Le 18 juin 2015, le pape François publiait l’encyclique Laudato si’ sur la « sauvegarde de la maison commune », une longue lettre dans laquelle il appelait « toute la famille humaine » à s’unir dans la « recherche d’un développement durable et intégral ». Dix ans après sa publication, Présence propose un dossier visant à rappeler l’actualité de ce grand document. Après avoir fait un rappel de certaines orientations théologiques de l’encyclique dans le premier texte, la suite du dossier vise à souligner des engagements inspirés de Laudato si’. Après un article faisant le portrait d’initiatives à l’échelle nationale, cet article s’intéresse à des orientations et actions régionales, dans un diocèse et en milieu scolaire.
La grande marche pour le climat tenue à Montréal en septembre 2019, qui avait rassemblé près de 500 000 personnes, a montré la conscience de la crise climatique au sein de la population québécoise. Ce souci déjà porté par certains en Église [1] a bénéficié de l’interpellation du pape François et son encyclique Laudato si’ en 2015. Dans l’archidiocèse de Sherbrooke, la sauvegarde de la maison commune a été prise au sérieux au point de devenir une priorité diocésaine.
Il y a quelques années, un jeune croyant, stagiaire en sciences de l’environnement à l’Université de Sherbrooke, propose de créer un « comité vert » pour l’archidiocèse. L’idée chemine et se concrétise en 2021 par la formation du Comité diocésain d’écologie intégrale (le comité « DÉI », dont l’acronyme fait référence au mot Dei signifiant Dieu en latin). Il rassemble maintenant 16 personnes, dont quelques prêtres, un diacre permanent, une journaliste retraitée, ainsi qu’Anne-Séverine Guitard, chargée de projets à l’archidiocèse, et Michel Fisch, qui se sont entretenus avec Présence.
Le comité mise sur les gestes concrets des citoyennes et des citoyens, par des projets réalisables dans les paroisses. Le projet de verdissement du stationnement de la cathédrale Saint-Michel de Sherbrooke en est un exemple. Bien qu’il s’agisse d’une perte minime de trois espaces de stationnement, il a produit un changement visible, esthétique et utile. « En enlevant l’asphalte du stationnement, en posant des bancs en pierre de granite et en laissant les espèces végétales indigènes pousser près de l’endroit, cela vient atténuer les effets de l’îlot de chaleur que produisait cet espace réservé aux voitures », explique Mme Guitard. Le réaménagement aidera aussi à absorber l’eau de la fonte de la neige au printemps.
Dans la continuité du projet, un jardin de pluie sera aménagé pour minimiser les quantités d’eau retournant dans les égouts. S’ajoute à cela une volonté de promouvoir le covoiturage des fidèles lors des rassemblements diocésains, afin de produire de nouvelles habitudes citoyennes écoresponsables.
Afin de changer les mentalités, le comité DÉI vise aussi à éduquer le public dans l’esprit de Laudato si’. Il compte pour cela trois personnes formées et dites « certifiées Laudato si’ », dont l’engagement implique de se rendre dans les paroisses pour parler d’écologie intégrale et animer des cercles sur le sujet. Michel Fisch en est et affirme que l’archidiocèse de Sherbrooke serait « l’un des seuls diocèses du Québec qui investit une ressource pour l’écologie intégrale ».
L’archevêché donne le ton en matière de responsabilisation environnementale. Avec l’aide d’une firme conseil, les administrateurs diocésains ont pris des initiatives telles que mesurer l’empreinte carbone afin de la diminuer (en modifiant les systèmes de chauffage de la cathédrale et de l’archevêché). L’empreinte carbone des personnes employées par l’archidiocèse a été mesurée, et le covoiturage est promu. Autant de changements qui s’inscriront dans la durée.
Plus récemment, dans le but d’offrir d’autres initiatives locales et citoyennes, et tenant compte du lien entre la crise climatique et la crise de la pauvreté (Laudato si’ faisait bien un lien entre le cri de la terre et le cri des pauvres), le comité DÉI veut aider les personnes défavorisées dans les périphéries sherbrookoises, au moyen d’un « brunch de solidarité » et un processus consultatif local en phase avec une dynamique de synodalité.

En milieu scolaire franco-ontarien
Dans la grande région de Toronto, Hamilton et du Niagara, le Conseil scolaire catholique MonAvenir a pris des initiatives rapidement après la parution de Laudato si’. En lien avec le programme-cadre d’enseignement religieux (datant de 2007 et toujours en vigueur en Ontario), des activités pédagogiques et des ateliers ont été développés pour les classes du primaire et du secondaire. Selon Donald Mongeon, ancien conseiller pédagogique en enseignement religieux et ancien responsable de l’équipe de l’animation pastorale pour MonAvenir (de 2014 à 2024), ce programme-cadre fait des liens entre « le discernement moral, la reconnaissance des besoins dans notre société et la réponse à ces besoins par des gestes très concrets ». En ce sens, l’atelier « Notre Maison commune » a été conçu avec l’équipe d’animation pastorale pour faire le lien entre écologie et foi chrétienne.
Dans la ville de Barrie, près de la baie Georgienne (plus de 100 km au nord-ouest de Toronto), des élèves de l’école secondaire Nouvelle-Alliance se sont rendus dans des écoles primaires de leur « famille d’écoles » [2] afin de présenter des projets qui motivent l’engagement des élèves, tels des nettoyages de cours d’écoles et de parcs voisins, ainsi que des initiatives de recyclage dans les écoles.
Il va sans dire que Laudato si’ trouve aussi écho dans les écoles anglophones catholiques de l’Ontario. Les éducateurs et éducatrices catholiques anglophones et francophones (ceux-ci étant minoritaires) se retrouvent annuellement lors du rassemblement When Faith Meets Pedagogy (« Quand la foi rencontre la pédagogie »), organisé par le consortium de dix-sept conseils scolaires catholiques du centre et de l’ouest de l’Ontario appelé. Les initiatives concernant l’environnement y sont partagées, selon M. Mongeon.
De plus, au sein du Conseil scolaire catholique MonAvenir, la visibilité des projets environnementaux est favorisée par le « Festival Impact », un festival de la foi chrétienne créé par Donald Mongeon et Frédéric Bergeron, l’un des surintendants de Mon Avenir. Avec la collaboration des animateurs et animatrices de pastorale du secondaire, le festival permet aux élèves de montrer leurs réalisations écologiques aux élèves et au personnel éducatif des régions de Toronto, de Hamilton et du Niagara, ainsi que de Barrie, Kitchener-Waterloo-Cambridge et Peterborough. Ces projets vont de gestes envers des personnes démunies à des gestes pour réparer les dégâts causés dans la nature.
Les exemples de l’archidiocèse de Sherbrooke et du Conseil scolaire catholique MonAvenir démontrent l’importance d’encourager les changements de mode de vie, et l’interdépendance des enjeux écologiques et sociaux. « Tout est lié » est le leitmotiv de l’encyclique qui célèbre son dixième anniversaire et continue d’être porté par des personnes dont la foi les pousse à agir au nom du bien commun.
Michel Labonté est animateur à l’éducation citoyenne et identitaire en milieu scolaire. Il vit à Hamilton (Ontario) depuis 2012. Il détient une maitrise en théologie de l’Université de Sherbrooke et un D.E.S.S. en théologie pastorale de l’Institut de formation théologique de Montréal (IFTM).
Notes
[1] On peut penser, entre autres, au théologien André Beauchamp qui a été un pionnier dans le domaine de l’écologie et continue de s’y intéresser. André Beauchamp analyse l’exhortation apostolique Laudate Deum en 2023.
[2] Une « famille d’écoles » est un groupe d’écoles élémentaires francophones catholiques qui constituent un bassin d’élèves susceptibles de continuer leurs études secondaires dans une école secondaire francophone catholique du même conseil scolaire dans la même ville ou dans la même région administrative.