L’Académie pontificale pour la vie se concentre sur le monde des robots et des machines à intelligence artificielle, qu’elle voit comme les nouvelles frontières des enjeux «pro-vie».
L’académie s’est toujours intéressée à la protection de la vie et de la dignité humaines, mais les capacités radicalement changeantes de la robotique ont un impact croissant sur les vies humaines, les relations humaines, les communautés et la Création, a déclaré le père jésuite Carlo Casalone, un consultant membre de l’Académie.
La nécessité de réfléchir aux effets, aux occasions et aux risques liés à l’intelligence artificielle et à la robotique a conduit l’Académie à se pencher sur ce domaine complexe, ajoutant la robotique à sa liste de projets spécialisés, qui inclut déjà les soins palliatifs, les neurosciences, la bioéthique et les modifications au génome humain.
Atelier prévu en février
Un important atelier intitulé «La Roboéthique: L’homme, les machines et la santé» se tiendra au Vatican du 25 au 26 février dans le cadre de cette étude approfondie. Il portera sur l’utilisation de robots et de l’intelligence artificielle, en particulier dans le domaine de la médecine et des soins de santé.
L’utilisation de robots industriels et de services personnels est en augmentation, selon les rapports de l’industrie. Ils sont utilisés dans la fabrication, l’entretien ménager, l’assistance chirurgicale et même pour les soins aux personnes âgées. Les personnes à mobilité réduite peuvent être assistées par une technologie de contrôle du cerveau, qui convertit les ondes cérébrales en signaux numériques pouvant commander ou contrôler des dispositifs externes, tels que des membres artificiels ou des machines.
Le père Casalone, qui a étudié la médecine et travaillé comme cardiologue avant de rejoindre la Compagnie de Jésus en 1984, a participé à l’organisation de l’atelier. Il est devenu membre de l’académie pontificale en 2017 et travaille à sa section scientifique.
En décembre, il a confié à l’agence Catholic News Service que l’atelier réunira des éthiciens, des professionnels de la santé et des chercheurs, dont Hiroshi Ishiguro, un ingénieur en robotique japonais qui crée des robots humanoïdes et favorise la discussion sur l’essence de l’être humain. Son laboratoire a mis au point l’interactif «Actroid», un robot humanoïde réaliste pouvant fonctionner de manière autonome ou contrôlé à distance, et créé une étonnante réplique d’Ishiguro appelée «Geminoid».
Flairer les enjeux
Le père Casalone a déclaré que l’académie souhaitait que l’atelier comprenne des experts comme Ishiguro, qui peuvent expliquer «quelle sorte de vision» guide leur travail et permettre aux membres «d’écouter réellement ce qui se passe dans le monde d’aujourd’hui et de participer à ce moment historique».
«Nous cherchons à être pleinement conscients de ce qui se passe afin de savoir ce qui est possible» dans le monde en rapide évolution des «machines cognitives» et à mettre en évidence l’impact éthique, social, culturel et économique de ces outils.
Par exemple, une main-d’œuvre automatisée moins chère peut menacer les économies émergentes et les pays africains riches en minerais voient souvent leurs ressources extraites et exportées sans recevoir les avantages d’un nouveau «fossé robotisé», a déclaré le père Casalone.
Utiliser des robots pour des applications militaires peut être «très dangereux et très trompeur» si les pays utilisent de telles machines pour dissimuler leurs responsabilités et détruire d’autres «en coulisses», a-t-il déclaré. Les systèmes automatisés peuvent également conduire à «une sorte de mentalité de jeu» lorsque les soldats peuvent contrôler leurs armes à distance, loin de leurs effets.
La domotique – tels que les systèmes de sécurité ou les robots aspirateurs – présente également certains risques, a-t-il déclaré, si «les maisons commencent à être construites de manière à être plus conviviales pour les robots, plus adaptées aux machines qu’aux humains».
Et l’utilisation de robots pour venir en aide aux personnes âgées ou aux infirmes, bien que potentiellement «d’une grande aide», pourrait également risquer de d’instituer une attitude de délégation du soin des plus fragiles et des plus vulnérables de la société «comme s’il s’agissait d’une tâche devant être confiée à des machines» et non à des êtres humains, a-t-il déclaré.
Des problèmes similaires peuvent «aussi s’appliquer au monde naturel», a-t-il déclaré, par exemple, lorsque l’utilisation de robots pour l’agriculture et l’élevage «change notre relation avec les animaux» et la nature.
Développer en fonction de la dignité
Le père Casalone a déclaré que la réponse ne consistait pas à prendre position contre la technologie, mais à «orienter le développement de manière à ce qu’il respecte la dignité humaine et le bien commun autant que possible».
«Il s’agit de prendre conscience et de convenir de la nécessité de réglementer ces possibilités radicalement nouvelles que nous avons devant nous, qui sont capables d’affecter de plus en plus profondément les êtres vivants et le corps humain», a-t-il déclaré.
L’atelier de deux jours organisé en février ne proposera pas de lignes directrices spécifiques, a-t-il déclaré, mais jettera les bases de l’établissement de «certains critères, compte tenu de l’enjeu de l’émergence de ces systèmes cognitifs dans nos vies».
L’impact radical et omniprésent des nouvelles technologies sur les êtres humains et leurs relations «exigeront un contrôle accru», un débat public et une préoccupation non seulement parmi les experts ou les groupes d’intérêts, mais de tout le monde, a-t-il déclaré.
Tout au long de l’histoire, la science et la technologie ont inventé ou développé de nouvelles capacités qui ont pris le monde par surprise et «transformé nos vies», a déclaré le père Casalone. «Nous devons donc nous attendre à ce que quelque chose de nouveau» émerge toujours.
Les contrôles actuels sur «la bombe atomique et son potentiel destructeur», a-t-il ajouté, montrent que les êtres humains sont capables de ne pas utiliser toutes les nouvelles technologies, «ce qui signifie qu’il existe des options pour guider leur développement» afin qu’elles puissent mieux respecter la vie humaine.
«Dans tous les cas, c’est ce à quoi nous nous sommes engagés», a-t-il assuré.
Carol Glatz
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