Lorsque le pape François entamera son voyage au Chili et au Pérou la semaine prochaine, il devra trouver un moyen de rétablir une confiance ébranlée après que les scandales dans les deux pays aient choqué de nombreux fidèles catholiques.
Le pape François a planifié sa quatrième visite en Amérique du Sud du 15 au 21 janvier. Comme pour la plupart de ses voyages, il a laissé entendre qu’il espère apporter espoir et réconfort aux personnes en marge de la société, en particulier les peuples autochtones.
Cependant, les défis auxquels l’Église fait face dans les deux pays ajouteront à la complexité de ce quatrième séjour.
Au Pérou, des jeunes membres de Sodalitium Christianae Vitae, un mouvement catholique, ont été victimes d’abus psychologiques et sexuels de la part de dirigeants de groupes, dont le fondateur, Luis Fernando Figari. Une enquête interne de Sodalitium a confirmé l’abus d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes du mouvement.
Moins d’une semaine avant la visite du pape au Pérou, la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique du Vatican a nommé un évêque colombien pour administrer le mouvement plombé par le scandale.
Le Vatican a déclaré le 10 janvier que le pape François a suivi l’affaire «avec inquiétude» et «demandé avec insistance» à la congrégation d’agir.
Nomination contestée
En dépit de ses actions pour résoudre la question des abus sexuels au Pérou, sa décision de nommer un évêque accusé de fermer les yeux sur les abus a attiré l’attention au Chili.
La nomination de Mgr Juan Barros à la tête du diocèse d’Osorno a suscité plusieurs protestations – notamment lors de la messe d’installation de l’évêque – en raison de la relation de l’évêque avec le père Fernando Karadima, son ancien mentor.
Le père Karadima a été condamné à une vie de prière et de pénitence par le Vatican après avoir été reconnu coupable d’avoir abusé sexuellement des garçons.
Greg Burke, directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, a déclaré aux journalistes le 11 janvier que le programme officiel du pape François pour le Chili et le Pérou n’inclut pas de rencontre avec des victimes d’abus sexuels ou avec ceux qui contestent la nomination de Mgr Barros. L’abus sexuel est «clairement un thème important», a déclaré Burke, ajoutant que «les meilleures réunions sont des réunions privées».
Des propos du pape qui choquent
La contestation contre la nomination de l’évêque a pris de l’ampleur quand une vidéo du pape François défendant la nomination a été publiée en septembre 2015 par la chaîne d’information chilienne Ahora Noticias. Tournée lors d’une audience générale quelques mois plus tôt, la vidéo montre le pape en train de dire à un groupe de pèlerins chiliens que les catholiques s’opposant à cette nomination «jugent un évêque sans aucune preuve».
«Pensez avec votre tête, ne vous laissez pas entraîner par tous les gauchistes qui sont ceux qui ont commencé tout cela», a dit le pape. «Certes, [le diocèse d’] Osorno souffre, mais d’être stupide parce qu’il n’ouvre pas son cœur à ce que Dieu dit et se laisse mener par toutes ces bêtises que disent les gens.»
Beaucoup ont été indignés par l’évaluation de la situation par le pape, y compris plusieurs victimes du père Karadima, qui ont organisé un événement pour coïncider avec l’arrivée du pape François dans le pays.
La conférence, intitulée «Abus sexuel dans un contexte ecclésiastique», est parrainée par la Fondation pour la confiance et mettra en vedette plusieurs personnalités connues, dont Peter Saunders, un ancien membre de la Commission pontificale pour la protection des mineurs.
«Le fait que le pape vienne et que nous organisons ce séminaire est dû au fait que beaucoup de gens manifestent leur engagement envers les droits des enfants et leur colère contre le manque de réaction et les erreurs de propos du pape», a déclaré Jose Andres Murillo, directeur de la Fondation, dans une interview au site d’informations chilien, El Mostrador. Il a lui-même subi des abus de la part du père Karadima.
Les manifestants du diocèse d’Osorno devraient également être à Santiago, appelant le pape à retirer Mgr Barros.
Pendant ce temps, dans une lettre ouverte publiée sur le blog d’information jésuite Reflexion y Liberacion, un groupe d’étudiants chiliens a dit espérer que la visite du pape François apporterait un véritable changement «non seulement dans notre Église sainte et pécheresse mais aussi dans le monde».
«Nous espérons que vous serez courageux, que vous donnerez un visage aux hommes et aux femmes invisibles du Chili, que vous affronterez la réalité du pays et ne vous laisserez pas tromper par les mensonges vendus par le monde des affaires, les autorités politiques et même beaucoup de nos autorités ecclésiastiques», ont écrit les étudiants.
Junno Arocho Esteves