Les membres du Conseil national de Développement et Paix – la plus haute instance décisionnelle de l’organisme – savent déjà qu’à leur prochaine rencontre, qui débute le 29 novembre, les propositions qu’ils voteront auront un grand impact sur la structure démocratique de l’organisme qu’ils dirigent.
Ces 21 bénévoles, qui sont attendus dès 8 h 30 au siège montréalais de l’organisme, savent aussi que leur refus de voter en faveur des propositions que leur soumettront les évêques du Canada pourrait mettre sérieusement à mal leurs relations avec l’Église catholique et même décider de l’avenir de la Caritas canadienne.
C’est ce qu’ils ont compris en lisant les rapports que les membres de Développement et Paix ont soigneusement rédigés au lendemain des rencontres locales auxquelles ils ont été convoqués durant les mois d’octobre et de novembre par leurs évêques respectifs.
Rencontres diocésaines
En juin 2019, l’agence de presse Présence révélait que les évêques du Canada avaient commandé, auprès du cabinet Deloitte, un examen institutionnel sur Développement et Paix.
Le rapport final de la firme de consultants, qui n’a pas été rendu public, compte 14 recommandations. Un résumé verbal du rapport a été présenté à la fin du mois de septembre «aux plus hautes instances des deux organismes» [NDLR: Développement et Paix et la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC)].
Le 18 octobre 2019, la CECC assurait qu’à sa prochaine rencontre, le Conseil national de Développement et Paix examinerait «aussi les résultats et les recommandations du rapport, en plus de recevoir la décision et les attentes de la CECC concernant le plan d’action et son application». La CECC révélait aussi que les évêques débutaient «des discussions et des consultations avec les membres locaux de Développement et Paix dans leurs diocèses».
Selon nos sources, des rencontres entre les membres locaux et les évêques ont bien eu lieu dans quelque 30 diocèses canadiens, dont 11 au Québec. Dans une rencontre, un évêque a indiqué que ses confrères et lui seraient bientôt consultés par le secrétariat général de la CECC sur le nombre d’évêques qui devraient dorénavant faire partie du Conseil national de Développement et Paix. Les choix sont les suivants: a) aucune représentation, b) moins de 50% des membres du Conseil national, c) plus de 50%, d) tous les membres du Conseil national. Les membres du Conseil national de Développement et Paix apprendront vendredi quel est le choix des évêques.
De plus, au moins cinq évêques auraient déclaré, lors des rencontres diocésaines, «que le Conseil national de novembre devait accepter les 14 recommandations du rapport Deloitte». Si les membres refusent, «ce serait la fin de leur soutien à Développement et Paix», les a-t-on prévenus.
Mutisme complet
Malgré plusieurs demandes, l’archevêque Richard Gagnon de Winnipeg, président de la Conférence des évêques catholiques du Canada, a refusé de discuter de la prochaine rencontre du Conseil national de Développement et Paix. La conférence épiscopale a aussi refusé de rendre public le rapport de Deloitte qu’elle a commandé sur Développement et Paix. Les membres du Conseil national l’auraient toutefois reçu ainsi que le directeur général de Développement et Paix, Serge Langlois. Deux autres cadres de Développement et Paix ont assuré plus tôt cette semaine, sous le couvert de l’anonymat, n’avoir jamais vu ce document.
La CECC a aussi refusé de publier la «proposition finale et concrète» que des évêques – au nombre de six, selon une source – iront présenter vendredi à Montréal. La CECC a refusé de donner les noms des évêques qui participeront aux délibérations du Conseil national.
«Comme indiqué dans le communiqué de presse commun du 9 septembre 2019 et dans un communiqué subséquent du 18 octobre 2019, l’information relative à la conclusion de l’examen organisationnel sera communiquée une fois que les discussions entre la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) et Développement et Paix-Caritas Canada seront achevées et un plan d’action pour le futur est établi. La CECC n’est pas en mesure de fournir d’autres commentaires que ceux qui figurent dans les communiqués susmentionnés», a indiqué Lisa Gall, coordonnatrice des communications de la conférence épiscopale.
Développement et Paix n’autorise pas les médias d’assister aux portions publiques de la rencontre du Conseil national. L’organisme aussi refuse de rendre public le rapport Deloitte ainsi que les noms des évêques qui seront présents vendredi à Montréal. «Pour le rapport et les noms des évêques, il faut demander à la CECC», a répondu Kelly Di Domenico, la directrice des communications de Développement et Paix. L’entrevue demandée avec le directeur général de l’organisme a été refusée.
Une personne bien informée sur la rencontre de la fin de semaine, qui a requis l’anonymat, s’inquiète du silence et du secret qui entoure les prochaines délibérations du Conseil national. «Pourquoi autant de cachotteries? Pourquoi des changements dans notre organisation devraient-ils être tenus secrets?», a-t-elle demandé.
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