Au moins trois évêques viennent de décider de retenir les fonds recueillis cette année pour Développement et Paix pendant le carême dans un geste qui rappelle le bras de fer entre l’organisme catholique et les évêques au tournant de la décennie.
Pendant le carême en 2017, les fidèles des différentes paroisses de l’archidiocèse d’Edmonton ont versé 239 670 $ à Développement et Paix pour sa collecte annuelle, la campagne Carême de partage. Cette année toutefois, l’archidiocèse va retenir toutes les sommes recueillies pour l’organisme catholique de coopération internationale tant qu’il n’aura pas obtenu l’assurance que ces sommes «seront utilisées par des agences dont la mission, les valeurs et les principes concordent avec les enseignements de l’Église catholique».
C’est l’archevêque lui-même, Mgr Richard W. Smith, qui a annoncé cette décision. Sa lettre datée du 4 avril a été remise à toutes les paroisses de l’archidiocèse d’Edmonton et est affichée à la une du site Web diocésain.
Il explique que «les évêques canadiens ont récemment été informés des résultats préliminaires d’un examen» de l’ensemble des quelque 100 partenaires financés par Développement et Paix en Asie, en Amérique latine, en Afrique et au Moyen-Orient.
«Les premiers résultats qu’on nous a communiqués sont alarmants», indique Mgr Smith.
«Quelque quarante partenaires semblent montrer des signes de conflit avec l’enseignement moral et social catholique. En particulier, ils ne font pas preuve de respect pour le caractère sacré de la vie humaine», avance-t-il, sans préciser ni de quels partenaires il s’agit, ni dans quel pays ils opèrent.
Le site Web diocésain indique qu’au moins deux autres évêques de l’Alberta ont publié des lettres semblables. Les diocèses de Calgary et de Saint-Paul retiennent eux aussi les sommes amassées par les catholiques pour Développement et Paix.
Les lettres signées par les évêques Paul Terrio et William T. McGrattan, bien que semblables à celle de Mgr Smith, sont toutefois plus précises sur les résultats d’une évaluation menée sur les partenaires de Développement et Paix.
Les deux évêques écrivent que «des allégations sérieuses et crédibles ont été formulées contre un certain nombre d’organismes». Ces partenaires «tolèrent et même préconisent des politiques et des pratiques qui ne sont pas conformes aux enseignements catholiques».
Surprise, déception
«On est en train de crier au loup avant même de prouver s’il y a eu un loup», lance Romain Duguay, directeur général adjoint de Développement et Paix.
Invité à commenter la décision de l’archevêque d’Edmonton, le dirigeant de l’organisme se dit «surpris, un peu déçu même» de constater qu’avant d’avoir pu mener à terme le processus d’évaluation des quelque 150 partenaires de Développement et Paix, des données partielles ont été présentées à certains évêques.
Le processus d’évaluation de tous les partenaires de l’organisme a été entrepris en octobre 2017 en collaboration avec la Conférence des évêques catholiques du Canada. Cet examen n’est toutefois pas encore complété.
«On espère que ce sera finalisé dans les jours qui viennent. Mais ce n’est pas un calendrier que nous maîtrisons totalement», explique M. Duguay. Analyser en profondeur le travail de tant de partenaires demande du temps. «C’est un processus complexe.»
«On aurait aimé qu’on accorde à notre processus le temps de faire son chemin», déplore le directeur général adjoint. «On ne réagit pas ici de façon négative, on n’est pas dans une situation conflictuelle, mais on est déçus.»
Présentation
Au mois de février 2018, les évêques catholiques des provinces de l’Ouest ont eu droit à une présentation sur les partenaires de Développement et Paix.
«Je n’ai pas eu en main ce rapport. Mais les évêques ont entendu ce jour-là un chiffre impressionnant», explique Romain Duguay. Quelque 40 partenaires de l’organisme, selon la lettre de l’archevêque d’Edmonton, agiraient à l’encontre des enseignements de l’Église catholique.
On a remis aux évêques une enquête qui a été réalisée en allant cueillir de l’information sur le Web, ajoute-t-il. «On leur a dit: « on a vu ceci et on pense que c’est une catastrophe ».»
La lettre de Mgr Smith indique qu’il a été demandé à Développement et Paix de répondre aux questions des évêques. C’est bien ce qu’entend faire l’organisme.
«Bien sûr qu’on va remettre aux évêques les résultats de notre enquête, de façon très transparente. On est confiant dans ce que l’on fait. On n’a rien fait qui va à l’encontre de ce que l’Église nous demande, de notre mission en fait», dit le dirigeant de Développement et Paix.
Ce n’est pas la première fois que des évêques remettent en question les appuis qu’offre Développement et Paix à certains groupes du Sud. En 2009, la Conférence des évêques catholiques du Canada avait mandaté deux de ses membres pour qu’ils enquêtent sur cinq partenaires mexicains de l’organisme accusés par le lobby pro-vie LifeSite de faire la promotion de l’avortement. Dépêché au Mexique, le comité d’enquête épiscopal avait réfuté ces allégations.