Les fondateurs de Ville-Marie, à leur arrivée le 17 mai 1642, n’ont pas d’abord érigé des fortifications mais ont plutôt «commencé par la messe et un temps d’adoration», a rappelé au matin du 17 mai 2023 l’archevêque Christian Lépine lors d’une cérémonie officielle tenue dans la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours.
L’archevêque de Montréal y présidait, exactement 381 ans plus tard, l’ouverture d’un nouveau procès diocésain ainsi que la première session publique de l’enquête canonique concernant la cause de canonisation de la recluse Jeanne Le Ber (1662-1714). Mgr Lépine souhaite que cette Montréalaise soit bientôt reconnue comme vénérable dans l’Église catholique.
Cette enquête canonique s’avère «un moment important qui nous plonge dans nos racines, celles de Ville-Marie, devenue depuis Montréal, et celles de la Nouvelle-France», a-t-il indiqué. Quelque 75 personnes étaient présentes dans cette chapelle du Vieux-Montréal où reposent les restes de Jeanne Le Ber.
L’archevêque a rappelé que cette femme fait partie de cette «constellation de sainteté» qui a connu les premiers moments de la colonie. Née à Ville-Marie en 1662, soit vingt ans après sa fondation, Jeanne Le Ber a eu comme marraine et parrain Jeanne Mance et Paul de Chomedey de Maisonneuve, les cofondateurs de la ville. «Déjà, elle est en bonne compagnie», lance Mgr Christian Lépine durant son homélie.
Jeanne Le Ber a donc bien connu Jeanne Mance – son parrain, lui, a quitté Ville-Marie en 1665 – et elle fut l’amie de Marguerite Bourgeoys, la fondatrice de la Congrégation de Notre-Dame. En évoquant ces noms, a dit l’archevêque, nous touchons à l’origine même de Montréal, dont on célèbre aujourd’hui l’anniversaire, une «origine à la fois humaine et profondément spirituelle».
Il fait aussi remarquer que ce sont des jeunes qui ont fondé la ville que l’on connaît aujourd’hui. À 18 ans, Jeanne Le Ber choisit de vivre comme recluse dans la maison familiale, elle qui est pourtant alors reconnue comme «la plus riche fille du Canada», selon les mots de la romancière et journaliste Laure Conan, une auteure que l’archevêque a citée dans son homélie.
«Animée par une soif incroyable de Dieu», Jeanne Le Ber baigne dans l’«atmosphère missionnaire» de Montréal et renonce à toute vie mondaine. «Elle a grandi dans cette atmosphère, cela l’a habitée et cela l’a nourrie» jusqu’à son décès de pneumonie en 1714, à l’âge de 52 ans.
Procès diocésain
Georges Bellemare, le vice-postulateur de cette cause, a indiqué que les travaux du tribunal diocésain «seront acheminés à Rome au dicastère pour la cause des saints qui recommandera, ou non, au pape François l’accession de Jeanne Le Ber au titre de vénérable, première étape vers la canonisation».
Un élément n’a toutefois jamais été mentionné durant la cérémonie. Il s’agit du second procès diocésain à être institué pour la cause de Jeanne Le Ber.
En octobre 2015, «une cérémonie semblable a eu lieu à la chapelle Notre-Dame du Sacré-Cœur de la basilique Notre-Dame», avaient rappelé, un peu avant la cérémonie d’aujourd’hui, les Recluses missionnaires, une communauté contemplative qui s’inspire de Jeanne Le Ber. Elles alléguaient qu’«un vice de procédure» — ou une «procédure juridique qui n’a pas été respectée dans son entièreté» — serait survenu pendant le procès canonique qui a suivi l’ouverture de la cause en 2015.
Interrogé après la cérémonie, l’archevêque Lépine explique «qu’il y avait des ajustements à faire pour relancer la cause, en tenant davantage compte, à la perfection même, des règles en vigueur aujourd’hui».
C’est que dorénavant, ajoute-t-il, les personnes qui œuvrent à la canonisation ne peuvent pas être présentes lorsque des gens vont témoigner de la sainteté d’une personne. «Anciennement, elles le pouvaient. Mais des règles récentes ont modifié cela. Alors, aussi bien relancer cela maintenant pour éviter de se retrouver à la fin du processus en se faisant dire qu’on a manqué un élément au début ou qu’on n’a pas suivi les nouvelles règles.»
Présence française
Une dizaine de membres de la famille de Jeanne Le Ber étaient présents à la cérémonie. Venus de France, ces cousins et ces cousines par filiation de Jeanne Le Moyne, la maman de celle qui est reconnue comme la toute première recluse de Montréal, ont déposé des fleurs à l’endroit où se trouvent les restes de leur ancêtre.
Mary-Ange Hurstel, née Le Moyne de Martigny, va même témoigner cette semaine devant le tribunal canonique qui va entendre la cause de Jeanne Le Ber.
«Je vais mentionner des éléments qui me touchent et m’impressionnent dans son message», dit-elle. «D’abord combien elle était jeune, comme l’a rappelé Mgr Lépine, lorsqu’elle est entrée en réclusion, en silence. Elle était une petite fille très joyeuse.»
«Puis il y a le fait qu’elle n’a laissé aucun écrit. Je dirais que ses écrits, ce sont ses broderies. Enfin, il y a son rapport à l’eucharistie. Cela me touche particulièrement parce que depuis vingt ans, à Paris, j’accompagne des enfants dans leur préparation à la première communion. Même que lundi dernier, je leur ai parlé de Jeanne Le Ber», ajoute-elle.
«Je souhaite que Jeanne Le Ber m’accompagne dans ma propre mission.»