Le cardinal Marc Ouellet poursuit une ex-agente de pastorale pour propos diffamatoires. Il affirme que le 16 août 2022, cette femme aurait porté contre lui des accusations d’agressions sexuelles dans le cadre de l’action collective contre l’archidiocèse de Québec.
Pour ses propos «infamants et diffamatoires», il lui réclame une somme de 100 000 $.
«Je n’ai jamais posé les gestes qui me sont reprochés par la plaignante», a-t-il répété aujourd’hui. Sa déclaration officielle a été publiée par l’agence Vatican News. Au même moment, un bureau d’avocats montréalais déposait une requête en son nom auprès des tribunaux québécois.
«J’entreprends aujourd’hui un recours judiciaire en diffamation afin de démontrer la fausseté des allégations portées contre moi et de rétablir ma réputation et mon honneur», a déclaré le préfet du dicastère pour les évêques.
Les faits
Le 16 août 2022, on apprend que le cardinal Marc Ouellet est nommé dans une longue liste d’agresseurs déposée en appui à l’action collective autorisée contre l’archidiocèse de Québec. Les gestes qu’on lui reproche seraient «des attouchements de nature sexuelle non consentis».
Dans la requête judiciaire, on présente plusieurs cas de personnes qui racontent avoir été abusées par des prêtres de cet archidiocèse. La plupart étaient d’âge mineur au moment des faits reprochés. Mais c’est le témoignage de la victime appelée F. qui est le plus remarqué. Dès la première ligne, on indique qu’elle aurait été agressée sexuellement par un prêtre de la paroisse où elle travaille ainsi que par le cardinal Marc Ouellet.
En août 2008, cette femme alors âgée de 24 ans* fait ses débuts à titre d’agente de pastorale. Elle participe à une rencontre de tout le personnel de l’archidiocèse de Québec. C’est là qu’elle rencontre le cardinal Marc Ouellet, pour la première fois. Assise tout à l’arrière de la salle, écrit-on, F. «sent alors deux mains se poser sur ses épaules et se mettre à masser ses épaules avec force». Elle reconnaît aussitôt le cardinal qui «lui sourit et lui caresse le dos avant de repartir».
Elle «demeure figée face à cette intrusion et ne sait pas comment réagir». Troublée, «un sentiment de malaise la suit pour le reste de la journée». Trois autres événements sont ensuite mentionnés dans la requête. Le cardinal se montre trop insistant envers elle, il s’empresse de lui faire la bise, de lui demander son nom à l’oreille, etc.
F. prend alors la décision d’éviter toutes les réunions ou encore les lieux où elle pourrait croiser de nouveau l’archevêque de Québec. «Lorsque F. ose parler du malaise qu’elle ressent face au cardinal, elle se fait répondre qu’il est tellement chaleureux». De plus, elle ne serait pas «la seule femme à avoir ce genre de problème avec lui», écrit-on dans la requête judiciaire.
Le cardinal Ouellet est nommé à Rome en 2010. Dix ans plus tard, F. assiste à une formation sur les abus sexuels. C’est à ce moment qu’«elle se reconnaît dans les agressions sexuelles qu’elle a subies» par le cardinal Marc Ouellet et par un autre prêtre de l’archidiocèse de Québec, précisent les rédacteurs de la requête judiciaire.
Le 16 août, les médias du monde entier ont rapporté qu’un cardinal québécois, en poste à Rome, était accusé d’agressions sexuelles. Rares sont les médias qui se sont intéressées aux troublants témoignages que contenait la requête judiciaire ou même au sort des 100 autres victimes qui se sont inscrites au recours collectif.
Les mots sont importants
Les avocats du cardinal Ouellet expliquent que «les mots utilisés dans une procédure sont importants et [que] leur utilisation doit faire preuve de prudence, et ce, surtout lorsque ces mêmes mots revêtent une portée hautement péjorative».
Ils estiment que les gestes que F. reproche au cardinal – des gestes qu’il «nie catégoriquement», répètent-ils à plusieurs reprises – ne peuvent être qualifiés d’«attouchements de nature sexuelle» ou d’«agressions sexuelles».
Ils argumentent aussi qu’il est fautif de présenter les allégations contre le cardinal avec «d’autres allégations impliquant des actes graves posés sur des mineurs».
Les avocats du cardinal vont plus loin: il se demandent «pourquoi l’histoire qu’aurait subie F. se retrouve parmi des actes répréhensibles de pédophilie»? Ils suggèrent ensuite que «ce n’est que pour aspirer dans ce dossier un membre du haut-clergé».
«Avoir associé le cardinal à des individus qui auraient commis des gestes d’une telle nature relève de la négligence», écrivent-ils. «Le citoyen ordinaire percevra que, comme il s’agit d’un recours de nature commune, tous les reproches faits contre les ecclésiastiques qui y sont nommés sont de la même nature», déplorent-il.
Réputation
«Pour un membre du clergé, une allégation d’agression ou d’inconduite sexuelle est la pire tache qu’on puisse avoir à son dossier», écrivent en conclusion les avocats du cardinal Ouellet. Dans cette affaire, la «réputation à l’international» du cardinal «est donc sérieusement entachée par ces fausses allégations». On ajoute que depuis le dépôt de l’action collective, le cardinal vit «une angoisse psychologique importante».
Pour cette «atteinte importante à sa réputation», une somme de 100 000 $ est réclamée à titre de dommages compensatoires. Si le cardinal obtient gain de cause, cette somme «sera versée au profit de la lutte contre les abus sexuels subis par les Autochtones du Canada», indique-t-on, sans plus de précisions.
Le cardinal Marc Ouellet est représenté par le cabinet montréalais LCM Avocats.