Médecin de famille, astrophysicien, ingénieur et astronaute, David Saint-Jacques reconnaît avoir d’abord été «un enfant plein de rêves» qui a grandi dans «une famille de voyageurs», toujours en mouvement et à l’affut de découvertes de toutes sortes. C’est au sein de cet environnement familial qu’il a pris la décision «que j’allais consacrer ma vie à comprendre le monde autour de moi».
Après avoir fait 3 264 fois le tour de la Terre et parcouru 139 096 495 kilomètres à bord de la Station spatiale internationale entre le 3 décembre 2018 et le 24 juin 2019, l’homme de 53 ans révèle aujourd’hui que «l’aventure et l’amour» ont été au cœur même de son parcours.
«Tout ce que j’ai fait dans ma vie est lié à ces deux thèmes.» L’amour et l’aventure l’ont entraîné à «devenir un explorateur, un scientifique et un père de famille», a confié l’astronaute le 18 mai 2023 à la centaine de participants réunis au Grand Déjeuner de la prière.
Cette initiative annuelle, lancée en 1976 par le maire Jean Drapeau et l’homme d’affaires J-Robert Ouimet, accueille le témoignage d’une personnalité publique. Les propos du conférencier sont précédés par une messe ainsi que par des moments de prière et de silence. L’an dernier, c’est l’évêque auxiliaire Alain Faubert qui a expliqué que Dieu, qu’il soit ou non reconnu, «s’insère dans la trame du monde». En 2021, l’entrepreneur Robert Dutton a raconté comment et combien le silence et la prière ont joué de grands rôles dans sa vie.
Science et religion
David Saint-Jacques, ce matin, a déclaré qu’il a mis du «temps à réconcilier la science et la religion». Comme beaucoup de Québécois de son âge, il a connu les derniers moments de l’éducation religieuse à l’école. Mais, alors qu’il était chercheur en astrophysique, il a travaillé durant tout un été à l’Observatoire astronomique du Vatican. C’est là, au contact du directeur de l’Observatoire, le jésuite George Vincent Coyne (1933-2020), «un cosmologiste et un spécialiste de la théorie du Big Bang», que c’est «devenu évident qu’il n’y a pas de conflit» entre science et religion.
«Father Coyne me disait : ‘’Je n’ai aucun doute que c’est Dieu qui a créé l’Univers. J’essaie seulement, comme astrophysicien, de comprendre exactement comment il a fait’’.»
«J’avais ma réponse», dit David Saint-Jacques. «On est devant deux questions différentes. La première, c’est… Comment? L’autre… Pourquoi? La science ne dira jamais pourquoi, parce que c’est du domaine de la spiritualité», avance le scientifique.
Il reconnaît volontiers que «dans notre vie quotidienne, on cherche le comment». Mais c’est assurément «dans la paix intérieure et dans le silence» qu’on peut enfin réfléchir «au pourquoi et au sens».
Prier dans l’espace
À la question d’un participant qui lui demandait s’il avait prié durant son périple de 203 jours dans l’espace, l’astronaute a expliqué que sa mission l’a obligé à vivre en huis-clos, «comme si on vivait dans son bureau durant six mois» et toujours en action. «On avait une demi-journée par semaine en temps libre.» Ce temps, il le passait, raconte-t-il, au téléphone avec sa famille. Mais aussi à la coupole d’observation panoramique «à regarder la Terre». C’est là, «au milieu d’absolument nulle part», que surgissent des «questions philosophiques et spirituelles».
«Pourquoi y a-t-il des êtres humains dans l’Univers? Quel est le sens de cette vie?», s’est-il demandé.
Puis, alors que devant lui, il n’y a que «le noir, impénétrable», il distingue enfin la Terre, minuscule, «ce miracle qui compte tout ce que l’on connaît, tout ce que l’on aime».
«Je ne pourrai jamais oublier cette perspective», a confié ce docteur en astrophysique et en médecine. «Elle m’a rempli d’amour pour la planète et pour les êtres humains.» Et elle lui a permis de vivre des moments de «contemplation intense».
David Saint-Jacques a dit aux participants à l’édition 2023 du Grand Déjeuner de la prière que, depuis son retour sur Terre, il entend dorénavant saisir toutes les occasions pour «retrouver ce même état contemplatif où je me permets de ne me poser que des questions importantes».