La religieuse Esther Champagne participera le 5 juin 2019 à un panel sur les stratégies de placement adoptées par des congrégations religieuses afin de réduire les risques climatiques. Quelques jours avant la tenue de cet événement organisé par le Regroupement pour la responsabilité sociale des entreprises et AEQUO Services d’engagement actionnarial, la religieuse a profité d’une pause-santé durant une retraite communautaire à laquelle elle participait pour répondre aux questions de Présence.
Présence: Selon vous, les congrégations religieuses d’aujourd’hui devraient aussi s’intéresser à la crise du climat. Pourquoi?
Esther Champagne: Depuis la lettre du pape François sur l’environnement, Laudato si’, les communautés religieuses sont de plus en plus attentives à un rôle auquel on ne s’attendait peut-être pas d’elles. C’est bien de prier, de faire la charité, de venir au secours de gens mal-pris ou d’être solidaires de mouvements sociaux. Mais on a aussi une responsabilité face à l’environnement, nous a rappelé le pape. Cela a réveillé chez les communautés religieuses le devoir de s’engager pour la «sauvegarde de la maison commune», selon les mots de l’encyclique.
Notre communauté, par exemple, durant son chapitre, a cherché des moyens pour actualiser Laudato si’ chez nous. On a développé des actions afin de sensibiliser les membres de notre institut face à ce devoir social.
Vous avez été présidente du Regroupement pour la responsabilité sociale des entreprises (RRSE). Vous savez que plusieurs communautés religieuses ont placé des sommes importantes, pour qu’elles fructifient, dans des fonds communs de placement. Ces fonds sont parfois formés de parts de sociétés dont l’activité est liée à l’extraction, au traitement ou au transport de combustibles fossiles. Les communautés devraient-elles se départir de leurs actions dans ces secteurs?
Oui.
Parce que les communautés ont investi dans des fonds communs, elles ont parfois l’impression que leur pouvoir est limité. Mais elles ne sont pas suffisamment conscientes de ces éléments: à qui et à quoi servent les sommes qu’elles ont placées dans des fonds ou dans des actions.
Nos placements sont nécessaires, on le reconnaît. Ils doivent rapporter suffisamment pour assurer la survie des membres de la communauté dans leur fin de vie. Mais, cela ne nous enlève pas le devoir et le pouvoir d’interpeler nos gestionnaires de portefeuilles pour qu’ils nous disent dans quels types d’entreprises ils investissent.
Si on s’aperçoit que, d’une façon proche ou éloignée, ces investissements vont favoriser l’expansion de l’énergie, j’allais dire coupable, comme le pétrole ou le charbon, il faut alors poser des gestes de responsabilité sociale.
Depuis sa fondation il y a déjà 20 ans, le RRSE a toujours été préoccupé de savoir à quoi sert l’argent qu’on investit. Ce serait une erreur de placer des sommes dans des fonds communs de placement et de ne plus s’en soucier, comme si cela engourdissait notre conscience. Qu’on ne cherche plus à savoir si notre argent appuie le développement d’énergies propres ou qui favorisent l’exploitation du pétrole et du charbon.
On a beau limiter l’usage du pétrole dans nos automobiles, mais si on investit là-dedans, c’est comme si on annulait les gestes environnementaux qu’on pose.
Quelle note donnez-vous aux gouvernements canadien et québécois dans les domaines du changement climatique et de la sauvegarde de l’environnement?
Au fédéral, je ne comprends pas qu’on ait signé l’Accord de Paris, qu’on se soit engagé à diminuer la pollution atmosphérique et qu’on répète qu’on veut tout faire pour protéger l’environnement puis, qu’en même temps, on achète le pipeline Trans Mountain au prix de quelques milliards de dollars. Selon moi, le gouvernement fédéral n’obtient même pas la note de passage.
Au Québec, on agit d’une façon, je dirais, plus sournoise, moins évidente. On s’oppose un peu trop timidement à mon goût aux gazoducs qui vont venir sillonner notre territoire et traverser nos cours d’eau, sans se préoccuper des dangers qu’ils posent.
On lance de belles phrases, comme cette idée d’électrifier les transports. Mais pas grand-chose n’a encore été réalisé. Ce ne sont que des promesses. Elles sont où les actions concrètes?
On veut favoriser toutes sortes de développement, on dit qu’on va appuyer les autos électriques, mais en même temps on fait des barrages qui vont modifier le cours naturel des cours d’eau du nord du Québec alors qu’on a un surplus d’électricité.
Un dernier élément d’évaluation de l’action gouvernementale, c’est la quantité de routes et d’autoroutes qu’on souhaite élargir et améliorer. Cela va favoriser quoi vous pensez? L’usage de l’automobile. Certainement pas les transports collectifs ou moins polluants.