Au terme de sa visite officielle en Colombie, le pape François a admis n’avoir ni de réponses toutes faites ni de solution magique à proposer aux habitants de ce pays gangréné par des décennies de guerre civile et engagé dans un processus de paix.
En route vers la ville de Carthagène, le pape a été victime d’un accident de la route, lorsque sa papamobile s’est arrêtée brusquement, devant une foule compacte massée dans une rue. En se tournant vers les fidèles, le pape a cogné son arcade sourcilière contre le parebrise de véhicule, au prix d’une contusion et d’une légère coupure au visage.
Cette blessure mineure n’a pas empêché de pape d’affirmer avoir été «ému par la joie, la tendresse, et la noblesse du peuple colombien».
Ce voyage s’est en effet conclu le 10 septembre. Le pape a préalablement visité la capitale, Bogota, de même que les villes de Villavicencio et de Medellin. Dans chacune de ces villes, il a présidé des messes en plein-air, devant des foules considérables, auxquelles ont pris part des politiciens, des évêques, des membres du clergé, des jeunes et des séminaristes.
Des années de violence
C’est dans une Colombie encore blessée et à fleur de peau qu’avait lieu cette visite officielle du pape. Ce qui a donné lieu à des accolades et des épanchements de larmes, à l’occasion d’une veillée de prière et de réconciliation, le 8 septembre, à Villavicencio. Lors de cet événement, un ex-rebelle et un ex-membre d’un groupe paramilitaire se sont mutuellement demandé pardon, après avoir fait le récit des campagnes militaires auxquelles ils ont pris part. Une femme endeuillée a alors affirmé au pape être disposée à «pardonner l’impardonnable», celle-ci ayant vu deux de ses enfants mourir et un troisième être gravement blessé, lors d’une explosion survenue en 2012.
«Faisons le premier pas»: tel était le thème de cette visite. Au terme de ce séjour, le pape a dit souhaiter que les Colombiens trouvent la force de faire un deuxième pas dans ce processus de paix.
Indépendamment des compromis qui seront négociés par les politiciens et les experts, un fait demeure: les Colombiens, et eux-seuls seront appelés à être les «artisans de ce processus de paix», a affirmé le pape. Sans eux, ce processus «n’ira nulle part»
Plusieurs lignes de fracture divisent la société colombienne. D’abord entre ceux qui ont pris part au conflit, et ceux qui en ont été les victimes innocentes. Ensuite entre ceux qui appuient et ceux qui rejettent le traité de paix de 2016 entre le gouvernement colombien, et les membres des FARC, les Forces armées révolutionnaires de Colombie.
Des «changements radicaux»
Le 7 septembre dernier, l’archevêque de Bogota, le cardinal Ruben Salazar Gomez a reconnu le caractère explosif de ce processus de paix, qui est devenu «une source de polarisation politique qui amène dans son sillage des germes de division, de confrontation et de désorientation».
Le cardinal refuse toutefois de jeter l’éponge. «Notre pays est aux prises avec de profondes inégalités et iniquités. Nous devrons y faire face à l’aide de changements radicaux dans tous les aspects de notre vie sociale. Or, à l’évidence, nous ne sommes pas encore prêts à faire les sacrifices qui s’imposent [pour les mettre en place]», déplore l’archevêque.
«Si la Colombie veut mettre en place une paix stable et durable, elle doit de toute urgence faire un pas dans cette direction, celle du bien commun, de l’équité, de la justice et du respect pour la nature humaine et ses demandes. C’est uniquement en agissant sur les sources de la violence que nous arriverons à dénouer les désaccords complexes [qui divisent les Colombiens]», ajoute le cardinal.
L’exemple de Pierre Claver
Au terme d’une messe célébrée à Carthagène et au cours de laquelle il a honoré la mémoire de saint Pierre Claver, un jésuite du XVIIe siècle s’étant fait l’apôtre des esclaves noirs, le pape a invité tous les Colombiens à prendre part à ce processus de réconciliation nationale.
La visite officielle de François a pris fin dans cette ville du nord du pays où est mort ce jésuite et où ses reliques sont vénérées.
Au XVIIe siècle, Pierre Claver s’est dévoué pour le bien-être spirituel des esclaves africains entassés dans cette ville portuaire qui jouxte la mer des Caraïbes. Son engagement en faveur des esclaves l’a exposé «aux critiques et à l’opposition ouverte de ceux qui craignaient que son ministère ne mette en péril la lucrative traite des esclaves», a rappelé le pape.
Saint Pierre Claver n’a pas hésité à froisser ses contemporains, majoritairement favorables à l’esclavage.
Le pape a tenu à témoigner de son admiration à l’égard des Colombiens pour la résilience, l’espérance et la foi dont ils ont fait preuve pendant ces 52 années de guerre civile. Il les a invités à regarder plus haut et plus loin que la conjoncture actuelle, et à se demander ce Dieu attend d’eux.
«Nous sommes appelés à faire preuve de courage, à nous laisser infuser par ce courage évangélique qui s’empare de nous lorsque nous découvrons que plusieurs d’entre nous sommes affamés: affamés de Dieu, affamés de dignité, parce qu’ils en ont été [trop longtemps] privés», disait-il lors d’une messe célébrée à Medellin, le 9 septembre.
Tout au long de sa visite officielle, il a invité les Colombiens, individuellement et collectivement, à faire un premier pas vers l’autre, dans une optique de réconciliation. Qu’il s’agisse de demander pardon. Ou de venir en aide aux personnes dans le besoin.
Cindy Wooden, Catholic News Service
Trad. et adapt. F. Barriault, pour Présence