Le jeudi 12 novembre 1925, il y a exactement 100 ans, La Presse annonce que les locataires du 1216, avenue de l’Hôtel-de-Ville, à Montréal, n’ont guère fermé l’œil de la nuit. Des «faits extraordinaires», qui se sont déroulés dans leur logement, ont carrément «semé la terreur».
Six témoins «complètement terrifiés» racontent au journaliste de La Presse des manifestations mystérieuses, des bruits insolites, des «déplacements d’objets par une main invisible» et même «des brusqueries et des brutalités commises par une force qu’on ne saurait comprendre».
«À la suite de ces déclarations, qui semblent sincères, on se demande si une enquête sérieuse ne doit pas être tenue par les autorités compétentes afin de voir exactement ce qu’il en est et d’agir en conséquence», avance La Presse qui se targue d’être «le plus fort tirage quotidien de tous les journaux au Canada» et qui a dépêché un journaliste sur les lieux afin de recueillir, mot à mot, le témoignage des occupants, les Giroux et les Cloutier.
La récitation du chapelet interrompue
Le journaliste le reconnaît volontiers. Il y a constamment du vacarme dans ce logement situé au deuxième étage. Chaque jour, «on entend le bruit du marteau du tonnelier israélite» qui s’active dans sa forge. En soirée, assure-t-il, tout devient calme. Mais pas lors de cette nuit du mercredi au jeudi.
«Nous étions tous assis dans la salle à dîner, à causer, lorsque soudainement la poignée de la porte de la chambre de bain se mit à s’agiter violemment. Un des hommes présents alla aussitôt voir dans la chambre de bain, mais n’y trouva rien d’anormal», raconte Mme Giroux.
«Ma belle-sœur et moi commençâmes à trouver cela étrange et à avoir peur, tandis que les hommes, assez incrédules aux histoires de revenants, cherchaient à nous rassurer», raconte une occupante. Puis il y eut un bruit de papier froissé qui «se déplaçait et se transportait d’une chambre à l’autre». Les poignées de portes vibrent de nouveau. Par le trou d’une serrure, une personne aperçoit de petites lueurs. «Quelle ne fut pas notre stupéfaction de trouver sur le plancher, placées en triangle, trois bougies allumées.» Pire: en ouvrant la porte d’une chambre, les gens découvrent avec effroi qu’un crucifix, habituellement placé sur le dessus d’un chiffonnier, est maintenant suspendu à un lustre.
C’est est trop. «Mme Cloutier et moi, toutes en larmes, nous nous mimes à genoux près du poêle pour réciter le chapelet. Les hommes, un peu moins rassurés qu’au commencement, nous imitèrent.» Leurs prières furent de courte durée «car une grêle de vieux boutons et de graines de chapelets tomba sur nous».
Le lendemain, La Presse en rajoute. Des curieux se pressent, «par centaines», devant la maison hantée.
«Jusqu’à une heure avancée de la nuit, ce fut une procession de curieux regardant avidement la forge du tonnelier et le logement supérieur, dans l’espoir d’être témoins de manifestations psychiques et d’entendre des bruits de l’au-delà.». Même des limousines, écrit-on, ont sillonné la rue. Des détectives et un officier de police ont mené une enquête, mais ils ne croient pas que cette histoire soit «bien sérieuse».
Le Devoir, dont la devise est «fais ce que dois!», n’en croit pas un mot et n’entend pas couvrir cette histoire. Dans un texte sarcastique publié à la une du journal, il dénonce ce potinage et va jusqu’à comparer La Presse à une «feuille à sensation qui, par ses récits fous, de pure invention les quatre cinquièmes du temps, trouble les esprits chez nous et nous fait passer à l’étranger, pour un peuple qui, sans transition, a passé de la première à la deuxième enfance».
Le Devoir se moque des témoignages recueillis par La Presse, beaucoup trop littéraires à ses yeux. «Voilà comment parlent, après des apparitions, des bons Canayens qui n’avaient jamais de leur vie auparavant fréquenté le passé défini ou la concorde des temps.»
Le conseil du Devoir? Les citoyens auraient avantage à «prier pour les morts» et non pas «s’imaginer les voir revenir à seule fin de fournir de la copie à la presse jaune».







































