«L’aide médicale à mourir est une question profondément complexe et personnelle pour de nombreux Canadiens partout au pays», a reconnu David Lametti, le ministre de la Justice et le procureur général du Canada, le lundi 13 janvier. Ce jour-là, son ministère a mis en place une page Web afin de consulter les citoyens sur l’élargissement des conditions qui permettront dorénavant l’obtention de soins de fins de vie.
C’est que quatre mois plus tôt, la Cour supérieure du Québec a conclu qu’il était inconstitutionnel de limiter l’accès à l’aide médicale à mourir aux seules personnes en fin de vie.
Bien que ce jugement ne concerne que le Québec, le gouvernement fédéral a décidé de mettre à jour sa propre législation sur l’aide médicale à mourir, a expliqué le ministre Lametti. Les Canadiens ont donc jusqu’au 27 janvier pour remplir le questionnaire en ligne que le gouvernement a préparé sur les critères d’admissibilité et le processus d’obtention de l’aide médicale à mourir.
Le 15 janvier, l’Église anglicane du Canada a officiellement invité ses membres à remplir ce questionnaire. Reconnaissant que «les anglicans canadiens ne partagent peut-être pas tous le même point de vue sur l’aide médicale à mourir», cette Église, qui regroupe quelque 700 000 fidèles, estime que ses membres doivent néanmoins de faire entendre des autorités gouvernementales parce qu’ils ont des «préoccupations semblables quand il s’agit de protéger les plus vulnérables parmi nous», notamment les personnes qui ne seraient pas en mesure de donner leur plein consentement afin de recevoir cette aide médicale.
Refusant de recourir à l’expression «aide médicale à mourir» parce que trop «douce et bienveillante», les six évêques catholiques de l’Alberta et des Territoires du Nord-Ouest ont publié, eux aussi le 15 janvier, une lettre pastorale intitulée Demeurons fidèles au Christ maintenant et à l’heure de notre mort. Dans cette lettre, ils déplorent que le Canada ait légalisé en 2016 l’euthanasie et le suicide assisté qui permet dorénavant aux personnes de «demander leur propre mort». Ces évêques déplorent aussi qu’entre 2016 et 2019 pas moins de «900 Albertains ont choisi cette procédure pour mourir» et que «dans presque tous les cas, ils ont été euthanasiés».
Ces évêques de l’Ouest canadien redoutent que les modifications qu’apportera le gouvernement du Canada à sa loi «étende l’accès à l’euthanasie et au suicide assisté aux personnes souffrant de démence ou d’autres maladies mentales et même aux mineurs matures».
Dans l’archidiocèse catholique de Winnipeg, dirigé par Mgr Richard Gagnon, actuel président de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC), on invite les fidèles à participer à la consultation lancée par le ministre de la Justice. «Ceux et celles qui sont en désaccord avec l’aide médicale à mourir et à son élargissement doivent parler haut et fort», écrit-on à la une du site Web diocésain. «Tous doivent remplir le questionnaire que le gouvernement a mis en ligne, rencontrer ou écrire à son député, au ministre de la Justice ainsi qu’au premier ministre du Canada.»
Rappelant que la consultation en ligne se termine le lundi 27 janvier 2020 à 23 h 59, la CECC enjoint les catholiques à «exprimer leur opposition à l’euthanasie et au suicide assisté en indiquant toute inquiétude qu’ils pourraient avoir» au sujet notamment «de l’insatisfaction à l’égard de la présomption contenue dans le sondage que l’euthanasie et l’aide au suicide seront élargies» et du «besoin urgent d’avoir des alternatives viables à l’aide médicale à mourir par l’entremise d’un meilleur financement public des soins palliatifs, des soins à domicile et des hospices».
Au Québec
Le 21 janvier, le gouvernement du Québec a annoncé sa décision de se conformer au jugement rendu par la Cour supérieure du Québec en septembre 2019 sans toutefois apporter de modification à la Loi québécoise concernant les soins de fin de vie.
«L’aide médicale à mourir demeurera une intervention comprenant des conditions restrictives et le recours à ce soin demeurera strictement encadré et balisé par la Loi», a indiqué la ministre de la Justice Sonia LeBel.
Bien que le critère de fin de vie ait été déclaré inconstitutionnel, «les personnes qui auront le droit de recourir à l’aide médicale à mourir devront satisfaire à toutes les autres conditions» de la loi québécoise, avertit toutefois le gouvernement.
«Seules les personnes majeures et aptes à consentir à une aide médicale à mourir, atteintes d’une maladie grave et incurable, pourront l’obtenir. Ces personnes doivent de plus être dans un état de déclin avancé et irréversible de leurs capacités et éprouver des souffrances physiques ou psychiques constantes et insupportables qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu’elles jugent tolérables».
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