Alors que l’hiver est aux portes et que la crise du logement atteint des sommets inégalés en Nouvelle-Écosse, des centaines de personnes dorment dans la rue. Avec la construction de plusieurs refuges hivernaux, l’archidiocèse d’Halifax-Yarmouth s’implique face à l’urgence. Mais des changements structurels seront aussi nécessaires pour résoudre la situation à long terme, insistent des défenseurs des droits.
La nuit, la température descend sous zéro. Des tempêtes hivernales ont déjà laissé plus de 40 centimètres de neige au sol. Pour éviter l’hypothermie, les personnes en situation d’itinérance peuvent passer la nuit éveillées et marcher souvent pour se réchauffer. Autrement, ils dorment comme ils le peuvent dans des tentes. Seulement à Halifax, plus d’une centaine de personnes n’ont toujours pas d’abri où passer la nuit.
«Je crois que la situation est critique», observe John Stevens, qui pilote l’initiative de construction de refuges pour l’archidiocèse d’Halifax-Yarmouth.
Face à l’ampleur de la crise, l’institution religieuse s’est jointe aux efforts pour fournir un abri d’urgence aux gens dans le besoin, en lançant une campagne de financement de 230 000 $ qui lui permettra de construire, si elle atteint son objectif, entre 15 et 20 abris d’urgence. Chaque abri individuel doit être construit selon les normes de la municipalité, inspecté et pourvu d’un permis, ce qui fait grossir la facture à 11 500$ par unité. Mais la campagne de financement va bon train, s’encourage M. Stevens, qui calcule que 100 000$ ont été amassés en deux semaines.
«Je suis tellement impressionné par la générosité des gens, qui ont ouvert leur propriété pour y installer un refuge, ou en faisant campagne ou en donnant de l’argent, commente M. Stevens. Les choses vont bien, et la générosité des gens est inspirante.»
Bien isolé, chaque abri est construit avec une toiture et des revêtements métalliques et comporte un lit individuel. Les unités ont de l’électricité pour une lampe, un chargeur et un petit radiateur électrique.
Elles seront installées dans différents secteurs de la ville. Pour le projet, l’Église collabore avec des organismes d’aide sur le terrain. Après l’échéance de leur permis dans six mois, les abris seront probablement entreposés pour la belle saison avant d’être réutilisés l’an prochain.
«Je sens de l’espoir avec projet; plusieurs personnes travaillent ensemble: l’Église, une firme d’ingénieurs [pour la construction des refuges], la Ville», indique M. Stevens. «Je crois qu’on pourrait avoir davantage de ces partenariats à l’avenir.»
Une crise qui s’aggrave
La crise du logement ne date pas d’hier à Halifax. «Mais la situation ne fait qu’empirer », commente Campbell McClintock, porte-parole du Halifax Mutual Aid, un groupe d’activistes qui construisent des abris pour fournir un toit à toute personne dans le besoin. «La réalité, c’est que n’importe peut faire face à une éviction en raison de l’augmentation des loyers», observe M. McClintock, qui ajoute que les communautés racisées sont particulièrement vulnérables face à la crise.
Depuis des années, des défenseurs des droits réclament davantage de logements abordables aux autorités municipales et provinciales; la construction de nouveaux logements accule un important retard par rapport à la croissance de la population. Mais selon Campbell McClintock, le marché de l’immobilier dans la province continue d’être dirigé par la quête de profits au détriment de la création de logements accessibles. La pandémie n’aurait fait qu’exacerber les défis entourant la lutte contre la pauvreté, l’inclusion et l’accès au logement.
En août dernier, la situation a pris un nouveau tournant lorsque des policiers d’Halifax ont démantelé et déplacé des tentes et des abris temporaires du centre-ville. Lorsqu’une vingtaine d’activistes ont tenté de s’interposer, l’intervention s’est terminée dans les gaz lacrymogènes, avec une grande attention médiatique. Les autorités municipales, ayant longtemps rejeté la responsabilité de la crise du logement sur la province, ont alors débloqué 500 000 dollars pour des logements d’urgence.
Mais les actions de la municipalité sont trop lentes, critique M. McClintock. «Ils livreront 24 abris d’ici la fin décembre, mais ce n’est pas assez pour tout le monde dans la rue», calcule-t-il, même avec le soutien de l’archidiocèse. «Ce qui brise le cœur, c’est que [cette situation] est évitable, il y a des édifices inoccupés un peu partout autour de la ville. Pendant qu’au Conseil de ville, on commence à parler de logements abordables, il y a des gens qui risquent leur vie [dehors].»
«Il y a tellement d’enfants qui demandent à leurs parents: « Pourquoi y a-t-il tant de monde dehors dans la neige? »», se désole M. McClintock. Pour sensibiliser la population à cet enjeu, le groupe d’activistes a créé des pains d’épice en forme de maison comprenant une histoire sur l’importance d’avoir un foyer. Les activistes espèrent que, de cette façon, les familles se joindront aussi aux efforts pour lutter contre cette crise du logement pour Noël.
Pour contribuer à la campagne de l’archidiocèse d’Halifax-Yarmouth.