Le temps d’un café – il préfère le thé! – le grand voyageur Michel Lacroix, un prêtre de l’archidiocèse de Gatineau, parle de son prochain voyage en Inde, de l’actualité intenationale et du faible intérêt de l’Église pour les questions sociales.
Présence : En février 2019, vous serez l’accompagnateur spirituel d’un pèlerinage en Inde, Sur les traces de saint Thomas l’apôtre. Quelle est la genèse de ce voyage?
Michel Lacroix: Il y a quelques années, lors d’un voyage en Inde, je suis allé dans le sud du pays. Mon objectif était de mieux connaître deux Églises orientales d’origine syriaque, l’Église syro-malabare et l’Église syro-malankare. J’étais logé au St. Ephrem Ecumenical Research Institute. Son directeur, le père Jacob Thekkeparambil, m’a dit qu’il aimerait que des Québécois découvrent l’Inde et particulièrement le sud du pays. J’ai donc mis sur pied ce projet avec l’aide de Spiritours.
Vous avez visité 174 pays à ce jour. Quand on a une telle connaissance du monde, comment réagit-on devant les informations que les médias nous donnent de ces pays?
Ce que je vois et ce que je lis me rend tellement triste. J’ai visité la Syrie, l’Égypte, le Yémen, des pays magnifiques qui sont aujourd’hui ravagés par des conflits. Le Yémen tout particulièrement. Le pire c’est qu’on en fait rarement mention ici. Pourtant, il y a une catastrophe humanitaire qui se vit actuellement là-bas. On nous informe des niaiseries de Trump, mais on n’a rien sur le Yémen. Cela me rend triste et je me sens impuissant devant cela. J’ai organisé une soirée de prière pour le Yémen, on a sensibilisé des gens à ce drame, mais c’est tellement peu.
Je pense beaucoup à la Syrie. Qu’est-ce qu’il reste de Damas aujourdhui, une des plus vieilles villes au monde? Que reste-t-il d’Alep, au nord? Comment les gens vont-ils se remettre de cela?
J’ai eu la même réaction lors de la guerre dans les Balkans. Quand, en 1991, on a bombardé Dubrovnik, je n’en revenais pas. Comment a-t-on osé bombarder une belle ville comme cela? Et à qui cela profite? Aux vendeurs d’armes, c’est tout.
Pour vous, l’Église doit s’intéresser aux enjeux sociaux. L’Église d’ici en fait-elle assez?
Si elle le fait, c’est un secret qui est bien gardé! L’Église du Québec a perdu, selon moi, son sens de la prophétie. Aujourd’hui, elle est insignifiante – Michel Lacroix fait le geste des guillemets en prononçant ce mot – dans le sens que dans notre société, elle ne signifie plus rien, elle ne dit rien, sauf s’il s’agit de condamner.
Mais quand il s’agit de prendre position sur des questions sociales, comme les Autochtones, on évite d’en parler. On dit au pape: ‘Ne t’en mêle pas’.
J’ai vécu le temps de la prophétie, quand l’Église de Gatineau était engagée au niveau des expropriations (ndlr: les expropriations au centre-ville de Hull). Il est vrai que l’Église a été malmenée par les élites mais les pauvres, eux, se sentaient appuyés.
Même si le prophétisme n’est pas très vivant actuellement dans l’Église du Québec, j’ai confiance qu’il peut renaître parce que le message de Jésus a un potentiel révolutionnaire. L’Église du Québec a déjà été frileuse, je pense à l’époque de Duplessis, et des prophètes ont surgi. Il ne faut pas perdre espoir. Il en viendra d’autres.