L’abbé Pierre Houle, un prêtre du diocèse de Nicolet qui dessert depuis 16 ans la mission Saint-François-de-Sales d’Odanak, ne comprend pas pourquoi les autorités catholiques canadiennes n’ont émis que des regrets au lendemain de la découverte des restes de 215 enfants autochtones à Kamloops.
Cette découverte, reconnaît ce prêtre qui habite à Odanak même, a créé une véritable onde de choc, «d’abord au sein des peuples des Premières Nations qui se sont sentis poignardés au cœur» mais également parmi la population allochtone, elle aussi «secouée par l’horreur de cette découverte».
L’absence d’excuses officielles directes de la part de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) pour son rôle dans l’administration des pensionnats autochtones – 70% de ces pensionnats étaient gérés, rappelle-t-il, par des congrégations religieuses catholiques ou des diocèses – lui apparaît aujourd’hui particulièrement «troublante».
«Je partage la peine et même la colère des gens de cette communauté que j’aime», déclare l’abbé Houle dans une entrevue téléphonique. «Tout le monde ici s’attend à des excuses plus officielles», alors que le silence qu’observe l’Église catholique n’a fait que réveiller «de vieilles blessures liées aux pensionnats autochtones».
«Chez nous, à Odanak», confie-il, habitent quelques survivants des pensionnats autochtones. «Ils ne sont plus nombreux», mais il dit avoir reçu les confidences d’un ex-élève qui a fréquenté le pensionnat de Pointe-Bleue (Mashteuiatsh). «Ce sont des horreurs qu’il a vécues là-bas.»
«Les survivantes et survivants de ces pensionnats sont souvent habités par une profonde souffrance et portent des séquelles psychosociales irréparables. Leur vie a été brisée», reconnaît l’abbé Houle dans une lettre ouverte qu’il a fait parvenir à différents médias régionaux afin d’expliquer que sans excuses, aucune réconciliation de sera possible.
Dans le public, la perception générale est que «l’Église manque de cœur et qu’il y a un manque d’humanité chez ses hauts dirigeants». Cette perception ne peut que «nuire à notre crédibilité et à notre action pastorale», estime-t-il.
«Je comprends que la conférence épiscopale canadienne soit hésitante à offrir des excuses à cause des conséquences juridiques et financières potentielles.» Mais ce silence a aussi des conséquences pastorales.
Le curé missionnaire de la communauté abénaquise d’Odanak croit qu’il est temps que les évêques fassent preuve d’un «peu d’audace» et «trouvent le courage nécessaire pour s’aventurer plus loin sur le noble chemin des excuses offertes».
Un «simple prêtre» depuis 1986, l’abbé Pierre Houle ne peut «pas parler au nom des autorités catholiques».
Mais, lance-t-il, «je n’ai aucune hésitation à exprimer mes profonds regrets et à présenter mes plus sincères excuses, d’abord aux survivants qui portent de profondes blessures et aux familles ayant souffert de la dure réalité des pensionnats, mais aussi à toute la communauté abénaquise et, par extension, à l’ensemble des peuples des Premières Nations affectés par cette page sombre de notre histoire commune».
Sans excuses officielles, le curé missionnaire croit aussi qu’on ne pourra jamais «tourner la page» et s’engager «sérieusement dans un processus de réconciliation».
Il est même convaincu que dès que la conférence épiscopale canadienne aura présenté ses excuses, «ce ne serait pas long que le pape François va ajouter les siennes».
Il est aussi bien conscient «toutes les excuses du monde ne suffiront pas à engendrer une véritable réconciliation». Le vrai travail débutera ensuite. Tous et toutes devront alors entreprendre «une lutte commune acharnée contre le racisme systémique qui marque notre société et affecte grandement les Autochtones».
«Pas de réconciliation, non plus, sans que notre regard de « blancs » porté sur les Autochtones ne change profondément, passant d’un regard marqué par les préjugés à un regard bienveillant et admiratif, reconnaissant la dignité des peuples des Premières Nations, l’importance de leur histoire, la richesse de leur culture et la beauté de leur spiritualité», estime enfin Pierre Houle.
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