À quelques jours de la Marche nationale pour la vie qui aura lieu à Ottawa le 9 mai, plusieurs évêques affichent leur malaise devant le fait que le principal organisateur québécois de la marche venait d’accuser publiquement le pape d’hérésie.
« J’avais l’habitude d’envoyer un chèque à Campagne Québec-Vie chaque année. Mais là, c’est bien fini. »
Mgr Noël Simard, le président de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec, ne mâchait pas ses mots le 6 mai au sujet de la fronde anti-François à laquelle prend part cet organisateur, président de Campagne Québec-Vie. L’évêque de Valleyfield a toutefois précisé que sa réaction n’engageait que lui.
« Attaquer ainsi le pape François, c’est aller beaucoup trop loin », a-t-il réagi à la lecture de cette longue lettre signée par 19 catholiques de différents pays. Un seul Canadien a initialement apposé sa signature au bas de cette lettre. Il s’agit de Georges Buscemi, qui préside depuis 2009 l’organisme Campagne Québec-Vie (CQV).
M. Buscemi et les autres signataires, dont des théologiens et des religieux, demandent aux évêques et aux cardinaux d’« accuser le pape François du délit canonique d’hérésie », de « prendre les mesures nécessaires pour réagir à la situation grave d’un pape hérétique » et d’« exhorter publiquement le pape François à abjurer les hérésies qu’il a professées ».
Vendredi, la Conférence des évêques catholiques du Canada a acheminé aux médias une invitation à participer à la Marche nationale pour la vie, qui se tiendra à Ottawa le jeudi 9 mai. Le lien Internet proposé par la conférence épiscopale pour cette manifestation conduisait directement au site Web de CQV où le président de l’organisme, Georges Buscemi, invitait les internautes à « défendre sans honte le droit à la vie pour tous les êtres humains » lors de cette manifestation sur la colline parlementaire.
Malaise chez les catholiques
« Tout cette situation est bien délicate », estime Mgr Simard, l’évêque de Valleyfield, qui a régulièrement participé à cette marche à titre d’aumônier des Chevaliers de Colomb. Jeudi, il sera présent à Ottawa pour une réunion, mais il ne participera pas à cette Marche nationale pour la vie. Un archevêque (Terrence Prendergast, Ottawa) et un cardinal (Thomas Collins, Toronto) doivent toutefois y prendre la parole, ont annoncé les organisateurs.
« La Marche a sa raison d’être, il n’y a pas de doute », précise Mgr Simard. « Le problème, c’est quand l’un des organisateurs prend des positions inacceptables, dans ce cas-ci par rapport au pape. C’est certain que cela rend l’allégeance plus difficile », dit-il.
Il indique qu’il a reçu depuis vendredi des interrogations de prêtres de son propre diocèse au sujet de cette lettre signée par Georges Buscemi. Ils lui demandent de réagir au fait que ce dernier soit l’organisateur québécois de la Marche nationale pour la vie.
« Il faut nuancer », prévient-il toutefois. « On ne doit pas tout rejeter à cause d’une prise de position avec laquelle nous ne sommes pas d’accord ».
Réactions à Montréal et Québec
Le dimanche 5 mai à l’occasion de la commémoration chrétienne de la Shoah à la cathédrale anglicane Christ Church, l’archevêque catholique de Montréal, Mgr Christian Lépine, a légèrement grimacé lorsque questionné au sujet des positions de M. Buscemi.
« L’idée du respect de la vie, ou de promouvoir la vie: des athées le font, des juifs le font, des chrétiens le font… Alors je garde le focus là-dessus », a-t-il dit, laissant entendre que des gens aux idées différentes peuvent s’engager pour une même cause. « L’appel au respect de la vie est au-delà de ça. »
« Le cardinal Lacroix ne souhaite pas commenter cette lettre ouverte », a indiqué le 6 mai Jasmin Lemieux-Lefebvre, directeur des communications de l’archidiocèse de Québec.
Vendredi, après avoir constaté que le site Web de l’archidiocèse de Québec invitait les catholiques à participer à la Marche nationale pour la vie en donnant les coordonnées de Campagne Québec-Vie, une demande a rapidement été acheminée au cardinal Gérald Lacroix afin de connaître sa réaction devant les accusations que lançait M. Buscemi.
« Nous tenons à partager notre profonde déception que le président du principal organisme québécois soutenant la Marche puisse même avoir songé appuyer une lettre accusant d’hérésies le pape François », indique le porte-parole de l’archevêque de Québec qui ajoute que le cardinal ne participera pas cette année à la Marche nationale pour la vie.
M. Lemieux-Lefebvre dit avoir contacté personnellement Georges Buscemi « pour lui faire part qu’en signant cette lettre, il mettait en danger la crédibilité de la Marche nationale pour la vie ».
« Les quelques dizaines de personnes qui profitent du transport de Québec pour participer à la Marche nationale pour la vie n’ont rien à voir avec ce manque flagrant de discernement. Ils apprécient que le stationnement de nos Services diocésains puisse servir comme un lieu de départ central pour Ottawa », indique-t-on
« Nous croyons toujours à l’importance de témoigner publiquement de la dignité de la vie humaine, de la conception jusqu’à la mort naturelle, mais soyons clairs, nous ne voulons pas être associés à quiconque accuse injustement le Saint-Père », a fait savoir le porte-parole du cardinal Lacroix. « Notre communion avec le pape François est entière. »
La Conférence des évêques catholiques du Canada n’avait toujours commenté cette affaire au moment de publier ces lignes.
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