On peut lire ces temps-ci beaucoup de textes qui prétendent décrire ce que sera le monde de l’après-pandémie.
«La nourriture sera davantage produite localement.»
«Le télétravail va se généraliser.»
«Des budgets plus généreux seront alloués à la recherche scientifique.»
«La Chine va supplanter les États-Unis comme première puissance économique mondiale» (comme si ce n’était pas déjà en cours avant la pandémie…).
«La mondialisation subira un coup d’arrêt.»
«On voyagera moins, et moins loin.»
«Fin du néolibéralisme et retour du keynésianisme.»
«Réhabilitation de l’État-nation et des nationalismes.»
«On va moins polluer.»
«On va moins consommer.»
«Nous serons de meilleures personnes.»
«On se souciera davantage de l’essentiel.»
Le simple fait d’affirmer de façon catégorique que «le monde ne sera plus jamais comme avant» ou qu’«il y aura un avant et un après», nécessairement très différents l’un de l’autre, me semble très présomptueux.
Qu’en savent-ils, ces supposés visionnaires?
On ne sait même pas encore ce qui adviendra de cette pandémie, nous n’en sommes qu’au début ici en Amérique du Nord. Alors prétendre savoir aujourd’hui ce que sera le monde après la pandémie… Ces prédictions sont plus le reflet des fantasmes de ces «prophètes» qu’autre chose.
Le temps appartient au Seigneur, nul ne sait ni ne peut savoir de quoi demain sera fait. Il ne sert à rien à ce moment-ci, tant que nous sommes dans le «pendant», de jouer les devins quant à l’«après».
Ceux qui rêvent d’un monde très différent de celui qu’on connaît pourraient être déçus. Au cours de cette catastrophe sanitaire, on a vu des gens entrer dans les hôpitaux pour voler des masques, des gants. En ce moment même, des arnaqueurs exploitent la peur du virus pour extorquer de l’argent aux personnes vulnérables. Sans parler de ceux qui vident les tablettes de Purell chez Costco pour en revendre à gros prix sur Kijiji. Les temps peuvent changer, mais l’être humain, lui, ne change pas, malheureusement.
Toutefois, on voit aussi pendant cette pandémie des gestes d’entraide, des poussées d’humanité çà et là, et tant de gens (camionneurs, médecins, infirmières, caissières, préposés aux bénéficiaires, commis de supermarché, bénévoles, etc.) dont le dévouement à leur tâche, mettant leur santé en péril, permet à notre société de continuer à fonctionner. C’est héroïque! «Ce qu’on apprend au milieu des fléaux, [c’est] qu’il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser», écrit Camus à la fin de La peste.
Mais ce que j’admire encore plus, c’est de voir tant de gens ordinaires, qui n’ont rien de héros, garder le moral et leur bonne humeur en ces temps d’anxiété. Belle initiative que celle d’afficher des arcs-en-ciel à nos fenêtres pour s’encourager mutuellement! Il y a même de la place pour l’humour, comme on peut le constater tous les jours dans les réseaux sociaux. C’est rassurant: si on rit et fait rire les autres, c’est qu’on n’est pas en train de paniquer ni de désespérer.
Je ne sais pas combien de temps durera cette crise ni ce qui va se passer dans les prochains jours ou les prochaines semaines. Les experts non plus, d’ailleurs. Par contre, il est certaines choses dont je suis certain et que j’oserai prédire à mon tour.
Le soleil se fera de plus en plus chaud et brillant.
La neige va fondre.
Le gazon va reverdir.
Les oies vont rentrer au pays.
Les fleurs vont pousser.
Les arbres auront à nouveau des feuilles.
Maringouins et mouches noires vont revenir nous dévorer.
On va faire des potagers.
Les magasins vont rouvrir.
Je vais de nouveau manger une crème glacée en me promenant sur la rue des Forges et siroter une bière fraîche sur une terrasse ensoleillée.
Et un jour, je ne sais pas quand exactement, mais un jour, on va se retrouver avec plaisir un dimanche matin dans nos églises et lieux de culte.
La vie continue. Différemment, mais elle suit son cours. Malgré la crise. Et ce qui sommeille présentement renaîtra.
Au cœur de notre foi chrétienne demeure cette conviction que nous célébrons chaque année à Pâques: la vie est plus forte que tout. Même que la mort.
Comme disait mon grand-père: «Ça ne peut pas aller mal tout le temps.» Cette pandémie ne durera pas éternellement. Dans tous les cas, peu importe sa durée, elle n’est qu’un mauvais moment à passer. Plus nous continuerons à être prudents, disciplinés et solidaires dans le respect des consignes émises par les autorités, plus vite ces temps difficiles seront derrière nous.
«C’est tout ce que je sais, mais ça, je le sais», chantait Jean Gabin. Et ça me suffit. Ça m’aide à traverser cette épreuve. Nul besoin pour moi d’en savoir davantage.
Je crois – je ne peux pas dire «je sais», car Dieu est objet de croyance et non de savoir – que Dieu est avec moi, avec nous dans cette épreuve, qu’il ne nous lâchera pas. Ça aussi, ça m’aide à vivre la tempête en attendant qu’elle se calme.
Tenons bon.
Bon courage à toutes et à tous. Nous ne sommes pas seuls.
Stéphane Gaudet
Trois-Rivières