Une rue de Québec, une autre à Montréal et même une réserve écologique portent déjà le nom de Marcelle Gauvreau, une scientifique et une éducatrice, confidente et adjointe du frère Marie-Victorin. Un jardin voué à la sauvegarde des papillons monarques, situé à l’angle de la rue Laurier Est et du boulevard Pie-IX à Montréal, rend maintenant hommage à cette botaniste.
C’est le comité exécutif de la Ville de Montréal qui a autorisé cette désignation le mercredi 14 juin 2018, lors de sa séance hebdomadaire.
«Marcelle Gauvreau a consacré sa vie professionnelle à la flore, aux côtés du frère Marie-Victorin. Botaniste de formation décédée en 1968, elle a notamment contribué à la rédaction de La Flore laurentienne et fondé une école d’initiation aux sciences naturelles pour enfants, à une époque où la présence féminine était largement minoritaire dans ce domaine. Certains la considèrent comme une naturaliste avant-gardiste alors que d’autres n’hésitent pas à lui attribuer le titre de pionnière de l’enseignement préscolaire», indique un communiqué de la Ville de Montréal.
Autrefois responsable des archives historiques à l’Université du Québec à Montréal, Gilles Janson estime que cet hommage est bien mérité. «Marcelle Gauvreau est une personne exceptionnelle. C’est quand même la première Canadienne française qui ait obtenu une maîtrise en sciences. Et c’était aussi une grande collaboratrice de Marie-Victorin», dit-il.
«Et même un peu plus…», ajoute-t-il, rappelant la parution récente de Lettres biologiques, de larges extraits de lettres consacrées à la sexualité humaine que le frère Marie-Victorin a acheminées, durant une dizaine d’années et jusqu’à son décès accidentel en 1944, à Marcelle Gauvreau, sa jeune collègue à l’Institut botanique de l’Université de Montréal. C’est Gilles Janson qui a évalué ces lettres avant que l’UQAM n’en fasse l’acquisition.
«Elle était très croyante et plutôt conservatrice au niveau social», observe l’archiviste à la lecture de ses missives et de ses agendas. «Ce qui me surprend encore, c’est qu’une femme, à cette époque, entretienne une correspondance où il est beaucoup question de sexualité.»
C’est parce qu’«elle était tellement amoureuse de Marie-Victorin et tellement subjuguée par sa personnalité qu’elle s’est permis d’aller aussi loin dans des confidences sexuelles», estime-t-il.
Pourtant une pionnière en sciences et en pédagogie, elle avait des vues plutôt conservatrices sur la place des femmes dans la société. «Mais sa perception a évolué avec le temps», dit Gilles Janson qui raconte qu’en 1954, lors du dévoilement par Maurice Duplessis et par le cardinal Paul-Émile Léger de la statue du frère Marie-Victorin au Jardin botanique, les autorités montréalaises avaient omis de l’inviter à cet événement, tout comme la sculptrice Sylvia Daoust. «Elle en sera très choquée.»
En 1968, Marcelle Gauvreau est décédée dans un hôpital montréalais où elle était hospitalisée depuis peu. «Cela explique, à mon avis, pourquoi les fameuses lettres biologiques ou sexuelles, nommez-les comme vous voulez, ont été conservées. Elle n’a pas eu l’occasion de les détruire. Je suis presque certain qu’elle ne les aurait pas conservées, tout comme Marie-Victorin n’a pas conservé les siennes», croit Gilles Janson.
Le Service des archives de l’UQAM possède dorénavant ces lettres qui peuvent être consultées sur place. Mais, inutile d’insister auprès du personnel, il est impossible de les lire dans le jardin qui rend hommage à la scientifique Marcelle Gauvreau, décédée il y a cinquante ans.