La messe rouge dont le comité organisateur avait annoncé la fin cette année n’a pas dérogé à la tradition. Cette célébration, qui souligne la rentrée judiciaire, était présidée par Mgr Christian Lépine, le 7 septembre à la Chapelle du Sacré-Cœur de la Basilique Notre-Dame, à Montréal.
Dans son homélie, Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal, a décrit la crainte de Dieu. «Celui qui craint le Seigneur fait confiance au Seigneur, s’appuie sur le Seigneur. La crainte de Dieu ne veut pas dire: avoir peur de Dieu», a-t-il nuancé. Il a spécifié que «la première justice est, peut-être, reconnaître Dieu.»
Me Jacques Darche, président de la Société Saint-Yves de Montréal, a remercié l’évêque d’avoir accepté de célébrer à nouveau la messe avec la communauté juridique. «Votre homélie de ce matin sur notre relation avec Dieu et la question de la première justice va nous inspirer certainement tout au long de cette année judiciaire», a-t-il déclaré.
Réflexion spirituelle
Pour les participants, l’événement représente un moment important dans leur vie professionnelle.
«C’est toujours inspirant pour le début de la rentrée judiciaire de s’approcher de Dieu pendant quelques minutes et avoir un moment de réflexion, d’introspection. Pour moi, c’est un moment qui me permet aussi de mieux me préparer à servir la justice», fait valoir Me Marc-André Fabien.
Me Vincent Kaltenback participe à la messe depuis de nombreuses années, et ne pense pas changer de décision. D’ailleurs, il accueille mal l’annonce de la fin de la célébration. «Ça m’avait attristé. Je serai toujours là, serein. Le chien aboie, la caravane passe», commente l’avocat.
Me Édith Jourdin faisait partie du comité qui avait décidé de mettre un terme à la tradition.
«C’était triste cette décision difficile que nous avons prise. J’avais l’espoir que quelqu’un prenne la relève et nous voilà exaucés», se réjouit-elle.
Elle se dit heureuse que la tradition se poursuive, que l’évêque accorde du temps à la communauté juridique avec ses bons mots. «Je trouve toujours qu’une réflexion spirituelle en début d’année judiciaire est importante pour réfléchir à nos valeurs quand on sert la justice.»
Fin annoncée de la messe
La première célébration de la messe rouge, à Montréal, remonte aux années 1940. «En 2023, le Barreau de Montréal a décidé de ne plus poursuivre cette tradition, sous prétexte de la laïcité, c’est alors que la Société St-Yves de Montréal a pris la relève de son organisation et assurera sa pérennité», lit-on sur le site Internet du diocèse de Montréal.
En effet, dans une lettre adressée au Journal Le Devoir en mai dernier, le comité organisateur faisait remarquer que le Québec a changé et a évoqué également la laïcité de ses institutions. Il a réalisé, par ailleurs, que la magistrature et des avocats ne s’intéressaient plus à la messe comme avant.
«Bien que nous souhaitions cette messe inclusive, voire un moment de réflexion plus spirituel ou méditatif pour entamer notre année judiciaire, nos constats sont sans équivoque. La volonté du comité organisateur de maintenir la tradition se heurte à la réalité de la société québécoise d’aujourd’hui», cite Le Devoir.
Réaction de la Société St-Yves de Montréal
Me Alexandre Khouzam ne partage pas le point de vue de ce comité.
«Le contexte de laïcité est malheureusement faux. C’est un prétexte parce que la laïcité permet que chacun puisse pratiquer sa propre religion, c’est la liberté de religion. Mais, le laïcisme interdit toutes sortes de libertés religieuses. Ils ont confondu laïcité et laïcisme», reproche Me Khouzam.
Me Jean Lozeau rejette lui aussi les raisons avancées pour annoncer l’annulation de l’activité. «On ne peut pas changer l’histoire, le catholicisme existe depuis 2000 ans. Moi, je trouve qu’il y a un peu d’exagération dans le fait de ne pas vouloir s’afficher avec des religions. C’est une activité qui réunit le monde juridique. Peu importe les croyances religieuses, tout le monde est bienvenu», suggère-t-il. Me Lozeau insiste sur le fait que la messe rouge aura lieu tous les ans, et que, la Société Saint-Yves est formée pour la préserver.
Me Darche abonde dans le même sens et réitère que cette célébration répond à un besoin. «Je n’ai pas de problème que le Barreau ne soit plus associé, ce qu’on a fait à Montréal, c’est ce qui est fait dans plusieurs autres juridictions», estime l’avocat.
Rappelons que la première messe rouge s’est tenue à Paris en 1245. Elle marque la rentrée judiciaire et réunit les juges, avocats, notaires, professeurs de droit ainsi que les auxiliaires de justice. On l’appelle ‘’messe rouge’’ à cause de la robe rouge que portaient les juges, les évêques et les cardinaux présents à cette activité au cours de laquelle les tapis rouges étaient déroulés.