Deux années après son lancement, le Système canadien de signalement des abus sexuels commis ou dissimulés par un évêque catholique a échoué à tenir à jour la liste des évêques catholiques canadiens, toujours vivants, contre qui des citoyens pourraient déposer une plainte.
Créée le 6 mai 2021, cette plateforme confidentielle permet aux gens de faire un signalement, par téléphone ou par Internet, aux autorités de l’Église contre des évêques du Canada.
«Pour déposer votre rapport au moyen de ce système, le nom de l’évêque visé est nécessaire», prévient-on les victimes ou témoins d’actes répréhensibles. Il est donc impossible de soumettre un rapport pour dénoncer des abus sexuels et d’autres gestes d’inconduite sexuelle ou pour signaler des actes qui «visaient à interférer ou à éluder des enquêtes civiles ou canoniques concernant les abus sexuels» si on ne connaît pas le nom exact de l’évêque qui aurait commis ces délits.
«Pour vous aider, tous les évêques catholiques romains au Canada qui sont vivants, tant actifs que retraités, ainsi que ceux qui ont été actifs au Canada mais qui résident maintenant dans un autre pays, sont répertoriés dans le système», assure-t-on dans le site <SystemedeSignalementEpiscopal.ca>.
Cette liste compte actuellement 135 noms, classés par ordre alphabétique, de l’évêque Gerard P. Bergie (St. Catharines) à l’évêque émérite James M. Wingle (lui aussi de St. Catharines).
Vérification faite le jour même du deuxième anniversaire de cette plateforme de plainte, les noms d’évêques décédés depuis plus d’une année, comme les évêques émérites Remi De Roo (diocèse de Victoria) et Jean-Guy Couture (diocèse de Chicoutimi), figurent toujours dans cette longue énumération insérée dans le formulaire que tout plaignant doit remplir. Le nom de l’évêque émérite Laurent Noël, pourtant décédé le 2 juillet 2022 à l’âge de 102 ans – il aura été un moment l’évêque le plus âgé au monde – est aussi toujours là.
Évêques récemment nommés
Par ailleurs, les noms d’évêques canadiens nommés par le pape François au cours des deux dernières années n’ont pas encore été intégrés à cette liste que les responsables de ce système de signalement épiscopal promettaient de tenir à jour.
C’est le cas de Mgr Claude Lamoureux, nommé évêque de Gaspé en février 2023. Son ordination épiscopale a toutefois eu lieu il y a quelques jours, soit le 3 mai 2023 en la cathédrale Christ-Roi de Gaspé. Ce bref délai pourrait bien expliquer pourquoi son nom n’a pas encore été inséré dans la liste de la plateforme de signalement.
Nommé évêque auxiliaire en juillet 2022, le Montréalais Frank Leo est devenu sept mois plus tard le 11e archevêque de Toronto. Le nom du plus jeune évêque catholique de rite latin au Canada n’apparaît toujours pas, lui non plus, dans la liste épiscopale du Système canadien de signalement des abus sexuels commis ou dissimulés par un évêque catholique. Mentionnons ici que lors du lancement de ce service, Mgr Leo était le secrétaire général de la CECC.
Bilan
En mai 2022, l’agence de presse Présence avait demandé à l’archevêque Paul-André Durocher, le porte-parole des évêques lors du lancement de cette plateforme de dénonciation, s’il pouvait dévoiler combien de personnes avaient utilisé ce service durant sa première année d’existence et combien de rapports pour abus ou dissimulation avaient été acheminés aux archevêques du Canada ainsi qu’aux dicastères du Vatican.
«On ne peut pas faire de bilan d’ensemble car le système n’est pas organisé pour gérer un rapport statistique», avait alors reconnu l’archevêque de Gatineau. Pour obtenir de tels chiffres, «il faut demander à Rome», avait-il conseillé.
Dans cet article intitulé Un an et beaucoup de bémols pour le système de signalement épiscopal, on mentionnait déjà que les noms des évêques Remi De Roo et Jean-Guy Couture, décédés au début de l’année 2022, n’avaient pas été enlevés de la liste des évêques catholiques toujours vivants.
Il y a près d’une semaine, Présence a demandé à l’actuel secrétaire général de la CECC, l’abbé Jean Vézina, si le deuxième anniversaire de ce service de signalement serait souligné par une déclaration. Il lui a aussi demandé si le système de signalement épiscopal serait modifié en raison des nouvelles normes promulguées par le pape François dans son motu proprio Vos estis lux mundi. La CECC n’a toujours pas répondu à ces demandes.
C’est la firme indépendante ClearView Strategic Partners qui a créé, à la demande des évêques du Canada, cette plateforme de dénonciation accessible en ligne ainsi que par téléphone (1 866 892-3737).