Les évêques colombiens ont prié pour les victimes de la violence policière et ont exhorté les manifestants à ne pas se faire justice eux-mêmes, après une semaine chaotique au cours de laquelle 13 personnes ont été tuées lors de manifestations contre les violences policières dans ce pays d’Amérique du Sud.
Les manifestations ont éclaté après la diffusion sur les médias sociaux d’une vidéo montrant deux policiers de Bogota en train de plaquer un homme et de l’étouffer à l’aide de leurs genoux en le frappant à plusieurs reprises avec un pistolet à impulsion électrique, alors que des témoins demandaient aux policiers de s’arrêter.
Javier Ordoñez, 44 ans, est mort quelques heures après avoir été battu par les policiers. Des témoins ont déclaré que les policiers avaient attrapé Ordoñez, père de deux enfants, pour avoir bu dans la rue.
Le 9 septembre, des milliers de personnes se sont rassemblées autour des postes de police de la capitale colombienne pour organiser des manifestations pacifiques contre la violence policière. Mais certaines de ces manifestations se sont vite transformées en batailles de rue, où des jeunes hommes ont lancé des pierres et des cocktails Molotov sur les policiers, qui ont répondu par des gaz lacrymogènes et des balles réelles.
Selon la mairie de Bogota, plus de 200 personnes ont été blessées au cours des trois nuits de manifestations, dont 72 civils blessés par balle. La mairesse Claudia López a décrit cette manifestation comme la pire violence de rue que la ville ait connue depuis trois décennies.
L’Église catholique a répondu le 12 septembre par une veillée de paix et de réconciliation au cours de laquelle l’archevêque de Bogota, Luis José Rueda Aparicio, a exhorté les habitants de la ville à «travailler en faveur de la paix» et à «se libérer» de la haine et de la rancune.
«Beaucoup de jeunes sont morts cette semaine», a déclaré l’archevêque Rueda. «Et cela nous fait nous demander si Bogota, si la Colombie offre aux jeunes des chances et de la culture. Si nous leur donnons l’espoir d’étudier, de travailler, de faire du sport.»
L’évêque militaire colombien, Fabio Suescun, a déclaré que les policiers qui ont battu Ordoñez n’avaient pas fait leur devoir et qu’ils devaient être punis. Cependant, a-t-il dit, la plupart des policiers du pays essaient de faire leur travail correctement, et il a demandé aux manifestants de faire preuve de retenue, affirmant que «les réactions violentes ne font qu’engendrer plus de violence».
Pendant les manifestations, environ un tiers des 150 postes de police de Bogota ont été vandalisés et plus de 20 ont été incendiés.
Appel à la retenue
Le président Iván Duque a appelé à la retenue et a présenté ses excuses pour la mort d’Ordoñez, tandis que son ministre de la Défense a laissé entendre que des groupes rebelles, dont l’Armée de libération nationale, avaient infiltré les manifestations et les avaient utilisées comme une occasion d’attaquer la police. L’année dernière, l’Armée de libération nationale a fait exploser une bombe dans une académie de police de Bogota, tuant 23 personnes.
Le 13 septembre, Mme López a organisé une cérémonie de réconciliation devant la cathédrale de la ville. Elle a personnellement présenté ses condoléances aux parents des personnes blessées ou tuées lors des manifestations.
La mairesse a déclaré que le gouvernement de la ville soutiendrait les familles qui déposent des plaintes contre la police, et elle a parlé de la nécessité de réformer la police nationale, afin que les officiers relèvent de la juridiction des tribunaux civils. Actuellement, en Colombie, les policiers sont jugés par des tribunaux militaires.
Le père jésuite Francisco de Roux, qui travaille depuis des décennies en faveur des victimes du conflit armé colombien, a également assisté à la cérémonie.
Le père de Roux, qui dirige maintenant une commission de vérité qui examine les crimes de guerre, a déclaré qu’il était temps «d’écouter les victimes et de partager leur douleur».
Mais il a appelé à une enquête approfondie sur la mort des 13 manifestants afin de découvrir qui a donné l’ordre à la police d’utiliser des balles réelles pendant les manifestations.
«Nous ne pouvons prendre des mesures de réconciliation que s’il y a la vérité et la justice», a déclaré le père de Roux. «Et s’il n’y a pas de réconciliation, il n’y aura pas d’avenir pour notre ville ou notre pays.»
Manuel Rueda
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