Un homme qui a vécu durant 17 ans au sein de la Famille Marie-Jeunesse (FMJ) vient de demander l’autorisation d’exercer un recours collectif contre cette communauté nouvelle et contre l’archidiocèse de Sherbrooke.
Au nom de «toutes personnes ou successions de personnes décédées qui ont été victimes d’abus physiques, spirituels et psychologiques au sein de la Famille Marie-Jeunesse entre 1982 et aujourd’hui», Pascal Perron, qui avait 36 ans lorsqu’il a quitté la FMJ en 2014, réclame qu’une somme globale, dont le montant sera déterminé par un juge, soit versée à titre de dommages punitifs et exemplaires.
Il souhaite «obtenir justice pour les personnes qui ont été manipulées, asservies, blessées et détruites» par le fondateur de la communauté, l’abbé Réal Lavoie, qualifié de «gourou» dans la requête déposée à la Cour supérieure du Québec. De son côté, la Famille Marie-Jeunesse est constamment qualifiée de «secte» par la firme d’avocats qui a rédigé la demande d’autorisation.
L’abbé Réal Lavoie, dont le nom apparaît dans le plus récent bottin du personnel et des paroisses de l’archidiocèse de Sherbrooke comme étant «au service de la FMJ», serait «le fondateur, l’âme dirigeante et le gourou de la secte Marie-Jeunesse». Dépeint comme un être narcissique et assoiffé de pouvoir, Réal Lavoie se «serait livré personnellement à de l’endoctrinement, à de la manipulation et à des abus de diverses natures» contre ses adeptes, selon la requête rédigée par le cabinet Quessy Henry St-Hilaire de Québec.
Parce qu’il est «l’autorité ecclésiastique compétente en droit canonique pour veiller sur la gouvernance de Marie-Jeunesse», l’archidiocèse de Sherbrooke est aussi nommé dans cette demande d’autorisation. L’archidiocèse, qui aurait été au courant des abus commis dans cette communauté, aurait sciemment «omis de prendre les mesures raisonnables afin d’y mettre un terme».
C’est en 2002 que la FMJ a été reconnue comme une association privée de fidèles par l’archidiocèse de Sherbrooke. La requête judiciaire indique toutefois que le comité d’évaluation créé par l’archidiocèse afin d’accorder cette reconnaissance diocésaine aurait «signalé plusieurs problèmes majeurs démontrant des caractéristiques sectaires de la communauté, principalement au sein de sa direction». On aurait notamment reproché à l’abbé Lavoie d’être «autoritaire, manipulateur et incapable d’être remis en question» et à sa communauté d’être trop indépendante de l’archidiocèse, «le prêtre-répondant du diocèse ayant même de la difficulté à accomplir son rôle», écrit-on.
Se disant victime d’abus spirituels, Pascal Perron a prononcé en 2003 ses vœux définitifs dans la FMJ. Il estime aujourd’hui que les 17 années qu’il a consacrées à la communauté lui ont fait «perdre son identité, sa liberté, sa capacité d’affirmation et ses désirs pour adopter ceux de la secte et de ses dirigeants».
Au début, fasciné et attiré «par la simplicité et la joie de vivre projetée» par les membres de la Famille Marie-Jeunesse, il serait devenu, à son départ de la «secte», un «mésadapté social», incapable de trouver sa place dans la société. Il souffre aujourd’hui de dépression et de troubles anxieux et a caressé des idées suicidaires, note la requête. Il est aujourd’hui incapable d’entrer dans une église sans ressentir de la colère.
La Famille Marie-Jeunesse n’a pas voulu commenter la demande d’autorisation déposée aujourd’hui. Le réceptionniste de la communauté a invité les médias à contacter la responsable des communications de l’archidiocèse de Sherbrooke pour obtenir une quelconque déclaration.
Eliane Thibault a déclaré que «par respect pour les procédures judiciaires et la Cour, l’archidiocèse de Sherbrooke s’abstiendrait de commenter» l’affaire.
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