NDLR: ce texte remplace une version précédente, laquelle était destinée à un segment radiophonique.
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En 325, sur le site de l’actuelle basilique Sainte-Sophie à Iznik (Turquie), les grands chefs métropolitains des Églises se sont entendus sur le Credo lors du concile de Nicée. Cette année, le pape François prévoit de participer au 1700e anniversaire de cet événement aux côtés du patriarche Bartholomée: une étape de plus vers l’unité des chrétiens.
Au début du IVe siècle, un débat s’installe puis enflamme le monde chrétien : Jésus était-il Dieu et homme, ou homme seulement ? La discorde était telle qu’en 324, l’empereur Constantin repousse sa tournée dans l’Empire romain d’Orient pour remédier à cette division interne. Il convoque ainsi un concile à Nicée au printemps 325.
Mettre fin au fléau des dissensions
Si diverses dissensions agitent déjà le monde chrétien, ce débat sur la nature de Jésus commence avec Arius, curé de la paroisse Baucalis, dans le port d’Alexandrie. Selon lui, Jésus est bien le fils de Dieu, mais il a été créé par Dieu à un moment précis et n’est qu’un homme. Cette vision s’oppose à celle qui considère le Christ à la fois vrai Dieu et vrai homme, médiateur du salut. Des rencontres (dont un synode vers 320 lors duquel Arius est excommunié) tentent de résoudre le conflit, sans succès. L’arianisme, né à Alexandrie, se répand alors dans la chrétienté.
Alors que la liberté de culte était toute récente (depuis 313 seulement), près de 300 évêques – mais aussi des prêtres, des diacres, des laïques et peut-être mêmes des païens, en plus d’Arius lui-même – se rendent au palais impérial de Nicée à l’invitation de l’empereur pour le premier concile œcuménique de l’histoire. L’objectif : trancher sur plusieurs questions d’importance, la première étant le statut divin (ou non) de Jésus. Le pape Sylvestre ne fait pas le voyage, envoyant plutôt un représentant, et Constantin ouvre donc le concile avec une allocution dans laquelle il décrit son espoir de voir disparaître les dissensions qui empêchent la concorde et la paix. S’ensuivent plusieurs séances pendant près d’un mois, où diverses questions, en premier lieu l’arianisme, sont débattues.
Un Dieu et un Credo pour tous les chrétiens
Nous croyons en un seul Dieu Père tout-puissant, créateur de toutes les choses visibles et invisibles.
Et en un seul Seigneur Jésus-Christ, Fils unique de Dieu […].
Les représentants des Églises présents au concile de Nicée y définissent finalement la nature divine du Christ (l’orthodoxie) face à l’arianisme et à d’autres théories diverses (les hérésies). Se basant sur le langage de la Bible, ils s’accordent ensemble sur une formule de foi universelle, le Credo. Le Credo dit «de Nicée-Constantinople» (à cause d’adaptations lors d’un autre concile en 381) est celui qui est encore récité aujourd’hui. Le fait que Dieu est Père, Fils et Esprit saint – un seul Dieu en trois personnes – est accepté par tous ceux présents au concile, sauf Arius et deux évêques qui sont excommuniés et exilés. Cette quasi-unanimité doit toutefois être nuancée : quelques évêques s’opposant à la formule se seraient joints à la majorité par peur des représailles de l’empereur.
En plus de déterminer la nature hérétique de l’arianisme, le concile de Nicée règle un certain nombre d’autres questions (notamment sur la liturgie et le clergé) par 20 canons. Par exemple, un canon règle la date à laquelle célébrer Pâques afin que la célébration soit commune, alors que d’autres parlent du célibat des prêtres ou encore de la primauté de certains sièges épiscopaux.
De Nicée à l’ensemble de l’Empire romain
En plus d’avoir convoqué le concile, Constantin permet aussi l’application des décisions à l’ensemble des chrétiens de son empire, ce qu’aurait pu difficilement faire le pape à l’époque. Si les décisions prises à Nicée sont approuvées par le siège apostolique romain, les canons sont quant à eux promulgués comme lois de l’empire par l’empereur, assurant leur diffusion à grande échelle. Les décisions sont également reçues et appliquées chez les chrétiens à l’extérieur de l’Empire romain, d’où provenaient certains évêques.
Il reste que le concile ne règle pas tout. Des tensions internes vont perdurer et Constantin lui-même va pencher vers des positions proches de l’arianisme à la fin de sa vie. La crise sera cependant en voie d’être résolue au concile de Constantinople en 381.
« Nous croyons » : plus d’unité pour le Jubilé 2025
Le 1700e anniversaire du concile de Nicée tombe pendant le Jubilé ordinaire de 2025, ce que le pape François n’a pas manqué de souligner dans sa bulle d’indiction, tout comme le fait que cette année, Pâques tombe le même jour dans les calendriers julien et grégorien, de sorte que les Églises orthodoxes et chrétiennes célèbreront la résurrection le même jour. Autant de coïncidences qui rappellent et appellent à l’unité des chrétiens.
« L’Année Jubilaire pourrait être une occasion importante pour concrétiser cette forme synodale que la communauté chrétienne perçoit aujourd’hui comme une expression de plus en plus nécessaire pour mieux répondre à l’urgence de l’évangélisation », souligne François dans Spes non confundit. Il y nomme aussi son espoir que « Nicée représente aussi une invitation à toutes les Églises et communautés ecclésiales à poursuivre le chemin vers l’unité visible ».
Sources:
- Le pape met le 1700e anniversaire du Concile de Nicée à son agenda
- Spes non confundit, Bulle d’indiction du Jubilé ordinaire de l’année 2025
- Les 1700 ans du Concile de Nicée à l’origine du Credo – 14 janvier 2025 — Diocèse de Carcassonne & Narbonne
- Yves Chiron, Histoire des conciles, Perrin, 2011.
- Ignacio Ortiz de Urbina, Nicée et Constantinople, 324 et 381, Fayard, 2006.