Le recours collectif contre l’archidiocèse de Québec peut aller de l’avant.
Un juge de la Cour supérieure a autorisé, le 19 mai 2022, une action collective au nom de toutes les «personnes, de même que leurs héritiers et ayants droit, ayant été agressées sexuellement par un membre du clergé diocésain», qu’il soit évêque, prêtre ou diacre, précise le jugement, ou encore «par un religieux, un membre du personnel pastoral laïc, un employé, un bénévole laïc ou religieux» sous la responsabilité de l’archidiocèse de Québec entre le 1er janvier 1940 et le jugement à intervenir.
Il y a deux ans, en août 2020, deux hommes, alors âgés de 80 et de 63 ans, ont demandé à la Cour supérieure d’autoriser une action collective contre l’archidiocèse de Québec. Les deux ont affirmé avoir été agressés par le curé de leur paroisse respective il y a plus d’un demi-siècle.
Une des victimes rappelle qu’en 1960, son père ainsi qu’un médecin se sont rendus à l’archevêché de Québec afin de dénoncer les abus commis par Rosaire Giguère. Le prêtre fautif aurait d’abord été «placé en repos» puis transféré dans une autre paroisse, lit-on dans la demande d’autorisation. Ce prêtre est décédé en 1974.
La seconde victime aurait été agressée une première fois au presbytère de la paroisse, quelques heures après une sortie au cinéma offerte par son curé. Ce prêtre, Jean-Marie Bégin, sera très actif dans les mouvements d’Action catholique, étant même aumônier diocésain de la Jeunesse ouvrière catholique (JOC) et de la Ligue ouvrière catholique (LOC). En 1986, l’abbé Bégin, âgé de 60 ans, se donnera la mort par pendaison à son chalet de Coleraine.
Depuis le dépôt de cette demande, les avocats de l’archidiocèse et des victimes ont manifesté une «volonté de discuter pour trouver un règlement hors cour». L’an dernier, le juge Bernard Godbout, celui-là même qui a autorisé le recours collectif, a accepté que des avis publics soient publiés dans huit journaux de la région de Québec afin que les parties puissent connaître combien de personnes auraient été agressées par ces deux prêtres ou encore par d’autres prêtres ou religieux sous la supervision des autorités diocésaines.
Liste des victimes et des agresseurs
En mars 2022, l’avocat des victimes révélait que «88 personnes se sont inscrites à l’action collective après avoir pris connaissance des avis».
Lors de l’audience pour l’examen de la demande en autorisation, le 5 avril 2022, une liste de six pages a été préparée. Elle montre que pas moins de 110 victimes ont contacté les avocats afin d’indiquer leur âge au moment de la première agression, les dates des agressions subies ainsi que les lieux où elles auraient été commises.
L’archidiocèse de Québec s’est vivement opposé à ce que les noms des agresseurs présumés, dans ce tableau, soient rendus publics. Avant que le tribunal ne statue sur cette demande, le juge a mis sous scellés la liste officielle et demandé à ce que les médias ne dévoilent pas les noms des agresseurs présumés, sauf ceux des abbés Bégin et Giguère, déjà nommés dans la requête.
La liste révèle que la plupart des agressions se seraient déroulées entre les années 1950 et 1979 et que les victimes étaient en majorité des enfants ou des adolescents. Le nom de l’abbé Rosaire Giguère est mentionné quatre fois tandis que celui de l’abbé Jean-Marie Bégin y apparaît cinq fois. On peut présumer que les autres prêtres, religieux et laïcs de cette liste seraient aujourd’hui très âgés ou même déjà décédés.
Les lieux des agressions sont multiples. Vingt-deux victimes ont indiqué avoir été agressées dans un presbytère, trois dans la sacristie de l’église et six dans les chalets que possédaient les agresseurs présumés. Quatre agressions auraient eu lieu au Collège de Lévis.
La toute dernière ligne de ce tableau indique que la 110e victime, âgée de 33 ans, aurait été agressée tout récemment dans différents presbytères. Le nom du présumé agresseur, toujours vivant, a aussi été retiré jusqu’à ce que la demande d’anonymat soit débattue.
Réaction
L’archidiocèse de Québec a indiqué «prendre acte» du récent jugement de la Cour supérieure du Québec.
«À ce stade-ci, l’archidiocèse de Québec n’a pas de commentaire particulier à formuler, mais nous réitérons notre volonté de collaboration avec les procureurs dans le cadre de ce dossier», a indiqué la directrice des communications Valérie Roberge-Dion.
Cette affaire est la toute première action collective qui soit autorisée contre un diocèse québécois et qui vise l’ensemble de son personnel. Au mois de mai, la juge Sandra Bouchard de la Cour supérieure du Québec a approuvé une entente de règlement dans un recours collectif contre le diocèse de Chicoutimi. Mais cette action collective ne concernait que les victimes d’un seul prêtre, l’abbé Paul-André Harvey.
D’autres recours collectifs ont aussi été présentés contre les diocèses de Saint-Jean-Longueuil, Joliette, Saint-Hyacinthe, Amos et Trois-Rivières ainsi que l’archidiocèse de Montréal. Tout comme dans celui de l’archidiocèse de Québec, ces recours concernent les abus commis par tous les prêtres et membres du personnel diocésain.