«Le pontificat du bon pape François est dangereux, justement parce qu’il éblouit trop. Il éblouit au point où on en vient à oublier son refus catégorique de reconnaître aux femmes des droits égaux à ceux des hommes en Église.»
Ces propos, pour le moins directs, sont ceux de la théologienne Odette Mainville, professeure retraitée de la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Montréal. Elle les a publiés peu avant la récente visite du pape, du 19 au 28 septembre, à Cuba et aux États-Unis.
Au lendemain de cette visite papale en sol américain, l’exégète, qui habite aujourd’hui à Maria, dans la Baie-des-Chaleurs en Gaspésie, maintient ses remarques.
Ce que le pape a dit et fait – et surtout ce qu’il n’a pas dit et n’a pas fait – «ont davantage renforcée mon opinion», confie-elle à l’agence de presse Présence.
«Comprenez-moi bien. Ce pape-là éblouit. Et je ne suis pas du tout cynique quand je dis cela. C’est une personne foncièrement bonne. C’est un homme qui est humble. C’est un pape qui véhicule les valeurs de l’Évangile comme jamais.»
Pour la théologienne, «être témoin de Jésus, c’est se demander ce que Jésus ferait aujourd’hui devant les problèmes de notre monde.»
Elle est certaine que «la question écologique, Jésus s’y intéresserait». La crise migratoire? «Elle serait au cœur de ses préoccupations, tout comme les ravages du capitalisme.»
«Le pape actuel a précisément abordé tous ces sujets. Et cela m’impressionne au plus haut point», ajoute la spécialiste des lettres de saint Paul.
Elle reconnaît «son humilité, sa compassion pour les pauvres, ses visites aux prisonniers, sa façon de prendre le repas avec ses serviteurs, ses propos sur le commerce des armes».
Pourtant, soupire-t-elle, «il y a un grand sujet qui est oublié ici. C’est la question des femmes. L’égalité, en Église, entre les femmes et les hommes».
Patience, patience…
«Ce pape est tellement bon, il représente un tel vent de fraîcheur que c’est quasiment faire preuve d’ingratitude que de dire ‘Oui, mais…’»
Certains reprocheront à l’exégète son impatience. Le pape François, en un peu plus de deux ans de pontificat, a modifié quelques comportements de l’institution et promis des réformes dans l’Église.
Mais on a affaire ici à une véritable injustice, à «une situation préjudiciable à 50% des membres de l’Église, laquelle perdure depuis des siècles», réplique la théologienne. «Le règlement de ce dossier ne devrait-il pas être une priorité?», demande-t-elle dans un texte publié le 10 septembre dans le site Web Femmes et ministères, un réseau de féministes catholiques.
Pour elle, «la capacité de changer quelque chose passe par l’intégration complète des femmes à tous les niveaux de pouvoir, et cela comprend le sacerdoce. C’est la voie d’entrée pour changer les choses dans l’Église».
Odette Mainville est formelle: l’Église, y compris sous le pape François, «nie à la moitié de ses effectifs les mêmes droits qu’aux hommes. C’est pourtant ce 50 % qui tient les paroisses ouvertes», observe-t-elle.
Cette situation constitue à ses yeux une injustice que le pape et l’Église tout entière devraient vivement dénoncer. Mais ils ne le font pas, regrette-t-elle.
Aux femmes alors de réclamer cette égalité. Elles s’y emploient déjà, rétorque-t-elle, mais on ne les écoute pas. Elle craint en fait que «le comportement du pape ne musèle les voix qui veulent s’élever pour faire changer les choses dans le domaine de la condition des femmes.»
La théologienne Odette Mainville maintient donc les propos qu’elle a tenus, peu avant la visite du pape en sol américain, dans le site Femmes et ministères. «Sous le pontificat de François, l’avancement de la cause des femmes risque d’être encore davantage retardé».
Bien qu’elle soit retraitée de l’enseignement, Odette Mainville anime encore des formations bibliques. En 2013, l’accès à la sacristie de l’église de Carleton-sur-Mer lui fut refusé pour ses cours, jugés controversés par des responsables de la paroisse. «Les inscriptions ont doublé depuis ces événements», dit-elle. L’an prochain, l’exégète proposera une introduction aux évangiles de Matthieu, Marc et Luc – les évangiles synoptiques – à l’Institut de pastorale de l’archidiocèse de Rimouski.
Mis à jour le 6 octobre 2015 à 11 h 59.