Le gouvernement du Québec a déposé mercredi un projet de loi qui élargit l’accès à l’aide médicale à mourir.
Le projet de loi 38, présenté le 25 mai 2022 à l’Assemblée nationale par le ministre de la Santé et des Services sociaux Christian Dubé, «retire le critère de fin de vie» des conditions auxquelles une personne doit satisfaire pour obtenir l’aide médicale à mourir, un critère rendu inapplicable depuis la décision de la Cour supérieure du Québec dans le jugement Truchon c. Procureur général du Canada.
Le texte législatif, que le gouvernement veut faire adopter d’ici la fin de la présente session parlementaire, aborde les demandes anticipées, une disposition qui ne faisait pas partie de la Loi concernant les soins de fin de vie, entrée en vigueur en 2015. Les personnes atteintes d’une maladie grave et incurable et qui mène à l’inaptitude à consentir aux soins pourront désormais «formuler une demande anticipée d’aide médicale à mourir afin qu’elles puissent bénéficier de cette aide une fois devenues inaptes», a ajouté le ministre Dubé.
Toutefois, le projet de loi ne considère pas qu’un trouble mental soit «une maladie grave et incurable». Les personnes souffrant de troubles mentaux ne pourront donc pas recourir à l’aide médicale à mourir afin d’abréger leurs souffrances.
Enfin, si elle est adoptée, la Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives obligera les maisons de soins palliatifs à «ne pas exclure l’aide médicale à mourir des soins qu’elles offrent, sauf exception».
Commission spéciale
Lors de sa présentation, le ministre Dubé a remercié «les députés du gouvernement et des oppositions qui ont siégé sur la Commission spéciale sur l’évolution de la loi sur les soins de vie».
Cette commission, formée de députés de tous les partis, a mené en 2021 des consultations sur l’élargissement potentiel de l’aide médicale à mourir pour les personnes en situation d’inaptitude et pour celles souffrant de troubles mentaux.
Dans leur rapport final, les membres de cette commission transpartisane ont recommandé au ministre «de ne pas élargir l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes dont le seul problème médical est un trouble mental». Dans le projet de loi, le ministre Dubé a suivi cette recommandation.
«L’amélioration constante de l’accès à des soins de fin de vie de qualité est une priorité au Québec. Les travaux et la réflexion visant à faire évoluer la Loi concernant les soins de fin de vie ont été réalisés avec une grande rigueur et délicatesse, et ont été guidés par des principes d’autonomie, d’autodétermination et de respect de la personne», a déclaré le ministre de la Santé et des Services sociaux.
Depuis l’entrée en vigueur, en 2015, de la Loi concernant les soins de fin de vie, le nombre d’aides médicales à mourir administrées n’a cessé de croître. Entre le 10 décembre 2015 et le 31 mars 2021, quelque 7000 personnes ont reçu l’aide médicale à mourir au Québec.
Maisons de soins palliatifs
«Ce projet de loi contient une très mauvaise surprise», a réagi Vivre dans la dignité, une association opposée à l’aide médicale à mourir. Le groupe qui se définit comme un réseau citoyen sans affiliation religieuse ou politique n’en revient pas de découvrir dans le projet de loi 38 une disposition obligeant les maisons de soins palliatifs à offrir l’aide médicale à mourir.
«Nous sommes particulièrement navrés de constater que le gouvernement du Québec cède aux demandes des groupes et individus les plus militants en faveur d’un élargissement tous azimuts de l’aide médicale à mourir en levant la protection de conscience dont bénéficiaient les équipes soignantes des maisons de soins palliatifs depuis l’adoption de la loi provinciale en 2015», a déclaré l’organisme dans un communiqué.
L’organisme demande aussi aux députés de refuser «d’adopter en trois petites semaines un projet de loi d’une telle magnitude». Puisqu’il concerne de graves enjeux éthiques, «une telle précipitation n’est aucunement justifiée».
De son côté, l’Alliance des maisons de soins palliatifs du Québec s’est dite surprise et surtout désolée d’apprendre, par les médias, qu’un article du projet de loi 38 obligerait «toutes les maisons de soins palliatifs à donner accès à l’aide médicale à mourir en leurs murs».
L’association rappelle que le Québec compte 35 maisons de soins palliatifs pour adultes. Vingt-et-une d’entre elles «donnent déjà accès à l’aide médicale à mourir et 5 sont en réflexion avec leur équipe afin de valider comment potentiellement intégrer ce soin particulier dans leur gamme de services». Seules neuf maisons «continuent pour l’instant de choisir le statu quo».
«Il est très mal avisé de contraindre et bousculer ces petits organismes, à écosystème fragile faut-il le rappeler, à
intégrer ce soin si particulier dans leur pratique, autant pour les soignants que pour les patients eux-mêmes», déclare l’Alliance des maisons de soins palliatifs du Québec
Retrait d’un article
Le 25 mai, le ministre Dubé a annoncé que son projet de loi permettrait aux «personnes atteintes d’un handicap neuromoteur grave et incurable» de recourir à l’aide médicale à mourir. Plusieurs députés ont ensuite dit être surpris par l’article
Le lendemain, lors d’un point de presse, il a déclaré avoir bien «entendu les [réactions des] oppositions depuis hier» devant cet élargissement. Soucieux «d’avoir un projet de loi qui rassemble tout le monde», le ministre a décidé de retirer l’article sur le handicap neuromoteur. Refusant de «prendre le risque de faire déraper ce projet de loi avec ce point-là», le ministre Christian Dubé a promis de «[revenir] avec ça lorsque les parlementaires, les Québécois seront prêts».