Le 25 mai 1914, l’archevêque de Québec, Louis-Nazaire Bégin, devient seulement le deuxième cardinal canadien. L’événement qui a eu lieu à Rome a été largement raconté dans la presse canadienne française de l’époque. Cependant, pour diverses raisons – à commencer par les limites techniques – peu d’images ont circulé du cardinal à Rome.
D’où l’intérêt d’un lot de photos sur lequel Présence a récemment mis la main. Ces images sont datées du lendemain et du surlendemain et comportent diverses annotations manuscrites. On y voit notamment le cardinal Bégin lors de la réception tenue en son honneur le lendemain – le 26 mai 1914 – au Collège canadien à Rome.
Non seulement ces images offrent-elles un regard plus intime sur cet événement d’importance de l’histoire de l’Église canadienne, mais elles permettent également de le situer dans son époque.
Sur la première photo, le cardinal se tient au milieu du balcon, entouré notamment d’autres évêques.
Sur la deuxième, qui est malheureusement floue, on le voit en compagnie du sulpicien Léonidas Perrin, recteur du Collège canadien, ainsi que de l’abbé Hallé qui l’accompagnait lors de ce voyage et les évêques de Chicoutimi et de Trois-Rivières.
Sur la troisième, floue aussi, il se tient dans les jardins du Collège canadien.
Fondateur de L’Action catholique en 1907 (qui s’appela L’Action sociale jusqu’au 9 juin 1915, puis L’Action catholique jusqu’au 15 août 1962), ancien évêque de Chicoutimi (1888-1898) puis archevêque de Québec depuis avril 1898, Louis-Nazaire Bégin est une figure publique bien connue. Son cardinalat survient quelques mois après avoir fêté son 25e anniversaire d’ordination épiscopale.
On apprend le 27 avril 1914 au Québec que Louis-Nazaire Bégin sera fait cardinal. Ce jour-là, Le Devoir décrit le cardinal-élu en ces termes:
«Mgr Bégin, comme archevêque de Québec, s’est fait noter par sa grande sagesse, sa largeur d’esprit, son exquise douceur, sa profonde humilité et sa science achevée des hommes et des cœurs. On ne lui compte pas un seul ennemi dans tout son diocèse et il est regardé comme un oracle par ses collaborateurs. Son éloquence simple et académique lui a valu de grands succès oratoires. On cite ses mandements comme des modèles du genre.» (Le Devoir, lundi 27 avril 1914, page 2)
L’Action sociale est encore plus dithyrambique:
«Pas besoin de dire la joie que cause à l’Action Sociale cet honneur si élevé conféré à son fondateur et à son père. Cette joie saura s’exprimer par un redoublement de zèle et de fidélité à seconder les vues de notre archevêque et de notre Saint-Père le Pape.» (L’Action sociale, lundi 27 avril 1914, page 8)
Beaucoup d’autres journaux se prêtent à de similaires envolées sur fond de fierté et de sentiment nationaliste.
En ce printemps 1914, l’attention internationale se porte vers les tensions entre les États-Unis et le Mexique, en particulier l’épisode de l’occupation américaine de Veracruz (avril-novembre 1914) dans le cadre de la Révolution mexicaine. Mais d’autres événements encore plus funestes défraieront la manchette au cours des mois suivants.
L’annonce de l’élévation du cardinal Bégin a été officiellement confirmée le 28 avril par un message daté du 26 avril signé par le cardinal Rafael Merry del Val et transmis par le délégué apostolique à Ottawa, Pellegrino-Francesco Stagni. Le cardinal Merry del Val était l’influent secrétaire d’État de Pie X, en poste depuis 1903. Il était considéré comme rigide, voire intégriste. Il sera écarté dès l’arrivée de Benoit XV, quelques mois plus tard. Fait à noter, à l’âge de 32 ans et avant d’être nommé évêque, il avait passé en 1897 quatre mois au Canada en qualité de délégué apostolique nommé par le pape Léon XIII pour étudier la question des écoles au Manitoba.
À 11 h le 28 avril, les cloches des églises de la ville de Québec ont sonné. François Langelier, lieutenant-gouverneur, et Lomer Gouin, premier ministre du Québec, sont notamment passé au palais épiscopal offrir leurs félicitations.
13 nouveaux cardinaux
La liste complète des nouveaux cardinaux fut également confirmée. L’archevêque de Québec s’y trouvait en bonne compagnie pour ce consistoire, aux côtés des archevêques de Bologne, de Munich, de Lyon, de Cologne, de Vienne et de Tolède. Au total, Pie X créait 13 nouveaux cardinaux. Bégin était de loin le plus âgé, à 74 ans. Le plus vieux après lui avait 67 ans (Francis Aidan Gasquet, prêtre bénédictin, qui sera chargé des archives secrètes du Vatican dès 1917). Le plus jeune avait 49 ans (Piffl, Vienne). La moyenne du groupe est de 61,6 ans.
Quant à la composition du collège au sortir de ce consistoire, selon un compte-rendu publié dans Le Devoir le 12 mai 1914, il allait compter 34 Italiens, 7 Français, 6 Autrichiens-Hongrois, 5 Espagnols, 3 Anglais ou Irlandais, 3 Américains des États-Unis, 2 Allemands, 1 Belge, 1 Brésilien, 1 Hollandais, 1 Portugais et 1 Canadien pour un total de 65. «Mais il faut ajouter le cardinal réservé « in petto », de sorte qu’il n’y a plus que 4 chapeaux vacants sur le nombre total de 70.» En ce qui concerne les communautés religieuses représentées dans le Sacré Collège, ce dernier passait à 3 Bénédictins (du Mont-Cassin), de Hongrie et d’Angleterre), 2 Frères Mineurs, 1 Jésuite, 1 Carme déchaussé, 1 Ermite de Saint-Augustin et 1 Rédemptoriste.
Les détails du voyage
Tous les principaux journaux de la province parlent de cette annonce pendant quelques jours. Le mercredi 29 avril, on apprend que l’archevêque de Québec partira pour Rome le lundi suivant (donc le 4 mai):
«S.E. le cardinal Bégin partira pour Rome lundi prochain. Il se rendra par le Quebec Central à New-York où il s’embarquera mercredi sur « La France », de la Ligne Générale Transatlantique. M. l’abbé Jos. Hallé, ancien directeur du collège de Lévis, l’accompagnera. » (Le Devoir, mercredi 29 avril 1914)
Joseph-Jean-Baptiste Hallé, né à Notre-Dame-de-Lévis en 1874, a été ordonné prêtre en 1897. Il devint préfet (1918) puis vicaire apostolique (1920) d’Ontario-Nord (aujourd’hui Hearst). Il le restera jusqu’à sa mort à l’âge de 64 ans en 1939.
Toujours le 29 avril, The Quebec Chronique (page 12) dément une rumeur qui voulait que le cardinal soit in curio, c’est-à-dire qu’il doive désormais résider à Rome. Le 2 mai, ce même journal explique qu’une procession d’environ 3000 hommes s’est rendue à pied le 1er mai pour aller saluer le cardinal Bégin au palais épiscopal.
Dans un télégramme du 5 mai, l’abbé Jos. Hallé résume le début de leur voyage. Son récit concorde avec d’autres traces rapportées par divers journaux d’un parcours aux allures parfois triomphantes:
«Arrivés à New York après heureux voyage. Manifestations enthousiastes, tout le long de la route, spécialement à Sainte-Marie, Sherbrooke, Northampton, Meriden et Springfield. A Sherbrooke, la manifestation était présidée par Mgr Laroque et nombreux clergé. A Springfield, nombreuses délégations des villes environnantes. À Ware, Massachusetts, présentation d’adresse par le Dr Dionne; à New York, le cardinal a été reçu par le R. P. Letellier qui lui a présenté ses hommages au nom des Franco-Américains de New York. Le cardinal est en excellente santé. » (Le Devoir, mercredi 6 mai 1914, page 2)
Surfant sur la vague d’enthousiasme, Lévis décide de changer le nom de l’avenue Eden pour avenue Bégin.
Le cardinal Bégin et l’abbé Hallé sont arrivés au Havre le 13 mai. Hallé confirme que la traversée fut sans encombre et que le cardinal est en santé. Ils se dirigent alors vers Paris. Ils arrivent visiblement au Collège canadien à Rome le 16 mai.
La presse emballée
Le cardinal Bégin est mentionné quotidiennement dans la presse, pour divers prétextes. Le moindre élément d’information est relevé, même s’il est parfois très ténu. On souligne par exemple qu’il sera fait cardinal-prêtre au titre de Saint-Vital, nom de la paroisse où se trouve le Collège canadien à Rome. (Le Devoir, lundi 18 mai 1914, page 1) Le 19 mai, Le Devoir indique que le cardinal Bégin ne se servira pas du «somptueux carosse» (sic) du cardinal Taschereau. La nouvelle voiture sera «beaucoup moins éclatante». Le même jour, Le Devoir publie aussi un extrait d’un journal de L’Avenir de Honfleur qui s’intéresse à l’ascendance française du cardinal Bégin.
Le 23 mai, divers journaux précisent la teneur des fêtes prévues lors du retour du cardinal Bégin, quelques semaines plus tard. Les détails de ces fêtes occuperont beaucoup d’espace dans les journaux jusqu’au retour du cardinal. Le 25 mai, Le Devoir publie la lettre que l’abbé Bégin avait rédigée à sa famille lors de son premier séjour à Rome, en 1864.
Le jour du consistoire
Le 25 mai, le jour du consistoire, les cloches de «tous les temples du diocèse» sont sonnées à 10 h, car on estime – en tenant compte du décalage horaire – que cela coïncide avec l’événement qui se déroule à Rome ce jour-là. On fait même tirer une salve d’honneur dans le Parc Montmorency. Des cablogrammes sont envoyés par centaines à Rome pour féliciter le cardinal Bégin. Les maisons et édifices publics étaient invités à être décorés.
«Quoiqu’aucune cérémonie religieuse n’ait eue lieu à Québec, on peut dire que la ville est dans la jubilation. Des décorations aux couleurs papales ornent les presbytères, foule d’édifices publics et de résidences privées. Les élèves de la plupart des institutions religieuses et enseignantes ont un grand congé, aujourd’hui.» (Le Soleil, lundi 25 mai 1914, page 1)
Les journaux soulignent avec fierté le fait que le nom du cardinal Bégin a été lu en premier lors du consistoire. La presse de l’époque ne ménage pas les épanchement en évoquant la «joie», l’«honneur» et l’«allégresse» qui touche les Canadiens français.
Au cours des jours suivants, divers journaux publient des extraits de l’allocution prononcée par le pape Pie X au début du consistoire, sans toutefois identifier clairement la source. Certains passages paraissent étrangement prophétiques – tant pour les nations européennes qui ne savaient pas encore que la Grande Guerre était à leurs portes que pour les démocraties libérales en 2022. Voici la version publiée dans Le Soleil:
«Aujourd’hui, la question de savoir si une nation sera troublée ou vivra en paix ne dépend plus de son chef, mais du peuple lui-même. Si l’esprit du peuple est frustré de la vérité qui a été répandue par la révélation divine, et si ce peuple a secoué le joug de la discipline et de la contrainte de la loi chrétienne, quoi d’étonnant si, consommé par l’aveuglement de passions aveugles, ils se ruent à la ruine commune vers laquelle ils sont conduits par des démagogues qui ne cherchent que leur propre intérêt.»
Des versions différentes de cet extrait – des traductions – sont publiées, mais le propos est le même.
À Rome, on dit qu’un orage violent avait lieu à l’extérieur et qu’il régnait une «atmosphère lourde», en référence au temps humide et orageux.
Fête au Collège canadien
Le lendemain du consistoire, une fête est organisée pour le cardinal Bégin au Collège canadien.
«La réception au Collège Canadien a été une fête grandiose. Les salons et salles de réceptions avaient été tout tendus de draperies couleur pourpre royale et des palmes rosiers, fleurs de toutes sortes ornaient tous les coins et colonnades. Foule de prélats Canadiens sont actuellement à Rome et tous assistaient à la fête éminemment canadienne», lit-on dans Le Soleil. Le cardinal Bégin est cité lorsqu’il parle avec humilité et dit que l’honneur rejaillit sur le Canada. On ajoute cet extrait:
«Son Éminence profite de l’occasion pour remercier ses ouailles de l’affection dont elles lui font preuve. Son Éminence a été touché aux larmes par les multiples témoignages d’attachement filial des fidèles de son archi-diocèse et, après les cérémonies, au cours d’une promenade solitaire dans les jardins, on l’a vu pleurer, pendant que sa main tremblante d’émotion, tenait une liasse de télégrammes venus du Canada.» (Le Soleil, mercredi 27 mai 1914, page 1)
Selon L’Action sociale (27 mai 1914, page 8), quatre archevêques et sept évêques canadiens étaient à Rome à l’occasion du consistoire. On mentionne la présence des archevêques d’Ottawa, de Toronto et d’Halifax. Il n’a pas été possible de trouver une liste sûre et définitive de ces évêques, mais nous savons que Michel-Thomas Labrecque (1849-1932) de Chicoutimi (1892-1927) y était, de même que François-Xavier Cloutier (1848-1934) de Trois-Rivières (1899-1934).
Karen Dubé, archiviste pour le diocèse de Chicoutimi, confirme d’ailleurs que Mgr Labrecque était bel et bien à Rome à cette occasion. Il s’y était rendu à l’occasion de sa troisième visite ad limina. Avant d’être archevêque de Québec, le cardinal Bégin a été évêque de Chicoutimi. «C’est le seul évêque dont le corps ne repose pas dans la crypte de la cathédrale. Il y a une rue qui porte son nom à côté de la cathédrale», rappelle l’abbé Jean Gagné, responsable des communications pour le diocèse de Chicoutimi.
Le consistoire public du 28 mai 1914
Le consistoire public a lieu à Rome le 28 mai. En effet, celui du 25 mai était «secret»: c’est-à-dire qu’il s’est fait en privé autour du pape. Trois jours plus tard, la version «publique» de la cérémonie a eu lieu.
Le Droit (vendredi 12 juin 1914, page 1) publie un court texte un tantinet chauvin à ce sujet, alors qu’on avait confié une tâche particulière à l’archevêque de Québec:
«Au consistoire public tenu par Sa Sainteté Pie X à l’occasion de la création de plusieurs cardinaux c’est Son Éminence le Cardinal Bégin qui a été chargé au nom des Cardinaux des autres pays de remercier le Saint Père. Le Cardinal Bégin s’est acquitté de cette tâche avec un succès qui a surpris tout le monde. Il a parlé en italien. C’est une belle vengeance pour le vieux Québec tant calomnié, tant méprisé. Le Cardinal Bégin est un élève des écoles arrièrées (sic) du Québec et de l’Université Laval. Serait-ce déplacé que de demander si l’Université de Toronto pourrait fournir un homme qui irait à Rome faire avec succès un discours en italien.»
Certaines des photos du cardinal Bégin au Collège canadien dénichées par Présence étaient inconnues du service des archives de l’archidiocèse de Québec. Il s’agit de celle où le cardinal est au balcon et de celle où il est photographié seul au jardin. L’archiviste a cependant eu l’amabilité de nous permettre de reproduire ici certaines photos du consistoire du 28 mai 1914. Il s’agit d’images qui circulent peu et qui permettent d’illustrer avec plus d’amplitude cet événement. «Bien que je connaisse Mgr Bégin, je n’arrive pas à l’identifier sur ces photos, elles ne sont pas assez nettes et il n’y a pas d’indication en ce sens au dos», précise cependant l’archiviste Maude Leclerc du Centre de conservation de l’Archidiocèse de Québec.
Parmi le lot d’images acquises par Présence, il y en a une qui permet de croire que les annotations auraient été faites par un clerc qui habitait au Collège canadien. C’est bien la même plume, mais une seule carte est signée de Joseph, prêtre.
Maude Leclerc a trouvé dans les archives une liste des prêtres du Collège canadien. Plusieurs portent le nom de Joseph. Il est possible que la personne qui a annoté le lot de photos soit bel et bien l’un des Joseph de cette liste. Cependant, il ne faut pas écarter la possibilité qu’il s’agisse également d’un clerc de passage qui n’habitait pas nécessairement au Collège. La piste mérite tout de même d’être considérée.
L’arrière des photos datées des 26 et 27 mai 1914 ne comporte aucune mention susceptible de nous éclairer davantage. On y lit cependant «Cartolina Gevaert». Il s’agit de la société belge Gevaert, fondée en tant que studio photographique en 1890 à Anvers, en Belgique, par Lieven Gevaert. Quatre ans après sa fondation, le studio a bénéficié de l’aide financière d’Armand Seghers et est devenu «L.Gevaert & Cie». En 1964, il fusionna avec la société allemande «Agfa AG», un nom sans doute familier à quiconque a déjà fait de la photographie argentique. «Agfa-Gevaert N.V.» existe toujours aujourd’hui.
Le retour du cardinal
Mais un autre événement d’actualité vient alors accaparer l’attention médiatique: le naufrage de l’Empress of Ireland, le 29 mai 1914. Le même jour, on commence à publier le programme des fêtes qui honoreront le cardinal Bégin à son retour de Rome le 23 juin. Les détails des préparatifs seront fréquemment évoqués au cours des semaines suivantes.
Le jeudi 4 juin, le cardinal Bégin prend possession de son église cardinalice de Saint-Vital. Il quitte Rome le samedi 6 juin pour se rendre en France, où il passe quelques jours avant de revenir. Il doit prendre le paquebot La France pour le retour aussi. (L’Action sociale, jeudi 4 juin 1914, page 8)
La Presse (mercredi 10 juin 1914, page 3) annonce que Mgr Labrecque «qui a eu une audience du Saint Père, le 19 mai, s’embarquera le 13 juin au Havre, à bord du paquebot La France, en même temps que son éminence le cardinal Bégin, pour revenir au Canada, via New-York.» La brève est coincée entre «Mort d’une religieuse» et «Capture d’un rat musqué»…
À son retour, le cardinal Bégin est passé par New York, puis est remonté par un train. Dans la Big Apple, le 21, il a pris part à une procession du Saint-Sacrement à l’église Saint-Jean-Baptiste, la paroisse canadienne-française.
L’arrivée du cardinal à Lévis était prévue un mardi après-midi sur un train spécial du chemin de fer Québec-Central, vers deux heures:
«On a préparé un trône l’attendant sur la place de la gare de l’Intercolonial, à Lévis, où le maire Bernier lira une adresse au cardinal. Aussitôt après la présentation de cette adresse, Son Éminence traversera à Lévis sur un steamer du gouvernement et sera reçu du débarcadère par le maire Drouin et les échevins.» (La Presse, 22 juin 1914, page 13)
Le 23 juin, son retour a été souligné par concert en plein air à 20 h et un feu d’artifice à 21 h.
Politique, guerre et conclave
Les festivités ont été marquées par un débat impliquant le gouvernement fédéral. On s’offusquait que le ministre de la Milice et de la Défense du Canada, Sam Hughes (1853-1921) (la presse canadienne-française le qualifiait d’orangiste), qui a interdit au 6e Régiment d’artillerie de Lévis de faire une garde d’honneur pour le cardinal Bégin. L’Action sociale rappelait pourtant qu’un honneur similaire avait été accordé au légat papal, le cardinal Vannutelli, en septembre 1911 à Québec, par un « escadron de Hussards ».
Le 28 juin, l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche et son épouse Sophie Chotek sont assassinés à Sarajevo. Le 28 juillet, l’Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie. Le 1er août, l’Allemagne entre en guerre contre la Russie, le 3 août, l’Allemagne déclare la guerre à la France. Le 4 août, le Royaume-Uni déclare la guerre à l’Allemagne. Ce même jour, le pape Pie X meurt à Rome. Les déclarations de guerre entre les nations se poursuivent au cours des semaines suivantes.
Le cardinal Bégin retournera en Europe deux mois après son retour, le 24 août, pour se rendre au conclave qui doit élire le successeur de Pie X. Il se rend à New York en train, puis en bateau au Havre dans une France en guerre, accompagné de l’abbé Eugène Laflamme, curé de la cathédrale Notre-Dame de Québec. Mais il n’a pu se rendre à Rome pour participer au conclave qui a élu le pape Benoît XV.
Les hommes sur ces photos sont morts il y a longtemps. Nous les voyons ici plongés dans l’histoire, dans un événement d’une forte ampleur symbolique. Ce n’est toutefois que 108 ans plus tard que, grâce au croisement de diverses sources, la population canadienne peut jeter un regard nouveau sur un événement pour lequel peu d’images ont circulé au fil des années.