Développement et Paix ne conservera des liens de partenariats qu’avec le tiers des organismes qui ont été soupçonnés, depuis mars 2018, de ne pas respecter l’enseignement social et moral de l’Église catholique.
Tout en refusant de rendre public le rapport de l’enquête menée sur les partenaires de Développement et Paix, la Conférence des évêques catholiques du Canada et l’organisme de solidarité internationale viennent de révéler qu’il n’y a plus «aucune objection à poursuivre la collaboration» avec 20 d’entre eux.
Le communiqué publié le jeudi 25 février 2021 révèle aussi que ce sont plutôt 63 partenaires de Développement et Paix qui ont fait l’objet d’une enquête. Pourtant, en janvier 2018, des employés de la conférence épiscopale avaient émis des reproches contre 52 partenaires. Les deux organismes reconnaissent aujourd’hui, pour la toute première fois, que «52 partenaires ont d’abord été étudiés avant d’en ajouter 11 autres, pour un total de 63».
Si 20 partenariats peuvent dorénavant être maintenus, 43 autres ont déjà cessé ou devront se terminer, indique-t-on. Ainsi, pas moins de «19 partenariats étaient arrivés à échéance ou devaient se terminer» avant que le rapport final de l’examen ne soit approuvé par le conseil national de Développement et Paix en novembre 2020.
De plus, «Développement et Paix s’abstiendra de poursuivre 24 partenariats faute d’éclaircissements sur des préoccupations sérieuses relatives à des prises de position ou à des actions qui contredisent l’enseignement social et moral de l’Église».
Développement et Paix a refusé de donner des exemples de paroles ou de gestes qui «contredisent l’enseignement social et moral de l’Église» et qui ont mené à la cloture de ces partenariats. La complexité de ce dossier fait qu’«il est impossible de résumer ce travail en quelques exemples», a déclaré Romain Duguay, le directeur général adjoint de Développement et Paix.
Développement et Paix refuse toujours de dévoiler les noms des partenaires qui ont été conservés ou qui ont été rejetés au terme de cette longue enquête.
«Vue la nature délicate des renseignements contenus dans le Rapport final, par souci d’équité pour la réputation des partenaires et, dans certains cas, pour éviter de compromettre leur sécurité, il a été convenu de ne pas divulguer les noms des partenaires et d’éviter de rendre publique l’intégralité du Rapport final.»
Le communiqué explique aussi que le rapport d’enquête sur les partenaires a été préparé «par un sous-comité conjoint formé de représentants de la CECC, de sa haute direction notamment, ainsi que de la direction de Développement et Paix». Aucune mention n’est faite de la participation à ce groupe de travail de membres et de dirigeants bénévoles de l’organisme ou encore de son personnel syndiqué.
On confirme aussi que ce sous-comité a reçu, dès sa mise sur pied en novembre 2017, «le mandat d’enquêter sur des préoccupations voulant que certaines activités non financées et positions de partenaires internationaux de Développement et Paix entrent en conflit avec l’enseignement social et moral de l’Église». Jusqu’à ce jour, Développement et Paix avait toujours indiqué mener un «examen commun des partenaires» plutôt qu’une enquête.
Fanm Deside
Aujourd’hui, Développement et Paix n’a plus que 81 partenaires, indiquent les documents préparés pour le Carême de partage 2021, la campagne annuelle de financement de l’organisme.
Au moins un partenaire mentionné cette année dans le matériel promotionnel distribué dans les églises canadiennes faisait partie de la liste des organismes soupçonnés en 2018 de ne pas respecter la doctrine catholique. Il s’agit de Fanm Deside, un groupe haïtien de promotion des droits des femmes.
En novembre 2019, l’organisme avait reçu une demande de la conférence épiscopale canadienne de «répondre par « oui » ou par « non »» à une question sur la politique haïtienne en regard de l’avortement. «Pour éviter toute confusion, quand vous dites que Fanm Deside « n’a jamais supporté ou encouragé les pratiques visant l’avortement », est-ce que cela signifie que vous n’appuyez pas la légalisation de l’avortement en Haïti?»
L’organisme avait toutefois refusé de répondre par un simple «oui» ou «non» aux évêques canadiens et avait plutôt envoyé une lettre de trois pages en réponse à cette «injonction». Les Soeurs du Bon-Conseil ont contribué à la mise sur pied de Fanm Deside (Femmes décidées, en créole) à la fin des années 1980.
Développement et Paix n’a pas voulu indiquer si son rapport d’enquête maintenait ou cessait les liens de partenariat avec le jésuite hondurien Ismaël Moreno Coto. En 2019, la CECC et Développement et Paix avaient notamment reproché au directeur de la station Radio Progreso et de l’Équipe de réflexion, d’information et de communication (Fundación ERIC), d’avoir permis à «une lesbienne autoproclamée et une féministe pro-avortement» («una lesbiana autodeclarada, proabortista feminista») d’exprimer ses opinions dans les sites Web de ces organismes. Le père Moreno, reconnu pour son travail de défense des droits humains en Amérique centrale, avait aussitôt rabroué tant Développement et Paix que les évêques canadiens et dénoncé publiquement le ton «aussi glacial que l’hiver canadien» de la lettre qu’il avait reçue.
Le communiqué de presse conjoint publié le jeudi 25 février 2021 indique enfin que la conférence épiscopale canadienne devra dorénavant autoriser tout nouveau partenariat que les responsables de Développement et Paix voudraient instituer avec des groupes du Sud. De plus, assure-t-on, les actuels partenaires de l’organisme ont tous été approuvés par la CECC. «Il n’y a plus de financement ni de contrats avec ceux où il a été accepté de ne pas continuer la relation.»
***