Le 18 juin 2015, le pape François publiait l’encyclique Laudato si’ sur la «sauvegarde de la maison commune», une longue lettre dans laquelle il appelait «toute la famille humaine» à s’unir dans la «recherche d’un développement durable et intégral». Dix ans après sa publication, Présence propose un dossier visant à rappeler l’actualité de ce grand document. Après avoir fait un rappel de certaines orientations théologiques de l’encyclique dans le premier texte, la suite du dossier vise à souligner des engagements inspirés de Laudato si’. Après des portraits d’initiatives à l’échelle nationale et à l’échelle régionale, ce dernier article du dossier s’intéresse à des témoignages de personnes qui ont été influencées dans leur vie et leurs pratiques écoresponsables par Laudato si’.
Benoit et la terre familiale écoresponsable
Dans sa jeunesse, Benoit Lacroix Vachon voulait être fermier. L’appel de la terre résidait en lui. Cependant, d’autres facteurs, comme la charge de travail intense demandée par l’agriculture ainsi que son attrait pour les mathématiques et la physique l’ont amené à un emploi dans le secteur du génie civil. Néanmoins, ses tâches professionnelles le conduisent également à s’occuper de l’environnement.

Benoit fait des choix de vie tous les jours pour aider notre planète. Parmi eux, il utilise un vélo pour se rendre au travail et la famille mange des aliments biologiques autant que possible. Elle se limite à une consommation qui reflète ses valeurs, sans pour autant que ce soit de la simplicité volontaire. La famille a des poules à la maison, en pleine communauté urbaine, et a dû militer pour sa cause au conseil municipal. La transmission des valeurs environnementales apparaît prioritaire pour Benoit. En plus d’être père de trois enfants, il fait partie du 75e Groupe Scouts catholique Saint-François, nommé en l’honneur du saint à qui la Création importait tant.
Benoit et son épouse Céline possèdent une terre dans la municipalité régionale de comté (MRC) de Drummondville, depuis trois ans, en copropriété avec de la famille proche. Ils ont comme but de devenir autosuffisants dans plusieurs types de productions. Ils cultivent entre autres du miel, du sirop d’érable et de l’ail. Le terrain les approvisionne déjà en bois de chauffage pour l’hiver.
Le respect de la nature est important pour Benoit. Le contenu de Laudato si’ ne l’a donc pas surpris et ne l’a pas amené à faire des choix supplémentaires dans son mode de vie. Comme il l’a expliqué : « le pape est venu prendre la pierre de mes valeurs environnementales et l’a rapproché de la fondation de notre foi. » Au moment de la publication de l’encyclique en 2015, Benoit faisait partie du conseil d’administration du regroupement des Églises vertes, qui songeait à la fondation officielle de l’organisme. Vue comme un signe, cette encyclique leur a donné l’élan pour démarrer le projet.
Malheureusement, cet organisme n’est plus, bien que le site Internet reste toujours accessible pour des raisons de pérennité et de patrimoine.
Gabriela et la politique
D’aussi longtemps qu’elle se le rappelle, Gabriela Turmel prend part à la question écologique. Elle se souvient des débuts du recyclage dans son école primaire, dans la région des Laurentides, ce qui l’a amenée dans une voie environnementaliste. Elle a réalisé des gestes écoresponsables de manière personnelle durant plusieurs années, mais elle a constaté que ce n’était pas suffisant.
Selon elle, ce n’est pas avec une panoplie de petites actions individuelles qu’on pourra arriver à régler les problèmes en lien avec la crise climatique. Le gouvernement doit également s’y attarder. Elle a donc joint un regroupement de jeunes citoyens, à la demande de la ville où elle habitait, pour parler de l’avenir de cette dernière. Les projets environnementaux étaient ceux qui lui tenaient le plus à cœur.

Cependant, elle ne percevait pas encore le lien entre la foi et l’amour de la planète. C’est quand on l’a mise en contact avec Laudato si’ qu’elle a connu son moment « Eureka ». Le document a même renouvelé sa conviction religieuse. Elle ne pensait pas que l’Église catholique puisse avoir des intérêts similaires aux siens en matière d’écologie. Dans la foulée de ses convictions, elle a écrit un texte dans le collectif Génération Laudato Si’ (Novalis, 2023).
D’après Gabriela, chez beaucoup de gens, l’impuissance se fait ressentir, et c’est une des raisons pour lesquelles un mouvement de changement s’essouffle. Sa foi agit tel un agent d’espoir. « Le fait de voir [le militantisme environnemental] comme un service rendu à Dieu, à la planète et à mes concitoyens, j’ai l’impression que ça renouvelle mon énergie personnelle parce que ça en demande beaucoup. »
Aujourd’hui, Gabriela habite une nouvelle ville et est à la recherche de comment elle pourra encore contribuer au développement écologique de cette dernière. Elle continue de poser ses gestes quotidiens en famille, avec son mari et leurs deux enfants en bas âge, mais elle tente aussi de trouver d’autres occasions qui lui permettront d’aller plus loin dans la sauvegarde de la maison commune.
Scott et la planification à l’échelle mondiale
Scott Francisco a grandi dans les années 1970 et 1980 dans la région de Toronto. Son père était professeur de sciences et d’art, et ce dernier faisait passer beaucoup de temps à l’extérieur de la maison à la famille. De tradition anglicane, ses parents lui ont appris tout jeune la valeur de la planète et l’amour que Dieu a pour la Terre.
Scott a fait des études en architecture et se spécialise aujourd’hui en urbanisme et en aménagement durable. Basé à Montréal, il est cofondateur de plusieurs organismes à but non lucratif, tel que Cities4Forests, qui contribuent à la préservation des arbres, entre autres, dans plusieurs régions du monde.
Son champ de prédilection, c’est la conservation de la biodiversité par le soin sylvatique, spécifiquement les forêts tropicales. Certains de ses projets consistent à utiliser les ressources de manière équitable et responsable pour éviter un défrichement complet. Les gens qui forment son équipe proviennent de toutes sortes d’appartenances : ethniques, religieuses, professionnelles, etc.
Il a toujours cru que Dieu et l’amour de la Terre allaient de soi. Pour lui, les valeurs chrétiennes et celles de la préservation de l’écosystème sont inséparables. « Si Dieu te demande de prendre soin de ce qui t’entoure, ça inclut aussi l’environnement. » C’est pour lui notre responsabilité de préserver notre maison, notre planète.

Deux ans après la sortie de l’encyclique, une amie qui organise des retraites en Norvège avec des spécialistes du climat l’a mis en lien avec le document. Sa première réaction fut : « Il était temps ! ». Il a été très heureux de constater que l’Église catholique s’attardait à ce problème et a été très impressionné d’observer que même des agnostiques suivaient le chemin de Laudato si’.
Scott croit que prendre soin de la Terre demande que tous, individus et gouvernements, collaborent systématiquement pour aborder les enjeux climatiques. Ainsi, parviendrons-nous à prendre davantage soin de la Terre. En tant qu’architecte et planificateur, il croit que c’est à travers la planification et l’aménagement que la population mondiale arrivera enfin à diminuer l’impact de la société de consommation dans laquelle on vit aujourd’hui. On doit avoir une vision similaire, de la confiance entre les uns et les autres et une définition propre des rôles pour réaliser un bon aménagement, d’après Scott. De cette manière, les gens accompliront davantage.
L’avenir
Les trois témoins interrogés vivent chacun et chacune selon les principes de Laudato si’ à leur manière, avec réalisme et guidés par leur foi en Dieu. Benoit a choisi les gestes individuels et la transmission des valeurs environnementales au sein de sa famille et dans un groupe scout. Gabriela travaille ardemment à faire intégrer les dimensions écologiques dans les orientations municipales. Scott élabore des moyens pour prévenir la dégradation de la nature et conserver la biodiversité.
La sauvegarde de la maison commune a besoin de toutes leurs stratégies en vue du bien et de l’avenir de la population mondiale, de la flore et de la faune.








































