Dimanche soir, le cardinal Gérald Lacroix, tout comme plusieurs évêques québécois, s’est rendu à l’Aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal. Direction Rome et la Cité du Vatican où, jusqu’au 12 mai, l’archevêque de Québec participera à sa toute première visite ad limina.
Tous les cinq ans, les évêques sont tenus de rencontrer le pape et ses principaux collaborateurs lors d’une visite dite ad limina apostolorum (littéralement au seuil des apôtres). De plus, six mois avant cette visite, chaque évêque doit acheminer au Vatican un substantiel rapport sur l’état du diocèse qu’il administre.
«Ce sera ma première visite ad limina», a lancé le cardinal Lacroix, rencontré quelques heures avant son départ, à Boucherville où il présidait une messe à l’occasion du 350e anniversaire de cette municipalité de la Montérégie. «En fait, pour la grande majorité des évêques du Québec, ce sera une première», a-t-il précisé.
C’est effectivement le cas pour Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal, et pour Mgr Louis Corriveau, évêque auxiliaire à Québec. Eux aussi, étaient présents à Boucherville dimanche, tout juste avant se s’envoler vers Rome.
La dernière visite ad limina des évêques du Québec a eu lieu en mai 2006, il y a onze ans.
Alors, que diront-ils au pape lorsqu’il le rencontreront le 11 mai, au terme de leur séjour au Vatican?
«On va lui parler de notre Église du Québec. De nos défis, des belles réussites et des choses plus difficiles. De la vie, quoi», a dit le cardinal Lacroix, refusant cependant d’élaborer davantage sur les «choses difficiles» qu’il abordera avec le pape. «En revenant de Rome, on pourra en reparler. Mais vous les connaissez aussi bien que moi», s’est-il limité à dire.
«Chaque diocèse a rédigé son rapport et regardé sa réalité. Le pape, lui, va pendre connaissance des résumés de ces rapports», a poursuivi l’archevêque de Québec. L’échange entre le pape et les évêques pourrait durer deux heures, pense-t-il. «Le pape aime bien le mode dialogue. Pas trop de discours, mais un dialogue franc et ouvert.»
Mgr Louis Corriveau, ordonné tout récemment à l’épiscopat, croit qu’il se sentira «intimidé» lorsqu’il rencontrera le pape François. «Ce qui est certain, c’est que je vais laisser mes collègues plus expérimentés s’exprimer en premier», assure-t-il.
«Mais spontanément, si la rencontre se tenait en ce moment même, je lui répèterais ce que les gens du Québec disent de lui. Ils l’aiment beaucoup, ils aiment son attitude et sa simplicité. Et ils souhaitent qu’il reste [en poste] longtemps», a dit celui qui a été nommé évêque par le pape François le 25 octobre, il y a six mois.
Ordonné évêque auxiliaire à Montréal en septembre 2011, puis nommé archevêque en mars 2012 par le pape Benoît XVI, Mgr Christian Lépine participera lui aussi à sa première visite ad limina. Il croit que si les réunions avec les responsables de chaque dicastère, congrégation et département du Vatican se dérouleront formellement, celle avec le pape sera un «échange plutôt libre». Le pape «va nous parler de sa vision pastorale pour l’ensemble de l’Église. Puis, il va nous poser des questions», dit-il.
Rapport quinquennal
Les questions du pape découleront de sa lecture des rapports diocésains présentés au Vatican par chacun des évêques du Québec.
L’article 399 du Code de droit canonique de l’Église catholique stipule que «l’évêque diocésain doit, tous les cinq ans, présenter au pontife suprême un rapport sur l’état du diocèse qui lui est confié». L’article suivant précise qu’après l’envoi de ce document, tout évêque doit se rendre à Rome, à moins d’un empêchement majeur. «L’année où il doit présenter son rapport au pontife suprême, l’évêque diocésain se rendra à Rome pour vénérer les tombeaux des bienheureux Pierre et Paul et il se présentera au pontife romain», dit l’article 400.
Ces documents ne sont pas systématiquement rendus publics et seuls quelques exemplaires et extraits émanant de divers diocèses peuvent être consultés sur Internet, mais rarement in extenso.
L’abbé Jean Trudeau, chancelier au diocèse de Valleyfield, a expliqué à l’agence de presse Présence ce qu’ils contiennent habituellement.
Il indique qu’au Vatican, la Congrégation pour les évêques propose un schéma pour la rédaction de ce rapport quinquennal (en latin Formula Relationis Quinquennalis). La congrégation romaine suggère de colliger des informations factuelles qui sont regroupées dans 22 sections. Elle demande aussi de rédiger un résumé de tout le document dans un 23e chapitre.
Le rapport traite, entre autres, de l’organisation du diocèse, du nombre de baptêmes, mariages et funérailles qui ont eu lieu dans les paroisses depuis la dernière visite ad limina, des relations avec les autres Église chrétiennes, de la présence des communautés et des instituts religieux, de la pastorale scolaire, des biens artistiques de l’Église et de l’engagement du diocèse en pastorale sociale.
Le nombre de pages d’un tel rapport varie d’un diocèse à l’autre. Celui du diocèse de Valleyfield compte cent pages, sans compter les annexes, dit le chancelier Trudeau.
Plusieurs personnes contribuent à la rédaction des différentes sections, selon leurs responsabilités diocésaines. À Valleyfield, Mgr Noël Simard – ordonné évêque en 2008, il en est lui aussi à sa première visite ad limina – a rédigé les chapitres 3 (Ministère épiscopal) et 22 (Évaluation générale et perspectives d’avenir). L’abbé Jean Trudeau a aussi rédigé plusieurs sections.
Quatre exemplaires imprimés de ce rapport quinquennal (trois reliés, un non relié) ont été envoyés à la nonciature apostolique, à Ottawa, au mois d’octobre. Au Vatican, chaque section est ensuite remise à la congrégation, dicastère ou département concerné. Par exemple, la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique reçoit le chapitre sur les communautés religieuses diocésaines, tandis le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens obtient la section consacrée aux relations œcuméniques locales.
Avant leur rencontre avec le pape François, les évêques feront la tournée des différents dicastères et congrégations de la Curie romaine.
Bien que leur visite ad limina se déroule du 2 au 12 mai, les évêques du Québec sont déjà présents en Italie. Ils suivent une retraite à Ariccia, en périphérie de Rome, à la Maison du Divin Maître, un centre spirituel tenu par les pères pauliniens. C’est là que le pape François a fait, en février, sa retraite annuelle de carême.