La lumière du soleil traverse le toit de la rotonde endommagée de l’église catholique maronite Mar Mikhael, endommagée par l’énorme explosion dans le port qui a déchiré la ville.
Les parents de bébé Simon le font baptiser le 15 août, jour où les catholiques fêtent l’Assomption de Marie.
«La vie doit continuer», déclare Maria Nader, la mère de Simon, à l’agence Catholic News Service, alors qu’elle tient dans ses bras son fils de 2 mois. «Nous avions déjà prévu le baptême. Nous ne voulions pas l’annuler» après l’explosion du 4 août.
«Malgré ce qui s’est passé, qui est si dévastateur pour tout le monde, je pense que le message est que nous devons répandre l’espoir, qu’il y a encore de l’espoir pour tout le monde», poursuit Maria Nader. Suivant la tradition maronite d’un nom de baptême, les parents du bébé ont choisi Charbel, du nom du populaire saint libanais.
La sérénité du baptême est ponctuée par l’agitation qui règne à l’extérieur: un chœur de klaxons, des scooters à moteur qui passent à toute vitesse, des marteaux-piqueurs qui creusent dans les décombres – comme si l’église était une arène en plein air.
C’est parce que les vitraux de l’église ont été complètement détruits lors de la double explosion. Une seule fenêtre – une croix – est restée intacte, illuminée de couleurs brillantes.
Le crucifix et les statues du Sacré Cœur de Jésus et de Marie, de chaque côté de l’autel, ont également été épargnés par l’explosion, de même que la mosaïque de saint Michel.
«C’est un signe que le Seigneur est ici», croit le père maronite Elia Mouannes, curé de la paroisse.
Après avoir oint et baptisé Simon Charbel, le père Mouannes encourage les parents et parrains du bébé.
«Ce baptême me donne beaucoup de joie et d’espoir», dit-il en souriant. «Nous avons Simon. Nous avons une nouvelle vie. Et nous avons quelqu’un qui est prêt à être un fils de Dieu. Les fils de Dieu peuvent changer le monde. Vous devez l’aider pour qu’il puisse passer à la vie éternelle. Et il sera l’une de ces personnes qui, à l’avenir, donneront un nouveau visage au Liban et au monde entier.»
Le soir de l’explosion
Bien qu’il n’était pas le célébrant de la messe le soir de l’explosion, le père Mouannes était assis sur un banc à l’arrière. Une quinzaine de personnes seulement étaient présentes, en raison des restrictions imposées par la COVID-19.
L’horloge de l’église est depuis lors figée à l’heure de la détonation: 18h08.
«J’ai vécu toute la guerre (1975-1990). Mais rien de tel. C’était énorme», assure le prêtre. Au total, l’explosion a tué plus de 170 personnes et en a blessé plus de 6 000. Quelque 300 000 personnes sont sans abri.
Le père Mouannes raconte comment il s’est accroupi et a couvert ses oreilles lors de la première explosion.
«Quand j’ai réalisé que j’étais encore en vie, la première chose que j’ai faite, c’est remercier Dieu», dit-il. «Ensuite, j’ai commencé à vérifier tous ceux qui étaient dans l’église. Grâce à Dieu, la vie de chacun a été sauvée.» Et comme la messe avait commencé un peu tard, le prêtre qui célébrait n’était pas à l’endroit où le verre et un bloc de béton s’étaient écrasés autour de l’autel.
Cependant, les personnes assises sur les premiers bancs ont été blessées, dont une femme très gravement.
«Elle ne pouvait pas bouger, car tout est tombé autour d’elle. Nous l’avons soulevée, puis elle a souffert pendant deux heures avant de pouvoir se rendre à l’hôpital», relate le père Mouannes, évoquant le chaos qui régnait dans les quartiers de Beyrouth touchés par l’explosion. La femme avait plusieurs côtes cassées.
«Je l’ai appelée et elle va maintenant beaucoup mieux et est sortie de l’hôpital», précise le prêtre.
Bien que la vie des personnes assistant à cette messe ait été épargnée, douze paroissiens sont morts de l’explosion jusqu’à présent. Le père Mouannes n’a aucune idée du nombre de blessés.
La paroisse poursuit son travail de sensibilisation de la communauté, en fournissant plus de 150 repas chauds depuis le centre paroissial situé au sous-sol.
«Si nous ne changeons pas nos cœurs, rien ne changera» au Liban, souligne le père Mouannes.
Messe en pleine rue
Alimentée par la détonation de 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium stockées au port, la catastrophe alimente également la colère des Libanais, pour qui cette catastrophe illustre une fois de plus l’incurie d’une classe politique accusée de corruption, d’incompétence et d’être à l’origine de la crise économique du pays.
Le 14 août, l’évêque maronite de Beyrouth, Paul Abdel Sater, a concélébré la messe dans la rue au milieu des destructions sur un autel de fortune devant l’église Mar Mikhael, à l’intention de toutes les victimes de l’explosion. Il a été rejoint par le nonce du Vatican au Liban, Mgr Joseph Spiteri, ainsi que par le père Mouannes et plusieurs autres prêtres. Entouré d’affiches de quatre autres églises maronites endommagées par la catastrophe, l’autel était orné de la statue de la Vierge de l’église Mar Mikhael.
Mgr Sater a fait pression sur la classe politique dans son homélie : «Chers fonctionnaires de mon pays, je veux savoir… Pourquoi l’explosion a-t-elle eu lieu? Comment s’est-elle produite? Et par qui? Et serez-vous tenus responsables de l’auteur de l’explosion?»
«Ressentez-vous la colère du peuple? Entendez-vous les cris des mères en deuil?» a-t-il demandé.
Mgr Spiteri a dit aux personnes présentes: «Aujourd’hui, je vous assure que Sa Sainteté le Pape François a pleuré et continue de pleurer avec vous.»
«Nous demandons la justice et la vérité pour pouvoir poursuivre notre cheminement civil et social afin de reconstruire Beyrouth, votre ville, et toutes les régions dévastées», a-t-il déclaré.
Doreen Abi Raad
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