Le Réseau d’aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ) recevra cette année une subvention de 123 000 $, a récemment annoncé Jean Boulet, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale. La nouvelle, on s’en doute bien, a vivement réjoui le président du conseil d’administration de cet organisme.
Mais ce qui a particulièrement touché Daniel Pellerin, c’est que cette somme d’argent est accompagnée d’une reconnaissance sociale officielle. «Le RATTMAQ est enfin reconnu comme un organisme de défense collective des droits», dit-il.
Cette initiative a vu le jour grâce à quelques diocèses catholiques québécois de la région de Montréal.
«À nos débuts, obtenir une telle reconnaissance, ce n’était pas évident. Il y avait beaucoup de résistance dans le milieu agricole. Il y a 15 ans, rappelle-t-il, les travailleurs migrants agricoles étaient perçus comme des voleurs d’emplois. Heureusement, cela a beaucoup évolué depuis.»
Des opposants à cette reconnaissance de l’organisme évoquaient aussi l’existence de la Loi sur les normes du travail, à laquelle tous les travailleurs agricoles sont assujettis et à laquelle tous les employeurs doivent se conformer. «Mais le problème, c’est qu’il n’y a pas d’inspecteurs qui sont présents partout pour vérifier les conditions de travail» de la main-d’œuvre venue du Mexique ou d’Amérique centrale. «Quant aux travailleurs agricoles, ils ne connaissent tout simplement pas cette loi lorsqu’ils arrivent au pays», ajoute Daniel Pellerin. Au fil des années, le RATTMAQ est devenu un lieu de références pour tous les travailleurs du monde agricole. Être ainsi une «ressource incontournable» a permis à ce groupe de défense des droits d’obtenir cette année une telle reconnaissance gouvernementale.
«La subvention de 123 000 $ vient soutenir toute la mission de l’organisme, pas seulement un programme précis», dit-il. Chaque année, quelque 15 000 travailleurs migrants agricoles – moitié moins cette année à cause de la pandémie – viennent œuvrer dans des fermes de la Montérégie ou du Nord de Montréal, dans cette région du Sud que l’on surnomme le «grenier du Québec». Le RATTMAQ compte actuellement quatre employés qui accueillent les travailleurs agricoles à l’aéroport, leur expliquent les lois du travail et reçoivent leurs plaintes ou confidences lorsqu’ils estiment être injustement traités par leurs employeurs.
Une filiation chrétienne
L’information est peu connue sinon oubliée, mais ce sont des diocèses catholiques qui sont à l’origine du RATTMAQ, confie Daniel Pellerin qui est aussi responsable du Service de solidarité sociale du diocèse de Saint-Jean-Longueuil.
En novembre 2005, des représentants de cinq diocèses (Saint-Hyacinthe, Valleyfield, Saint-Jean-Longueuil, Montréal et Saint-Jérôme) se sont réunis pour discuter des services à offrir aux travailleurs agricoles qui venaient œuvrer durant la saison estivale dans les fermes maraîchères d’ici. La Table interdiocésaine de pastorale des travailleurs migrants agricoles qu’ils ont alors créée voulait écouter ces travailleurs venus d’ailleurs, briser leur isolement et créer des liens de solidarité entre eux. On souhaitait aussi répondre à leurs besoins spirituels en organisant des messes en espagnol dans les paroisses rurales qu’ils fréquentaient chaque dimanche.
Bien que le RATTMAQ soit devenu autonome en 2017, des croyants continuent d’y participer, dit Daniel Pellerin, même si l’organisme ne poursuit plus des visées pastorales.
«Pour moi, ces quinze années de travail dans ce milieu, c’est un très bel exemple de ce que ça veut dire être une Église en sortie. Comme chrétiens et chrétiennes, on s’engage dans le monde au nom de notre foi. On travaille à la création d’un organisme qui devient autonome et auquel s’associent dorénavant des gens qui n’ont pas une appartenance chrétienne. Il faut créer des partenariats avec le milieu communautaire.»
Le siège social du RATTMAQ est à Saint-Rémi, en Montérégie. «Et il est toujours dans le presbytère» de cette paroisse rurale, ajoute Daniel Pellerin qui voit dans ce fait un autre exemple de partenariat réussi entre l’Église et la société.
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