondage d’ici le 1er octobre. Les réponses seront compilées et remises aux quatre évêques canadiens qui seront présents au synode sur la famille.
En plus des réponses aux questions, le promoteur de cette consultation reçoit plusieurs commentaires, certains négatifs, d’autres émouvants. « Des gens disent que je ne vais pas assez loin. Quelques-uns osent exprimer leur souffrance face au rejet qu’ils subissent depuis trop longtemps dans l’Église. »
Le père Ménard reconnaît que cette question est loin de faire l’unanimité, tant parmi les chrétiens que chez les évêques qui participeront au synode. « Mais il est important que ceux et celles qui ont une autre vision de l’Église, qui souhaitent un retour à la radicalité de l’Évangile, osent s’exprimer de façon organisée. »
« Mon objectif est d’offrir un espace d’information et d’éducation sur une réalité mal comprise », explique le père oblat. « Tant mieux si cette initiative est l’occasion d’une prise de parole. C’est relativement rare dans l’Église de permettre à des milliers de personnes de s’exprimer. »