Depuis 2021, l’ancienne église Saint-Victor, située dans le quartier Mercier-Est à Montréal, est utilisée par l’organisme PAS de la rue. Celui-ci propose plusieurs services d’accompagnement dans son centre de jour ainsi qu’un hébergement à prix modique aux personnes de 55 ans et plus sans domicile fixe ou en situation de grande précarité.
Établi au quart des revenus du bénéficiaire, les logements offerts par l’organisme sont principalement des 3 1/2 assez ouverts. Les 40 logements situés à proximité de l’ancien lieu de culte sont des constructions récentes. Des studios sont aussi disponibles dans le lot.
Cette opportunité d’habitation a sauvé Benoît, un des premiers résidents de l’installation. Après une rupture de la névrite cérébrale qui l’a mis en arrêt de travail, il était « à un pas de la rue », explique-t-il. Il habitait une chambre peu sécuritaire et à peine plus grande que sa cuisine actuelle. Le tout lui incombait à près de la moitié du revenu généré par les rentes d’invalidité.
Depuis son installation au PAS de la rue, Benoît peut se consacrer à sa passion pour la peinture sans crainte de se retrouver sans logement. Il réalise désormais des copies de toiles de Marc Chagall et Claude Monet, en plus de créations originales qu’il arrive à vendre pour un petit profit supplémentaire.
Un accompagnement continu
Ce qui fait vraiment la différence avec les autres organismes de ce genre, selon Douglas, qui occupait depuis huit mois l’établissement au moment de sa rencontre avec Présence, c’est l’accompagnement offert aux résidents.
« Un problème que j’ai avec les groupes en général c’est qu’ils te sortent de la rue et après ils t’abandonnent », explique-t-il. Pour l’homme d’origine jamaïcaine, qui a été en situation d’itinérance par intermittence de nombreuses fois au cours de sa vie, il est essentiel d’accorder un suivi lors de l’hébergement. « [Les anciens itinérants] ne savent pas s’occuper d’eux-mêmes, mais ici, le personnel s’assure qu’ils mangent bien et se lavent régulièrement. Plus d’endroits devraient s’en inspirer ».
En plus des logements, le centre de jour de PAS de la rue, établi directement dans la vieille église, offre aux résidents et à tout intéressé des repas gratuits pour le déjeuner et le diner. Situé dans un « désert alimentaire », ce service n’est cependant « qu’une porte d’entrée », explique Luis-Carlos Cuasquer, directeur général de l’organisme.
À partir de ce premier contact, les gens dans le besoin se sentent plus aptes à parler de leurs manques aux agents du centre qui peuvent y répondre par exemple par un accompagnement psychosocial.
La bataille contre la solitude est un autre des défis de l’organisme. « 98 % des personnes qui viennent nous voir sont seuls », note M. Cuasquer. Le centre de jour offre diverses activités pour remédier à ce problème. Entre autres, des événements intergénérationnels, des sorties de groupe au cinéma pour 3 $ les mardis, puis les repas qui sont une occasion de socialisation., « Quand tu vas manger là tous les jours, tu commences à connaître les gens, ça lutte contre l’isolement », confie Benoît.
S’installer dans un ancien lieu de culte
Au centre de jour, 25 % du patrimoine architectural de l’église Saint-Victor a été conservé pour l’intérieur. Ce sont entre autres, les planchers, les colonnes et une partie de la nef qui témoignent de l’historique du bâtiment. Pour ce qui est de la façade extérieure, il est encore bien évident qu’il s’agissait autrefois d’un lieu de prière.
L’idée d’occuper l’ancienne chapelle a été proposée par le Groupe CDH, une entreprise d’économie sociale. Le plan a rapidement été adopté, PAS de la rue jugeant qu’un endroit de la sorte serait parfait pour ses activités. « On a vu une opportunité de continuer la mission et de donner des services sans parler de religion », résume son directeur.
L’installation dans l’église n’a pas été sans embuches. En plus d’une décontamination coûteuse des sols, l’acoustique a créé quelques problèmes. Les églises ne sont pas construites pour que plusieurs personnes parlent en même temps. « Quand c’était inhabité, tout allait bien, mais après il y a eu une difficulté au niveau sonore, on s’entendait très, très mal », explique M. Casquer. Le problème d’acoustique est désormais résolu à 70 % ou 80 %, estime-t-il, mais il manque des fonds pour régler le problème en totalité.
Somme toute, le directeur juge que son projet a été bien accueilli par la population du quartier et les bénéficiaires. Il note que les gens du coin ont un attachement à l’église, soit parce qu’ils y ont été mariés ou que leurs parents y ont fait leur première communion, et se réjouissent de voir le bâtiment préservé et mis à profit.
C’est un ressenti que partagent les résidents que nous avons rencontrés. « Au moins elles vont servir à quelque chose, ces églises », lance Benoît. « Ce que ces gens font est semblable à ce que les églises font. Aider les pauvres c’est ce que le Père veut que nous fassions », commente quant à lui Douglas.
Cette continuité avec la mission de l’Église, c’est un point positif que note l’abbé François Baril, un prêtre du secteur, même si « fermer une église, ça crève toujours le cœur ». Vu la baisse du nombre de fidèles, et « malgré l’arrivée de communautés culturelles qui aide un peu, les fermetures deviennent obligatoires », remarque-t-il tristement. Il s’agit de la deuxième église à être vendue sur les cinq qu’il y avait dans le quartier.
Selon l’abbé Baril, le fait de maintenir l’apparence de l’ancienne église contribue à rendre la transition moins douloureuse. « Le patrimoine ce n’est pas seulement la beauté d’un édifice, mais aussi la signification du lieu. Il y a eu à Saint-Victor 90 ans de vie communautaire intense, il faut garder un témoin de cela. »







































