On sait maintenant pour quels motifs l’abbé Léopold Manirabarusha, vicaire dans les paroisses de Lévis, a été «retiré du ministère pour une durée indéterminée», en avril 2022, sur ordre d’un évêque de Québec.
Le nom de ce prêtre originaire du Burundi apparaît dorénavant en toutes lettres dans les documents judiciaires qui ont été déposés hier dans le cadre de l’action collective contre l’archidiocèse de Québec.
En fait, son nom est même accolé à celui du cardinal Marc Ouellet dans le tableau des agresseurs confectionné par les avocats des victimes. C’est qu’une agente de pastorale, surnommée F. et qui allègue que l’ex-archevêque de Québec a eu des gestes inacceptables à son endroit, a aussi déposé une plainte formelle contre l’abbé Manirabarusha, son supérieur dans la paroisse où elle a œuvré.
«Des comportements inappropriés nous ayant été signalés, nous avons dû prendre la douloureuse décision de retirer l’abbé Léopold du ministère pour le moment jusqu’à ce que la situation soit clarifiée», a écrit le 7 avril 2022 l’évêque auxiliaire Marc Pelchat.
Sa brève note disciplinaire a été lue dans son intégralité les samedi et dimanche suivants dans les paroisses Saint-Jean-l’Évangéliste, Saint-Joseph-de-Lévis et Saint-Nicolas-de-Lévis. Elle a aussi été publiée le 11 avril 2022 à la une du site Web des trois paroisses. On n’y donnait toutefois aucune précision sur la nature des gestes ou des attitudes reprochés.
Les jours suivants, la directrice des communications de l’archidiocèse de Québec, Valérie Roberge-Dion, ne pouvait pas préciser, elle non plus, pour quels «comportements inappropriés» ce prêtre avait été sanctionné par les autorités diocésaines. Mais elle assurait que «lorsque nous recevons des allégations d’inconduite visant une personne qui œuvre sous notre responsabilité, nos protocoles nous indiquent clairement de retirer ces personnes de leur fonction, en attendant que les faits puissent être éclaircis».
«Ce retrait immédiat des fonctions est une précaution qui vaut pour différents types d’inconduites signalées, peu importe par quelle entremise ces signalements nous parviennent», avait-elle ajouté.
De longs délais
Mais voilà que les documents judiciaires déposés hier dans le recours collectif contre l’archidiocèse de Québec indiquent que F. estime avoir «été manipulée psychologiquement, sexuellement et spirituellement par l’abbé Léopold Manirabarusha». Des «agressions sexuelles ont lieu à une quinzaine d’occasions dans le presbytère de Saint-Augustin et Cap-Rouge et deux fois à l’hôtel, toujours très rapidement et dans le secret». Ces agressions vont bien au-delà d’attouchements, révèle le tableau préparé par les avocats.
La victime a finalement déposé une plainte contre lui en janvier 2021, soit 14 mois avant qu’on ne retire temporairement au prêtre son ministère dans la nouvelle paroisse où il avait été transféré durant l’été 2021.
Nous avons demandé à l’archidiocèse de Québec de confirmer la chronologie des événements, notamment le transfert du prêtre cinq mois après la réception d’une plainte. «Pas de commentaires», a-t-on répondu à Présence.
F. est l’une des 101 victimes qui ont contacté le cabinet Arsenault Dufresne Wee Avocats depuis que l’action collective contre l’archidiocèse de Québec a été autorisée par le juge Bernard Godbout de la Cour supérieure, le 19 mai 2022.
L’archidiocèse de Québec avait obtenu, provisoirement, que les noms des agresseurs allégués, identifiés par les victimes, ne soient pas divulgués publiquement. Mais il y a moins d’un mois, le 22 juillet, les avocats de l’archidiocèse ont fait savoir qu’ils ne demandaient plus que cette liste demeure confidentielle.
Le nom de l’abbé Léopold Manirarusha n’apparaît qu’une seule fois dans cette longue liste, au numéro 88. Les gestes qui lui sont reprochés auraient eu lieu en 2017 et 2018. La victime était âgée de 33 ans lors de la première agression, a-t-on aussi noté dans cette liste.