À mi-chemin entre le documentaire et la fiction, Le Sang du pélican raconte le voyage de Marie Guyart, dite Marie de l’Incarnation (1599-1672). Le réalisateur du long métrage, Denis Boivin, a joué sur ces deux registres, à l’époque de la mystique et à l’heure actuelle.
Le film présente Marie Guyart de l’Incarnation au moment où elle revient aider les dernières religieuses ursulines qui doivent quitter son monastère construit en 1642. Les rencontres qu’elle fait alors lui permettent de revisiter les grandes étapes de sa vie, dont l’abandon de son fils – avec qui l’abondante correspondance constitue un legs important pour comprendre l’histoire de la Nouvelle-France – son départ pour la Nouvelle-France, la fondation de la première école pour filles en Amérique, où elle accueille notamment des élèves autochtones, et les conflits qui ponctuent la vie de la jeune colonie.
«On ne peut réaliser seulement un documentaire en voulant exprimer la part de mysticisme du personnage. Quand on est créateur et qu’on n’a pas l’argent prévu, on est forcé de faire quelque chose de différent», explique le cinéaste, en entrevue à Présence. L’équipe compte d’ailleurs sur le bouche à oreille pour faire connaître le film, puisqu’on n’a pas prévu de publicité dans les journaux, à la radio ou à la télévision.
«Même si ce film m’a pris 30 ans à réaliser, ma grande consolation est de voir comment la comédienne Karen Elkin a su non seulement incarner, mais transcender Marie Guyart, devenue la Marie de l’Incarnation. Elle m’a suivi à 100% dans cette aventure», confie Denis Boivin. Il a fallu trois ans de tournage pour que le film puisse voir le jour.
Le cinéaste, dont la maîtrise en théologie portait sur Marie de l’Incarnation, a d’ailleurs qualifié d’«acrobatique» le financement de son film, qu’il espère réaliser depuis les années 1980. «Ça a fait boule de neige à partir du moment où les ursulines ont quitté leur monastère. J’ai obtenu un fonds de Téléfilm Canada, de la Ville de Québec et un soutien de Mels (studio), sans qui le film n’aurait pu exister», explique M. Boivin.
La plupart des ursulines ont quitté leur monastère du Vieux-Québec à l’automne 2018. Elles sont parties vivre aux Jardins d’Évangéline, à Québec, une résidence mieux adaptée à leurs besoins, alors que leur moyenne d’âge est de plus de 85 ans.
Spiritualité autochtone
Surnommée Aigle-Mère par les Autochtones, Marie de l’Incarnation (interprétée par Karen Elkin) fut une pionnière importante dans l’établissement de la colonie en Nouvelle-France. Après une traversée de trois mois en bateau, Marie de l’Incarnation et ses consœurs arrivèrent à Québec, où vivaient alors quelque 200 âmes, en 1639. C’est une période consacrée à la fondation du monastère et à l’œuvre d’éducation des ursulines, à travers laquelle bouillonnaient la spiritualité, la mission et l’enseignement auprès des colons et des Premières Nations. Marie de l’Incarnation apprit le wendat, l’une des langues iroquoises.
«On connait très peu le personnage historique de Marie de l’Incarnation, mais aussi l’histoire des Autochtones et leur spiritualité. Il y a un choc culturel entre les Premières Nations et les Euro-Canadiens. Je m’efforce de comprendre pourquoi les missionnaires de l’époque ont refusé la spiritualité des autochtones, qui se marie bien au christianisme», affirme Denis Boivin. Le cinéaste, né à Loretteville, quartier voisin de Wendake, a d’ailleurs tourné avec des Wendats.
Le pélican
Pourquoi baptiser le film Le Sang du pélican? Selon la légende, les pélicans puisent de leur sang pour soigner leurs nourrissons pendant les famines. «On peut voir aussi le pélican et son sang versé comme le symbole du Christ, qui a versé de son sang pour nourrir ses petits», explique Denis Boivin. Dans l’iconographie chrétienne, le pélican est parfois associé à l’eucharistie. «Les chevaliers prenaient le pélican comme symbole, et les ursulines en ont fait aussi un symbole», explique le cinéaste de Québec, fondateur de Dyonisos productions et réalisateur du Pèlerin, un film sur Jean Paul II.
À l’exception de Karen Elkin et de quelques comédiens, le reste de la distribution est composée de comédiens de Québec, comme Carol Cassistant, Perrine Gruson, Marie-Ginette Guay et Jack Robitaille. Louise Portal et Pierre Lebeau, pour la narration, sont aussi de la partie.
***