La visite du pape François à Cuba et aux États-Unis survient alors que l’idée de mettre fin à l’embargo économique en place depuis plus de 50 ans bénéficie d’un soutien populaire et politique croissant.
Le président américain Barack Obama, le président cubain Raul Castro et le Vatican ont tous appelé à la levée de l’embargo décrété en 1960 et renforcé périodiquement au fil des années dans un contexte de relations tendues entre les États-Unis et Cuba.
Malgré un soutien public pour y mettre fin, le Congrès américain demeure divisé sur la question, alors que plusieurs projets de loi sont bloqués au niveau des sous-comités. L’approbation du Congrès est nécessaire pour renverser les sanctions économiques.
Plusieurs membres de la Chambre des représentants et du Sénat ont indiqué que Cuba devra opérer une transition vers une démocratie ouverte avant qu’ils n’apportent leur soutien à la levée de l’embargo.
« Notre expérience avec des transitions délaissant le communisme a montré que l’ouverture économique et l’engagement diplomatique ne mènent pas automatiquement à la liberté politique », a écrit le sénateur floridien Marco Rubio, fervent partisan de l’embargo, dans une lettre ouverte publiée dans le New York Times en juillet.
Le pape François, qui a aidé à négocier un rapprochement diplomatique entre Cuba et les États-Unis, pourrait prêter main forte à l’idée de mettre fin à l’embargo lorsqu’il s’adressera au Congrès le 24 septembre.
La symbolique du geste
Mais il serait étonnant de voir le pape s’aventurer dans des questions politiques trop précises, a indiqué l’archevêque de Miami dans une intervention à « This Week in Florida » le 13 septembre.
« Le pape aime poser des gestes symboliques. Le simple fait qu’il fasse le voyage entre Cuba et Washington est symbolique », a dit Mgr Thomas Wenski, qui accompagnera 200 personnes de Miami à Cuba pour le voyage du pape. « Je pense que c’est très éloquent. »
Le voyage du pape survient alors que des sondages à Cuba et aux États-Unis montrent un appui populaire croissant pour mettre fin à l’embargo.
Un sondage du centre de recherche Pew réalisé entre le 14 et 20 juillet auprès de 2002 adultes a montré que 72% des répondants sont en faveur de la levée de l’embargo. Cet appui était à 66% en janvier.
En mars, un sondage réalisé pour Univision Noticias montrait que 96% des adultes cubains questionnés s’opposaient à l’embargo, ou « bloqueo », selon l’appellation en vigueur à Cuba, et que le pape et Barack Obama arrivaient ex-æquo en tant que personnalités les plus populaires au pays.
Les leaders catholiques s’opposent à l’embargo
Les leaders catholiques cubains et américains s’opposent à l’embargo et ont fréquemment demandé que les États-Unis y mettent fin.
Le cardinal Jaime Ortega Alamino, de La Havane, a dit qu’en mars 2014, le pape François a déclaré au président Obama que « l’Amérique latine est unie contre l’embargo » et que sa levée permettrait aux États-Unis d’améliorer ses relations avec les pays de la région.
« Le pape a parlé de l’embargo à Obama. Il lui a dit qu’il s’agit d’une mesure totalement obsolète mise en place avant même sa naissance [ndlr : celle de Barack Obama] », peut-on lire dans une entrevue avec le cardinal Ortega publiée sur le site Internet de l’archidiocèse de La Havane.
Le cardinal a également réitéré à l’hebdomadaire Tribuna de La Habana son opposition à l’embargo « qui nous affecte depuis plusieurs années ». Il évoque une « nouvelle possibilité » pour les relations diplomatiques qui accompagne la visite du pape.
Le père trinitaire Juan Molina, directeur du Bureau des évêques américains pour l’Église en Amérique latine, a déclaré le mois dernier que l’embargo met une barrière entre les Églises soeurs cubaine et américaine.
Repenser la diplomatie
Les membres du Congrès ont répondu au souhait du président Obama de voir la fin de l’embargo en proposant divers projets de loi, dont une mesure bipartisane proposée par les représentants Tom Emmer du Minessota et Kathy Castor de la Floride, en juillet. Le projet, ainsi que quelques autres qui touchent l’embargo, n’ont pas encore pu s’extirper du travail en sous-comités.
Les États-Unis ont mis en place l’embargo économique en 1960 sous l’administration du président Dwight D. Eisenhower. Le 3 janvier 1961, le président Eisenhower a rompu les relations diplomatiques avec Cuba dans la foulée de la nationalisation des capitaux étrangers décrétée par Fidel Castro. L’embargo avait alors été renforcé. Le Congrès a resserré les restrictions à plusieurs reprises par la suite.
Les diplomates impliqués dans les négociations bilatérales entre Cuba et les États-Unis n’ont pas abordé la question de l’embargo, préférant se concentrer sur les enjeux où les deux pays partagent une certaine vision commune, dont la protection de l’environnement, l’aviation civile et les mesures observées en cas de désastre naturel.
Quant à l’embargo, « il n’y a rien que Cuba puisse faire », a déclaré la responsable du dossier américain des Affaires étrangères cubaines, Josefina Vidal, au début du mois de septembre.
Ezra Fieser, Catholic News Service
Trad. et adap. Présence – information religieuse