Tous les citoyens auront bientôt «la possibilité de faire une demande anticipée d’aide médicale à mourir» à la condition qu’ils aient reçu «un diagnostic de maladie grave et incurable menant à l’inaptitude» à consentir aux soins de fin de vie.
C’est l’une des mesures que vient d’annoncer la ministre déléguée à la Santé et aux Aînés, Sonia Bélanger. Cette disposition fait partie du projet de loi qu’elle a déposé ce 16 février 2023 à l’Assemblée nationale.
S’il est adopté, le projet de loi 11, qui modifie la Loi concernant les soins de fin de vie, va «élargir l’admissibilité à l’aide médicale à mourir», insiste la ministre.
«Au Québec, collectivement, nous avons pris la décision d’offrir des soins de fin de vie humains et empreints de respect. L’aide médicale à mourir, c’est un soin de fin de vie. Et j’insiste sur le mot soin», a-t-elle déclaré en conférence de presse peu après le dépôt du projet de loi.
«C’est un soin qui permet de vivre ses derniers moments comme on le souhaite, entouré de ses proches et dans la plus grande sérénité et dignité.»
Le projet de loi prévoit aussi que le «handicap neuromoteur grave et incurable» deviendra un cas d’admissibilité à l’aide médicale à mourir. «Grave et incurable, ces deux mots-là sont très importants», explique la ministre Bélanger. Elle reconnaît qu’il s’agit d’une «question délicate sensible, qui doit être abordée avec humanisme mais aussi en considérant l’évolution de notre société ainsi que l’évolution de la science».
Maisons de soins palliatifs
Une modification apportée par le projet de loi 11 fera en sorte que «les maisons de soins palliatifs et les hôpitaux privés ne pourront pas exclure l’aide médicale à mourir dans leur offre de soins». Jusqu’à maintenant, les maisons de soins palliatifs étaient libres d’offrir ou non ce soin de fin de vie.
«J’ai malheureusement entendu plusieurs histoires, ces derniers mois, de Québécois qui ont dû se déplacer en ambulance pour recevoir l’aide médicale à mourir alors qu’ils étaient dans des situations de douleur et d’inconfort important». Les institutions où ils se trouvaient n’offraient pas ce service de soin de vie, confie-t-elle, la voix brisée par l’émotion.
«Pour moi, c’est important que les maisons de soins palliatifs, qui font un travail extraordinaire, puissent offrir le soin de l’aide médicale à mourir.»
Au moment de publier, l’Alliance des maisons de soins palliatifs du Québec n’avait pas encore réagi à cette disposition du projet de loi 11. Plus de la moitié des maisons membres de ce regroupement offrent déjà l’aide médicale à mourir.
Consultations
Après le dépôt à l’Assemblée nationale du projet de loi 11, le leader de l’opposition officielle, le député Moncef Derraji, a demandé «la tenue de consultations particulières élargies».
«C’est un projet de loi qui touche des enjeux sensibles. Alors, nous demandons au gouvernement d’avoir une plus grande ouverture, surtout laisser la place à ceux qui veulent se faire entendre en commission», a déclaré le député libéral.
La ministre Bélanger l’a rapidement rassuré. «Depuis le début du processus, je souhaite que cette démarche se fasse dans un esprit transpartisan et dans l’ouverture. Nous aurons l’occasion de discuter des changements proposés lors de la commission parlementaire», a-t-elle déclaré.
Réactions
L’Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité (AQDMD) se dit «très satisfaite» devant les dispositions du projet de loi qui vont permettre «aux personnes touchées par une maladie cognitive menant à l’inaptitude, telle l’Alzheimer, de bénéficier des demandes anticipées».
«C’est un progrès pour les droits des patients», estime l’AQDMD. «Ce changement leur offrira une fin de vie dans l’apaisement », ajoute le docteur Georges L’Esperance, le président de cette association.
«Nous sommes convaincus que ces modifications répondent à un besoin exprimé de la population du Québec», indique, de son côté, la Commission sur les soins de fin de vie, un organisme indépendant dont le mandat est d’examiner toute question concernant les soins de fin de vie et de surveiller l’application des exigences particulières relatives à l’aide médicale à mourir.
Toutefois, avertit son président, le docteur Michel Bureau, l’aide médicale à mourir «ne doit jamais être un soin offert par défaut, en raison d’un manque de soins et de services adaptés aux besoins de la personne, et ce, peu importe la région, l’établissement ou la pathologie».
Plus tôt ce matin, la Commission sur les soins de fin de vie annonçait qu’elle va entreprendre une consultation afin de comprendre pourquoi 7% des décès au Québec sont liés à l’aide médicale à mourir. «Pourquoi ne pas attendre les résultats avant de songer à une nouvelle expansion de l’accès à l’aide médicale à mourir au Québec?», demande Jasmin Lemieux-Lefebvre, le coordonnateur du réseau Vivre dans la Dignité
Il estime aussi qu’en élargissant l’accessibilité de l’aide médicale à mourir aux personnes devenues inaptes, le projet de loi fait fausse route. «Même avec des balises et des demandes anticipées, nous ne devrions jamais demander à des équipes soignantes de donner la mort à des personnes, souvent heureuses, qui ne comprendront pas le geste que l’on s’apprête à poser sur elles.»
«Il y a tant à faire pour améliorer les soins envers les personnes vivant à des stades avancés de maladies neurodégénératives», réagit-il.
«L’accès à l’aide médicale à mourir n’est pas un problème au Québec», ajoute Jasmin Lemieux-Lefebvre. «L’accès à des soins palliatifs de qualité dans le milieu de vie de son choix est par contre un problème important à résoudre collectivement.»