Il faut promouvoir la justice climatique et éliminer la pauvreté au Canada, disent en choeur différentes Églises canadiennes. Ces deux finalités, estiment les signataires d’une déclaration oecuménique et interreligieuse, ne doivent plus être menées séparément. Elles sont aujourd’hui indissociables.
«Nos efforts pour la justice, pour le bien-être humain et pour la survie de la planète doivent désormais converger», stipule cette déclaration rendue publique samedi par le Conseil canadien des Églises.
«Les Églises répètent depuis longtemps que la pauvreté est une véritable offense à Dieu. Elles sont appelées à tout faire pour éliminer la misère et à défier les systèmes qui maintiennent les personnes en situation de pauvreté. Ce que les Églises et communautés de foi disent dans cette déclaration, c’est que les changements climatiques affectent encore plus dramatiquement les populations pauvres, du monde entier mais aussi de notre pays», explique la pasteure Karen Hamilton, secrétaire générale du Conseil canadien des Églises.
Le texte officiel, qui compte sept pages, est signé par les chefs des Églises de tout le Canada. Des dirigeants du Conseil bouddhiste mondial et de l’Organisation mondiale des Sikhs du Canada y ont aussi apposé leur signature.
Selon les signataires, la société vit «une crise spirituelle, morale et éthique qu’on peut formuler comme suit: les Canadiennes et les Canadiens vont-ils agir en bons voisins à la fois dans leur milieu humain et dans leur milieu naturel si, à long terme, la santé de l’un dépend de la santé de l’autre?»
«Quand se creuse le fossé de la richesse et du partage entre ceux qui ont accès à plus de ressources et ceux qui en ont moins, ce sont les collectivités les plus pauvres qui ressentent le plus tôt et le plus longtemps l’impact des changements écologiques et économiques», observent les chefs des 21 Églises et groupes religieux qui ont endossé la déclaration. «Il faut de toute urgence [donner] à notre pays et à la communauté mondiale une éthique de justes relations en politique sociale, économique et environnementale», ajoutent-ils.
Parce que «près de 4,8 millions de Canadiennes et de Canadiens peinent à joindre les deux bouts», il est urgent que le gouvernement canadien accroisse son aide aux familles et élargisse les règles d’admissibilité à l’assurance-emploi. Il devrait aussi financer davantage le logement social et appuyer des programmes «de garderies abordables et de soutien aux parents de jeunes enfants».
Mais il est aussi prioritaire que le Canada fasse sa part pour «ralentir les effets du changement climatique». Selon les signataires de la déclaration, le Canada devrait «fixer des cibles plus strictes et plus ambitieuses en matière d’émissions [de gaz à effet de serre]» et «fournir une aide aux pays pauvres les plus touchés afin qu’ils puissent s’adapter et atténuer l’impact du changement climatique». Ils rappellent par ailleurs que «les peuples autochtones au Canada connaissent depuis longtemps les effets de la pauvreté et sont généralement parmi les premiers à subir l’impact du changement climatique».
S’engager concrètement
«En tant que responsables de communautés croyantes, nous comprenons que le changement climatique exige plus que des ajustements techniques: il faut une transformation spirituelle et morale, voire même écologique», écrivent les signataires.
Cette conversion, au-delà des grands principes, entraînera les groupes religieux à poser des gestes publics.
«Nous nous engageons à jouer notre rôle et à nommer franchement et sans détour la crise actuelle, à nous sensibiliser davantage à son urgence, à encourager les gestes qui modifieront notre économie de croissance fondée sur la consommation en une économie de saine gestion fondée sur la sollicitude, et à faire évoluer nos interventions communautaires et l’utilisation de nos édifices de manière à respecter les normes de durabilité et l’intégrité écologique de la vie humaine et de la vie de la nature», écrivent les responsables chrétiens, sikh et bouddhistes.
Sables bitumineux
L’extraction du pétrole des sables bitumineux génère une forte quantité de gaz à effet de serre, répètent les environnementalistes. Mais l’expression «sables bitumineux» n’apparaît pas dans cette déclaration interreligieuse.
«Dans toute déclaration conjointe, c’est impossible de tout dire», explique la secrétaire générale du Conseil canadien des Églises. «Ce que nous avons ici, c’est une déclaration de consensus. Le texte est entièrement approuvé par les Églises et communautés signataires». Elle se réjouit qu’ensemble ces institutions regroupent la majorité des croyants du Canada.
Parmi les signataires de la déclaration, on trouve l’archevêque et primat de l’Église anglicane du Canada, Fred Hiltz, l’évêque nationale Susan C. Johnson de l’Église évangélique luthérienne au Canada, la pasteure Jordan Cantwell, récemment élue modératrice de l’Église Unie du Canada, et Mgr Douglas Crosby, nouveau président de la Conférence des évêques catholiques du Canada.
La pasteure Karen Hamilton encourage les organismes locaux et régionaux, les congrégations religieuses, les paroisses et les organismes religieux à lire, à partager et à signer cette déclaration. Elle souhaite aussi que les croyants utilisent le texte pour affiner les questions qu’ils poseront aux candidats et candidates avant le scrutin du 19 octobre. «Les croyants ont le devoir de parler, de faire entendre la voix des plus pauvres du monde.»