Pendant cinq années, John Swales, aujourd’hui âgé de 59 ans, a été abusé sexuellement par l’abbé Barry Glendinning, un prêtre du diocèse de London, en Ontario, aujourd’hui décédé. Il n’avait que dix ans lorsque les abus contre lui et deux de ses frères ont débuté.
En 1974, après avoir plaidé coupable à six chefs de grossière indécence, l’abbé Glendinning a été condamné à trois années de probation puis a exercé son ministère ailleurs.
«L’Église a abandonné ma famille dès l’arrestation du père Glendinning et nous ne nous en sommes jamais remis. À l’époque, j’avais 15 ans. Durant les années qui ont suivi, je me suis enfoncé dans un puits sans fond de drogues, d’alcool et de prostitution. Mon éducation s’est arrêtée en dixième année. Ce n’est qu’en 1995 que je suis sorti de mon enfer en commençant à le raconter, puisque je pouvais désormais le nommer pour ce qu’il était», a écrit John Swales dans une lettre qu’il a acheminée au pape François le vendredi 7 septembre.
Trois semaines plus tôt, le pape a lui aussi rédigé une lettre, acheminée «au peuple de Dieu». Il réagissait au contenu de l’accablant rapport du grand jury en Pennsylvanie sur les abus sexuels commis par quelque 300 prêtres dans six diocèses de cet État américain.
Le pape, «avec honte et repentir» a déploré que l’Église catholique ait longtemps dissimulé ces abus. «Nous n’avons pas su être là où nous le devions, nous n’avons pas agi en temps voulu en reconnaissant l’ampleur et la gravité du dommage qui était infligé à tant de vies», a écrit le pape François.
John Swales s’est empressé de lire la lettre papale. Il a trouvé qu’elle n’allait pas assez loin. Il a donc décidé d’écrire en retour une longue lettre au pape afin qu’il prenne des mesures qui démontrent son «engagement envers une réforme institutionnelle».
«Vos propos, déplore-t-il, ne traitent nullement des gestes à venir, pas plus qu’ils ne reconnaissent les innombrables et savants efforts déployés pour déplacer les prêtres agresseurs et étouffer toute plainte à leur sujet en menaçant leurs victimes d’excommunication ou en exigeant qu’elles signent des accords de non-divulgation.»
«Toute excuse sans geste concret est vide de sens», a-t-il écrit au pape François.
John Swales propose au pape d’inviter tous les évêques ainsi que tous les prêtres qui n’ont rien à se reprocher à «écouter dans le silence les histoires d’horreur des victimes et de leurs familles».
«Croyez-les. Acceptez qu’elles refusent de pardonner. Demandez en quoi vous pouvez aider leur guérison. Faites preuve de générosité et de largesse.» Il souhaite aussi que l’Église cesse de contraindre «les victimes à se tourner vers les tribunaux pour se faire dédommager car, encore aujourd’hui, nous nous heurtons à l’hostilité de l’Église et à son obstination juridique».
La lettre qu’il a remise au pape est devenue la pièce centrale d’un site Web qu’il a lancé une semaine plus tard.
Dans DearPopeFrancis.org, il demande aux gens d’apposer leur signature au bas de sa lettre (maintenant disponible en français). Il invite aussi les victimes à rédiger leur propre lettre au pape François. Deux femmes de London, dont une a requis l’anonymat, ont accepté de raconter publiquement les abus qu’elles ont subis alors qu’elles étaient des enfants.
En entrevue téléphonique, John Swales a indiqué qu’il n’avait toujours pas reçu d’accusé de réception du Vatican mais qu’il reçoit plusieurs messages de la part des gens qui visitent son site Web. «Certains sont très en colère contre l’Église catholique, d’autres souhaitent que l’Église réponde avec compassion aux demandes des survivants et de leurs familles.»
Si les dirigeants de la Conférence des évêques catholiques du Canada lui demandaient d’intervenir lors d’une rencontre nationale afin de raconter ce qu’il a confié au pape dans sa lettre, accepterait-il l’invitation? «Absolument. Immédiatement», lance-t-il.
«Nous ne voulons pas détruire l’Église et notre intention n’est pas d’obtenir une compensation. Notre seul but avec cette lettre et ce site, c’est d’entamer un dialogue pour que des changements surviennent», dit-il.
Cette «conversation» ne mènera nulle part si ce sont seulement des évêques, des professionnels et des journalistes qui prennent la parole, estime-t-il. «Ce que je souhaite particulièrement, c’est que la voix des victimes se fasse entendre.»