«Le synode, c’est loin d’être fini.» De retour chez lui après avoir participé, durant trois semaines, au Synode sur la famille à Rome, l’archevêque de Gatineau estime que tout le travail de réflexion amorcé durant cette rencontre à laquelle participaient 269 autres évêques du monde entier, doit désormais se poursuivre dans chacun des diocèses.
Mgr Paul-André Durocher, un des cinq évêques du Canada présents au synode, en a eu la conviction lorsque le pape François a affirmé que «la synodalité doit s’exercer non seulement au niveau de l’Église universelle, mais aussi dans les pays, par les conférence épiscopales, et dans les diocèses.»
Le jour de son retour à Gatineau, l’archevêque a donc repris le rapport final du synode et relu chacune des 94 recommandations votées, une à une, par ses confrères. «J’ai surligné les articles qui proposaient une action pour les paroisses. Mon texte est maintenant rempli de violet», constate-t-il.
Mgr Noël Simard, qui a lui aussi participé, du 4 au 25 octobre, au Synode sur la famille, abonde dans le même sens.
«Il faut se demander comment prolonger ce synode, comment faire en sorte que ses fruits se produisent dans notre milieu», dit l’évêque de Valleyfield. Il entend mener cette réflexion avec les responsables des services aux familles au niveau local et diocésain. «Je pense à la préparation au mariage, à l’accompagnement des parents, au soutien à apporter aux familles qui vivent des difficultés», énumère l’évêque de Valleyfield
Des familles pas toujours idéales
Mgr Durocher est revenu de Rome avec une autre conviction. «Il faut veiller à Intégrer les gens, quelles que soient leurs situations, à l’intérieur de nos communautés chrétiennes. Nos communautés doivent prendre leurs responsabilités envers les familles.»
Il souhaite que «les paroisses deviennent des lieux d’appui et d’accueil des familles, aussi différentes soient-elles. Les familles, elles, doivent trouver dans la paroisse, un lieu d’appartenance, de soutien et d’engagement».
«Le pape François l’a rappelé dès le début de notre rencontre. Ce synode porte sur les familles, pas seulement sur la famille idéale», rappelle Mgr Noël Simard. «Bien de ces familles sont blessées, éclatées, en difficultés. Plusieurs ne correspondent pas à ce que l’Église propose, mais elles ont, dans leur vécu, de très belles valeurs».
«Il faut reconnaître, dans tous les modèles familiaux, ce qu’on appelle les Semina verbi, les semences du Verbe. Il y a des éléments de la Révélation, de la Bonne Nouvelle, dans les familles reconstituées et monoparentales et chez les couples non mariés», dit l’évêque de Valleyfield.
Rapport final
Des observateurs estiment que les 94 recommandations finales, adoptées à la majorité des deux-tiers, ne vont pas assez loin. Ils notent, par exemple, que les articles sur les personnes divorcées et remariés ne mentionnent explicitement pas l’accès à la communion.
«D’accord», reconnaît Mgr Simard. Dans le document final, «on n’a pas fait de déclarations sur l’acceptation des personnes divorcées aux sacrements, sur les couples homosexuels, peu parlé de la transmission de la vie et de la régulation des naissances». Mais ce qui ressort de tout le texte, estime l’évêque, c’est qu’«on ne peut pas s’attacher uniquement à la doctrine. Il faut aussi tenir compte de la réalité des personnes de qui nous devons nous faire proches».
«Ce ne sont pas des mots en l’air. Si vous regardez le texte final, le mot accompagnement revient constamment. Il y a là un souffle pastoral évident.»
«Le texte ne parle pas de la communion», convient Mgr Durocher. « Il ne parle pas non plus en termes de ‘permis’ et de ‘défendu’. Il insiste plutôt sur le cheminement des personnes qui sont divorcées et remariées, sur l’accompagnement qu’on doit leur offrir. Il est question de la formation pour les aider à identifier les obstacles à leur pleine participation à la vie de l’Église.»
«Ceux qui disent que ce synode ne donne pas la permission de communier, ils ont raison. Ce texte nous invite à aller ailleurs. Dans une logique du ‘permis’ et du ‘défendu’, on n’aurait pas pu trouver une réponse qui aurait été embrassée par les deux tiers des membres votants. Moi, je m’en réjouis. Il faut plutôt aller vers une logique de croissance d’une foi adulte.»
Durant le synode, Mgr Simard a fait une intervention publique sur cette question.
«Ma présentation portait sur l’intégration des personnes divorcées-remariées et leur accès aux sacrements», explique-t-il.
«Je proposais, au lieu d’un voie pénitentielle, d’un chemin de discernement pour les couples avec accompagnement par un prêtre ou un évêque. Après avoir présenté tous les éléments, ce discernement pourrait conduire à la décision d’accueillir les gens aux sacrements, mais en faisant appel à leur conscience.»
Cette proposition a été fortement discutée. «La veille du vote, on a beaucoup parlé de la conscience», dit Mgr Simard.
«Certains ont reproché de ne voir la conscience que comme un lieu personnel de décision, tout en oubliant la loi morale», a noté l’évêque lors des débats.
«Mais non. La loi morale, la conscience doit l’accueillir, mais elle doit le faire en tenant compte des circonstances et des réalités concrètes.»
«La conscience, estime Mgr Noël Simard, n’est pas un organe de transmission de la loi morale. Mais elle doit porter un jugement moral.»