La Cour suprême du Canada entendra la contestation de la Loi sur la laïcité de l’État, aussi connue sous le nom de projet de loi 21.
C’est ce que vient d’annoncer le plus haut tribunal du pays. «Les demandes d’autorisation d’appel et la demande d’autorisation d’appel incident de l’arrêt de la Cour d’appel du Québec sont accueillies avec dépens suivant l’issue de la cause», indique brièvement la Cour suprême qui, selon l’habitude, ne justifie pas ses décisions.
«Nous sommes heureux d’avoir obtenu l’autorisation d’intervenir dans la contestation du projet de loi 21 devant la Cour suprême du Canada», ont déclaré ce matin les dirigeants de l’Association canadienne des libertés civiles (ACLC), un des nombreux groupes à contester la constitutionnalité de la Loi sur la laïcité de l’État.
«Adopté en 2019, le projet de loi 21 viole les droits et libertés en interdisant le port de symboles religieux — notamment les hijabs, les turbans, les kippas et les croix — aux personnes du Québec qui travaillent ou qui aspirent à travailler au sein de la fonction publique.»
«Nous sommes impatients de faire valoir que le projet de loi 21 est une loi inconstitutionnelle qui nuit à des personnes déjà marginalisées et qui n’a pas sa place dans la société canadienne», ont-ils ajouté.
Minorités religieuses
«Nous ne cesserons de nous battre tant que le projet de loi 21 ne sera pas abrogé», a déclaré le Conseil national des musulmans canadiens (CNMC).
En conférence de presse, le président directeur-général du CNMC Stephen Brown a rappelé que la Loi sur la laïcité de l’État «est une loi électoraliste conçue pour exploiter les sentiments d’angoisse envers les minorités religieuses, et tout particulièrement les femmes musulmanes portant le voile». Cette loi «divise la société» et a été adoptée «dans le but explicite de retirer des droits à des minorités impopulaires».
Plus grave encore, cette loi, qui fait appel à la disposition de dérogation de la Constitution canadienne — nommée aussi «clause dérogatoire» ou «clause nonobstant» —, a montré aux politiciens de tout le pays «qu’ils pouvaient retirer nos droits et libertés les plus fondamentaux et que supposément nous ne pouvions rien faire», a déclaré Stephen Brown.
En utilisant la clause dérogatoire afin de «priver certains Canadiens de leurs droits», le gouvernement de la CAQ «a libéré le génie de l’autoritarisme juridique de la bouteille».
D’autres gouvernements provinciaux ont depuis «envisagé d’utiliser la clause dérogatoire pour retirer des droits ou encore imposer des conventions collectives à des travailleurs».
«Ce qui était censé n’être qu’un pouvoir à utiliser de manière extraordinaire est devenu la norme», a aussi déploré Stephen Brown du CNMC.
Se battre jusqu’au bout
«Nous prenons acte de la décision de la Cour suprême, ont déclaré Simon Jolin-Barrette et Jean-François Roberge, respectivement ministre de la Justice et ministre responsable de la Laïcité.
«Chose certaine, le gouvernement du Québec se battra jusqu’au bout pour défendre la Loi sur la laïcité de l’État.»
«Les Québécois ont fait le choix de la laïcité; un choix collectif légitime qui représente l’aboutissement de décennies de débats. Il est primordial, voire vital, pour le Québec de pouvoir faire ses propres choix, des choix qui correspondent à notre histoire, à nos valeurs sociales distinctes et aux aspirations de notre nation.»
Les deux ministres répètent que la laïcité est «une valeur fondamentale pour le vivre-ensemble et un vecteur de progrès social».