Brisant le silence qu’il a observé durant plus d’une journée, Jean-Pierre Blais, l’évêque du diocèse de Baie-Comeau, a formellement nié aujourd’hui «avoir eu des gestes déplacés» envers une jeune victime au milieu des années 1970.
La veille, le cabinet Arsenault Dufresne Wee Avocats a rendu publique une nouvelle liste de victimes et d’agresseurs dans le cadre d’une action collective contre l’archidiocèse de Québec.
À la ligne 102 du tableau, on trouve le nom de Jean-Pierre Blais. Les faits qui lui sont reprochés seraient survenus entre 1973 et 1975, au presbytère de Charny, dans la toute première paroisse où il a œuvré en tant que vicaire. Ordonné prêtre en mai 1974 dans l’archidiocèse de Québec, il deviendra évêque auxiliaire de Québec vingt ans plus tard, puis évêque de Baie-Comeau en 2008.
«Ayant pris connaissance, dans l’action collective contre l’archidiocèse de Québec, des faits d’allégations d’abus sexuels me concernant et qui seraient survenus entre 1973 et 1975 à Charny, je tiens à nier formellement avoir eu des gestes déplacés sur la victime présumée», a-t-il indiqué.
Il ajoute qu’il entend «collaborer au processus judiciaire en cours» mais qu’«aucune entrevue ne sera accordée» et qu’«aucun commentaire ne sera émis».
Protocole diocésain
En juillet 2021, le diocèse de Baie-Comeau s’est doté d’un Protocole diocésain de gestion d’une allégation d’abus sexuel d’une personne mineure dans un contexte ecclésial. Ce document de 22 pages présente «les procédures à mettre en œuvre suivant la législation canonique concernant les cas d’abus sexuel sur mineurs commis par des clercs». Dès le premier article de ce protocole, on indique que par clercs, on entend les diacres, les prêtres et même les évêques.
À l’article 25, on précise qu’il est possible qu’une allégation soit déposée par une personne qui souhaite conserver son anonymat. «L’anonymat du dénonciateur ne doit pas systématiquement faire considérer cette allégation comme fausse», prévient-on les lecteurs et lectrices de ce protocole, tout en énonçant ensuite une mise en garde. «Pour des raisons facilement compréhensibles, il convient toutefois d’être prudent lors de l’examen de ce type de signalement.»
Au diocèse de Baie-Comeau, lorsque des dénonciations sont reçues, elles sont d’abord examinées par un comité consultatif qui doit remettre ses recommandations à l’évêque. «À moins que la poursuite ne soit jugée frivole par le comité consultatif, l’évêque agit comme si l’accusation était fondée», prend-on la peine de préciser. L’évêque lui-même «avise la Congrégation pour la doctrine de la foi et prend les mesures appropriées pour assurer la sécurité des fidèles et de leurs communautés pendant le processus».
Les mesures de protection du public sont ensuite énumérées. «En règle générale, cela implique la révocation temporaire des fonctions de la personne signalée et la restriction de tout ministère public».
De telles mesures se retrouvent dans la majorité des protocoles diocésains pour la protection des personnes vulnérables. C’est même pratique courante: dès qu’un évêque est informé d’allégations contre un prêtre, il lui retire temporairement les tâches et les mandats pastoraux qu’il lui avait confiés.
Silences
La déclaration de Mgr Jean-Pierre Blais ne mentionne aucunement si les procédures prévues dans le protocole diocésain ont été suivies depuis jeudi matin, moment où l’évêque et son comité consultatif ont appris la teneur des allégations d’une victime anonyme. Il n’indique pas si le Vatican en a été informé.
Dans sa brève déclaration, l’évêque n’indique pas non plus s’il a demandé au pape de surseoir à ses fonctions, le temps que l’action collective soit plaidée ou qu’elle fasse l’objet d’un règlement à l’amiable.
Le Journal de Québec rapporte toutefois vendredi après-midi que «la porte-parole de l’évêché de Baie-Comeau a souligné que Mgr Blais pourrait être relevé de ses fonctions le temps qu’un jugement dans le dossier soit rendu».
Christine Desbiens, la responsable du Service des communications du diocèse de Baie-Comeau, n’avait pas répondu aux demandes de Présence au moment de publier ces lignes.
Jeudi, Présence a aussi demandé à l’archevêque de Rimouski, Mgr Denis Grondin, s’il avait déjà averti les autorités vaticanes des allégations visant l’évêque de Baie-Comeau. Il n’a toujours pas répondu à nos questions. Depuis la promulgation en 2019 du motu proprio Vos estis lux mundi, toute allégation contre un évêque, un archevêque, un patriarche ou un cardinal doit être rapportée au Vatican.