«Ce fut une surprise. Tout un choc même.» Voilà comment le père Michel Proulx, le prieur des Prémontrés, a réagi lorsqu’il a reçu, le lundi 16 octobre 2023, un appel du nonce apostolique au Canada. L’archevêque Ivan Jurkovic lui annonçait que le pape François voulait lui confier le siège du diocèse de Bathurst.
C’est samedi matin, près de deux semaines après l’appel du nonce, que le Vatican a officiellement annoncé la nomination du religieux de Saint-Constant, un bibliste et un docteur en théologie, à la tête de ce diocèse du Nouveau-Brunswick.
Qu’il soit d’abord nommé évêque fut une première surprise pour ce religieux associé depuis longtemps au diocèse de Saint-Jean-Longueuil, là où se trouve le seul monastère des Prémontrés au Canada.
C’est qu’il est, depuis 15 ans, le prieur des Prémontrés du Canada, un ordre religieux présent au Québec depuis 1949.
L’été dernier, au terme de son mandat à la direction de son ordre, il a été nommé de nouveau prieur. «Mes frères m’ont réélu pour un mandat ad vitam», dit-il. On voulait – et c’est ainsi qu’il envisageait lui aussi son avenir – que le prieur, un des plus jeunes de l’ordre (61 ans), soit en poste jusqu’à l’âge de 75 ans.
«Je me voyais bien vieillir au service de mes frères d’ici», confie-t-il lors d’une entrevue téléphonique. L’ordre des Prémontrés ne compte plus que six frères et pères au Canada.
«Donc, je ne vivrai plus avec eux», a-t-il dû leur annoncer samedi. «C’est bouleversant pour mes frères qui perdent leur pasteur. Ils me soutiennent bien sûr mais tout de même c’est un sacrifice. Et c’est aussi un deuil pour moi de les quitter.»
En Acadie
La deuxième surprise qu’a eue le père Proulx, c’est d’apprendre que le pape le nomme à Bathurst, un diocèse du Nouveau-Brunswick dont le siège épiscopal est vacant depuis une année, soit depuis le départ de l’évêque Daniel Jodoin, nommé en octobre 2022 évêque de Nicolet, au Québec.
Le futur évêque connaît fort peu l’Acadie. «J’y ai prêché des retraites», rappelle-t-il. «Mais je suis frappé par la résilience du peuple acadien», avoue-t-il. «Ce sont des gens très courageux.»
«C’est pourquoi je me trouve très privilégié d’aller là-bas», ajoute-t-il.
Dans trois semaines, il s’y rendra afin de rencontrer les prêtres du diocèse de Bathurst ainsi que le personnel diocésain. La date de son ordination épiscopale n’a pas encore été décidée mais le nouvel évêque croit qu’elle aura lieu en janvier. C’est aussi durant ce mois qu’il emménagera à Bathurst.
Une Église dépouillée
En plus d’être prieur des Prémontrés, le père Proulx a été président de la Conférence religieuse canadienne, le regroupement des supérieurs de tous les ordres, instituts et communautés du pays. Il anime aussi depuis plusieurs années une émission biblique à Radio VM, autrefois Radio Ville-Marie. Cette saison, il dirige l’émission Le déroulement du livre.
Il est aussi l’auteur de plusieurs livres, dont Au banquet du Royaume, Prier l’évangile de Matthieu et Témoigner de Dieu aujourd’hui, Pour un nouvel élan missionnaire, deux titres publiés chez Médiaspaul.
En 2020, il a fait paraître un bouquin sur l’évangile de Marc intitulé Entre puissance et dépouillement (toujours chez Médiaspaul).
Présence a demandé au père Michel Proulx si ce titre pourrait définir l’Église actuelle.
À la lecture de l’évangile de Marc, explique le bibliste, on peut constater que «les disciples cherchent de la puissance et de la gloire auprès de Jésus». Jésus, de son côté, «adopte la position de serviteur».
«Il y a peut-être encore des gens qui rêvent de grandeur, qui rêvent d’une Église puissante. La réalité, c’est qu’aujourd’hui l’Église est dépouillée et fragilisée.»
«Et ce n’est peut-être pas un drame», admet-il. «On rejoint ainsi les positions que Jésus a prises volontairement.»
Dans son livre, il présente notamment l’arrivée de Jésus à Jérusalem, cet épisode où celui que la population attend comme messie se présente à dos d’âne. «Jésus exprime alors le type de messie qu’il veut être. Un serviteur dépouillé, désarmé et non-violent.».
L’Église doit adopter cette posture. Elle rejoint les convictions profondes du futur évêque. «C’est un serviteur humble que je veux être auprès des diocésains et des diocésaines.» Et c’est dans «l’humilité et le service» que le nouvel évêque de Bathurst entend annoncer «la lumière de l’Évangile».