«Je suis le capitaine qui coule avec son bateau.» Norman Lévesque était présent lors de l’assemblée générale qui a voté la dissolution du Réseau des Églises vertes, un organisme auquel il est associé depuis 15 ans.
D’abord coordonnateur du projet Églises vertes, il en sera le directeur général de 2015 à 2018. C’est à ce moment que le Réseau des Églises vertes a acquis son autonomie administrative et a obtenu son incorporation officielle.
«Bien sûr, j’ai de la peine», confie en entrevue téléphonique le météorologue et vulgarisateur scientifique. Mais il reconnaît aussi que la décision prise le 23 avril – à l’unanimité, précise-t-il – était inévitable. Le manque de ressources financières aura eu raison de l’organisme.
«Le conseil d’administration a dû se rendre à l ‘évidence. Nos revenus baissaient constamment», dit-il, sans qu’on puisse réussir à infléchir la tendance.
Une mission
«Les Églises vertes, ce n’est pas mon bébé, comme les gens le disent souvent», dit Norman Lévesque. «C’est plutôt ma mission.»
«Ma mission aura été de semer cette graine et de la voir grandir», dit ce spécialiste, auteur de Prendre soin de la Création (Novalis, 2014) et, avec le pasteur David Fines, de Les pages vertes de la Bible (Novalis, 2012)
«Mais je réalise aujourd’hui que la graine n’est pas tombée dans un sol riche», concède-t-il.
Selon Norman Lévesque, un malaise bien réel s’exprime aujourd’hui dès que l’on cherche à «joindre environnement et religion».
«Quand on demandait de l’aide à des fondations séculières, elles hésitaient ou refusaient de financer notre organisme, parce qu’il était religieux», explique-t-il.
Et lorsque le Réseau des Églises vertes demandait l’aide des communautés religieuses, il rencontrait un autre dilemme. Ensemble, les communautés offraient quelque 70 000 $ par année à l’organisme, soit la presque totalité des sommes obtenues auprès du public. Mais chacune des communautés donatrices n’osait pas augmenter sa contribution annuelle afin de ne pas priver d’autres initiatives pastorales ou sociales qu’elles finançaient aussi.
«Les communautés, elles aussi, éprouvaient un malaise à joindre religion et environnement», indique celui qui va assumer la direction de l’organisme jusqu’à sa dissolution officielle.
Initiative de la base
Mais le principal défi qu’aura constamment rencontré l’organisme a trait à sa gérance même ou encore à son modèle de gestion.
Il donne l’exemple de la France où le mouvement Église verte (aussi appelé Label Église verte), bien que récent, connaît un énorme succès. «Des milliers d’Églises en font partie», alors qu’au Canada, seules 96 Églises, congrégations ou paroisses ont été enregistrées comme Églises vertes.
La raison est simple, explique-t-il. Au lendemain de la publication de l’encyclique Laudato si’ (pape François, 2015), les dirigeants des Églises protestantes et orthodoxes de France ont décidé de s’unir à la conférence épiscopale (la CEF qui regroupe les évêques catholiques) afin de fonder un organisme œcuménique qui va aider les Églises et les paroisses à amorcer leur transition écologique. «Ils se sont inspirés de l’expérience du Réseau des Églises vertes», confirme avec fierté Norman Lévesque.
Mais la gestion de ces deux regroupements œcuméniques est fort différente. En France, ce sont les leaders des Églises nationales qui gèrent le projet et veillent chaque année à mettre des ressources financières à la disposition des Églises vertes locales et régionales.
«Ce n’est pas le cas ici. Les Églises vertes, c’est un projet de terrain, qui vient de la base», rappelle Norman Lévesque. Au Canada, des bénévoles et des militants écologiques devaient convaincre les instances ecclésiales nationales de financer adéquatement les initiatives vertes prises par les communautés locales. En vain.
«Chaque année, on allait cogner à la porte des grandes Églises pour obtenir de l’argent ou du soutien logistique. Mais toutes, elles nous disaient: «non»».
«On a vraiment essayé», assure-t-il, la gorge nouée d’émotion.
«C’est vrai que c’est fâchant quand on voit tout le succès qu’on a récolté en France avec ce projet. Alors que, de notre côté, on était toujours en mode survie, constamment inquiets d’avoir assez d’argent pour payer notre personnel et tenir nos activités. Dans de telles conditions, on ne pouvait pas mettre nos énergies à développer notre réseau.»
«Je sens que cette graine n’a pas été plantée dans une bonne terre», répète à voix basse l’ex-directeur général du Réseau des Églises vertes.
Voir aussi
Présence, Le Réseau des Églises vertes ferme ses portes, 3 mai 2024.
Présence, Norman Lévesque quitte le Réseau des Églises vertes, 8 août 2018.
Présence, «Le combat écologique est un combat spirituel», dit André Beauchamp, 7 juin 2016.