Je me permets cette lettre ouverte à la suite d’un article de Présence sur la diminution marquée du nombre d’agents et agentes de pastorale laïques. Je suis agent de pastorale en paroisse depuis 2005, j’ai vécu des moments formidables dans deux paroisses et diocèses différents.
Depuis l’automne dernier, je cumule mon rôle en paroisse et celui d’intervenant en soins spirituels (ISS) dans un CHSLD. Comme plusieurs collègues, il est fort possible que je délaisse la paroisse au profit du système de santé. Malgré tout l’attachement que j’ai pour mon métier, il existe plusieurs raisons évidentes à l’exode des agents/agentes de pastorale ayant une formation:
Le salaire
Je gagne 14 $ de plus par heure comme ISS (en plus de la prime COVID-19). Il faudrait à cela ajouter la qualité des avantages sociaux comme le fonds de pension et les assurances.
Les horaires
Principalement de jour en CHSLD, une prime est offerte si je travaille le soir ou la fin de semaine. En paroisse, on considère normal de travailler deux soirs par semaine et presque tous mes dimanches.
L’autonomie et la reconnaissance des diplômes
Malgré mon doctorat, en paroisse je serai toujours sous la tutelle d’un prêtre. Comme ISS, je ressens une pleine autonomie.
La valorisation de notre expertise
L’ISS est reconnu pour son expertise unique au sein d’une équipe. En paroisse, le laïc est bien souvent perçu comme un clergé de substitution… une aberration historique en raison du manque de prêtres… L’AÉCQ a reconnu le ministère d’agent/agente de pastorale il y a quelques années, mais cela ne semble pas avoir donné de fruits sur le terrain.
Je raconte brièvement une anecdote, qui est pour moi révélatrice du manque de considération envers notre rôle au sein de l’Église, qui demeure malgré la présence de plusieurs personnes d’exceptions, une Église fortement pensée en fonction des ministres ordonnées.
Récemment, j’explorais la possibilité de reprendre ma formation vers le diaconat permanent. Dans le dialogue avec la personne en charge, je tentais de faire valoir mes 16 années de mandat comme agent de pastorale. À cela, la personne m’a répondu que nous avions tous des expériences professionnelles. Je suis convaincu qu’avec le recul, cette personne formulerait cela autrement, mais cela m’a scié les jambes et je n’ai pas cru bon poursuivre le dialogue.
Une identité catholique sans cesse plus difficile à défendre
Les vagues successives de scandales rendent impossible de justifier notre ecclésiologie actuelle et l’univocité du sacerdoce. Notre Église a besoin de conversions. Si le monde a bien souvent besoin de l’Église pour l’interpeller, celle-ci a aussi besoin d’être à l’écoute des signes de fraternité humaine au cœur de nos sociétés contemporaines. Il faut parfois cesser de vouloir évangéliser… pour se laisser nous-mêmes évangéliser par l’Esprit saint à l’œuvre dans notre monde.
Il y a 10 ans, je déposais un essai portant sur la gestion des ressources humaines en Église, dans le cadre d’une licence canonique à l’Université de Montréal. La conclusion était simple: nous perpétuons un modèle de ressources humaines fondée sur une perspective sacrificielle. Un tel dévouement est sans doute possible, mais il me semble hasardeux dans un contexte de crise de la transmission et d’exode de nos employés de fonder l’ensemble de notre gestion dans une telle perspective. De la même façon que nous travaillons à cultiver une pastorale du désir afin de rendre la foi désirable, il nous faut repenser l’ensemble de notre gestion afin de rendre les emplois que nous proposons aussi désirables que possible. Beaucoup argueront que l’Église n’a pas les moyens de faire mieux… Pour ma part, c’est simplement la preuve que nos diocèses ont préféré les pierres aux pierres vivantes depuis bien trop longtemps. J’ose encore espérer dans l’Église catholique, c’est pourquoi je poursuis à y travailler avec tout mon cœur comme nombre d’entre vous.
En espérant n’avoir choqué personne, la paix et la joie du Christ vous accompagnent.
Simon Lepage
Agent de pastorale