Plus de 130 ans d’histoire religieuse sont en train de se refermer au Saguenay-Lac-Saint-Jean alors que les pères trappistes du monastère Notre-Dame-de-Mistassini ont mis en vente une partie de l’établissement et annoncent à Présence que leur communauté cessera d’exister.
«La décision a été prise il y a un an de vendre carrément la propriété, et là, on a voté la suppression de la communauté. Comme communauté autonome, nous n’existerons plus dans quelques semaines ou dans quelques mois», a rapporté Clément Charbonneau, l’abbé du monastère.
Dès le début du mois d’août, les frères ont commencé à vider les lieux en organisant une première vente-débarras de meubles, livres et d’autres objets entreposés dans les pièces qu’ils n’occupaient plus. Au même moment, quelques membres de la communauté acheminaient leurs effets personnels à l’Abbaye de Saint-Jean-de-Matha, dans Lanaudière.
Pour rappel, les pères trappistes étaient récemment au nombre de huit dans le monastère. Trois parmi eux étaient âgés de plus de 90 ans. Ils ont été transférés l’hiver dernier à l’infirmerie de la Congrégation des Clercs de Saint-Viateur à Joliette, où des soins leurs sont administrés. Il reste alors cinq frères à Dolbeau-Mistassini, qui pensent quitter l’établissement, probablement, la fin de cet automne.
Droit de préemption de la MRC
«Ça dépend de différentes choses. On a mis en vente la propriété il y a à peu près un an. On a des discussions avec certains groupes, mais ce n’est pas vendu», a reconnu le père Clément Charbonneau. Est à vendre au prix de cinq millions de dollars toute la propriété de 1400 hectares, qui est une zone agricole composée de cultures, de boisés ainsi que d’une bleuetière. À cela s’ajoutent le bâtiment et les garages.
Actuellement, trois entreprises sont intéressées à acquérir le domaine. On retrouve également sur la liste, la Municipalité régionale de comté de Maria-Chapdelaine. La MRC a indiqué lors de la séance publique du 14 juin dernier qu’elle se prévaudrait d’un droit de préemption pour le secteur du monastère Notre-Dame-de-Mistassini.
Luc Simard, préfet de la MRC, a justifié l’intérêt de l’institution par la présence, entre autres, de sentiers récréatifs et de sentiers de motoneige. Il a aussi fait valoir «les grands potentiels de développement et la vocation collective qui va être donnée pour ce qui est de la culture, des loisirs et des sports.»
Selon le droit de préemption, la vente du domaine doit être proposée en priorité à la MRC. Au cas où quelqu’un d’autre ferait une offre d’achat aux pères trappistes, la Municipalité régionale de comté de Maria-Chapdelaine disposera de 60 jours pour l’égaler et se porter acquéreur des biens en question. La MRC peut aussi proposer une offre avant les autres. Seulement voilà, du côté des pères trappistes, on fait observer que «c’est toujours long avec ce genre d’organisme.»
Le message du monastère à l’endroit de la MRC et des entrepreneurs est clair. «Nous on ne peut pas donner, on a des obligations face aux frères. (…) Il faut quand même qu’on continue à vivre. L’abbaye de Mistassini n’est pas assise sur une montagne de dollars», martèle l’abbé Clément Charbonneau.
Sort de la chocolaterie
Pour l’instant, la chocolaterie des pères trappistes de Mistassini n’est pas sur le marché, mais elle pourrait l’être après la vente de la propriété. «On voulait mettre l’emphase au départ plutôt sur la propriété et le monastère. Ce qui ne veut pas dire qu’on n’irait pas éventuellement avec la chocolaterie, bien sûr», prévient le père.
Il souligne que cette entité commerciale sera plus facile à vendre. Parce qu’elle se porte très bien, à ses yeux, avec plusieurs travailleurs et une équipe de gestion présentée comme étant très efficace. L’essentiel pour le moine trappiste est que cette entreprise demeure à Dolbeau-Mistassini.
«On ne voudrait pas la vendre à une entreprise qui va ramener toute la production à Québec ou à Montréal ou ailleurs parce qu’on trouve qu’on a une certaine responsabilité face à nos employés à ce niveau-là et à la région», déclare l’abbé du monastère.
Entre sérénité et inquiétude
Pour sa part, l’équipe de gestion de la chocolaterie reste sereine quant à l’avenir de l’entité. «La chocolaterie ne fermera pas, peu importe ce qu’ils vont faire avec dans l’avenir. (…) La chocolaterie va perdurer dans le temps et la chocolaterie même veut aussi faire perdurer dans le temps l’histoire des pères trappistes», affirme Joël Lavoie, codirecteur général et directeur de production de la chocolaterie.
S’il se fait rassurant sur le sort de l’entité, M. Lavoie est toutefois inquiet de l’impact que pourrait avoir sur la région le départ des pères trappistes. «Pour le tourisme, ça nous inquiète un peu parce que les pères trappistes sont une image de la région de Dolbeau-Mistassini. Il y a beaucoup de gens à l’extérieur qui viennent visiter la région (à cause d’eux)», estime le codirecteur général.
Le monastère de Mistassini a été fondé par les moines d’Oka en 1892. Ils étaient venus de France en 1881. Onze ans plus tard, ils ont édifié l’établissement religieux au nord du Lac-Saint-Jean.